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Rencontre avec Benoît Heimermann: "B. Ousland est le continuateur des principes élaborés par Nansen"

Auteur d’une vingtaine de livres, Benoît Heimermann aime les pionniers au sens large. Les montagnards, les marins, les aviateurs... Pour ce nouveau livre, il a choisi Borge Ousland, un aventurier norvégien, spécialiste des pôles. « Un authentique aventurier de l’extrême » pour Jean-Louis Etienne. Homme discret et héros secret, il est parfois présenté comme l’homme de l’ombre de Mike Horn, volubile aventurier et parfait communiquant. Mais qui se cache derrière cette grande stature d’homme du nord ? Rencontre.


Benoît Heimermann, Borge Ousland et Christian de Marliavre, responsable des Editions Paulsen


Comment est née l’idée de ce livre consacré à Borge Ousland ?

Frederik Paulsen, responsable des laboratoires pharmaceutiques Ferring, par ailleurs propriétaire des Éditions Paulsen, souhaitait que l’on rende hommage, d’une manière ou d’une autre, au Norvégien Borge Ousland à ses yeux le plus grand « polaire » contemporain. L’intéressé a été approché. Qui, plutôt que de se confier à un compatriote, a souhaité rédiger son autobiographie en compagnie d’un Français, moi en l’occurrence...


Tu le côtoies depuis plusieurs dizaines d’années. Comment s’est fait cette rencontre ? Quel lien as-tu aujourd’hui avec lui ?

C’est précisément parce que nous nous connaissons depuis très longtemps que ce livre a été possible. Au mitan des années 80, une poignée d’aventuriers – Jean-Louis Étienne en tête – se sont mis en tête de « revisiter » les régions polaires. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’une saine compétition se mette en place susceptible de désigner celui qui gagnerait les extrémités de la planète en autonomie totale, non pas avec le soutien d’engins motorisés ou de meutes de chien, mais en tractant tout juste ce qu’il faut de vivre et de matériel. A l’époque, les GPS n’existaient même pas et les inconnus (nature du terrain, résistance au froid, etc.) étaient encore innombrables. Je me suis passionné pour ces challenges et forcément pour celui qui s’en est fait le spécialiste le plus obstiné et le plus ingénieux, Borge précisément. Dépêché par L’Équipe Magazine, je l’ai rencontré une bonne demi-douzaine de fois à l’époque, en Norvège et ailleurs...


Tu le places dans la lignée de deux grands noms de l’exploration norvégienne Fridtjof Nansen et Roald Amundsen. Pourquoi ?

Parce que, précisément, Borge Ousland est le continuateur des principes élaborés par ces hommes d’exception. Comme eux, Borge prône l’épure, la vitesse, la légèreté. Il s’adapte plus qu’il ne combat. Il respecte plus qu’il n’apprivoise. Il déduit plus qu’il n’invente...



Dans votre livre, un autre point m’a interpellé, c’est celui des « fakes aventures ». Tu l'abordes au moment où l’Américain Colin O’Brady, un aventurier, conteste la traversée de l’Antarctique effectuée par Borge Ousland en 1997. Peux-tu revenir sur ce cas et surtout peux-tu nous dire s’il existe un règlement qui distingue les « authentiques » des « aventuriers au rabais » ?

Sur un stade, dans une piscine, les données de temps, de distance, etc. sont claires et connues de tous. En Arctique ou en Antarctique, le cadre réglementaire est plus flou, parfois laissé à la libre appréciation des compétiteurs eux-mêmes. Comme en montagne, comme en mer, il repose sur un gentleman agreement. « Personne n’était là pour le constater, mais le sommet de l’Everest je l’ai fait tel jour à telle heure, avec ou sans oxygène, avec ou sans un compagnon de cordée... » Il n’existe pas de jury impérieux, pas de médias comminatoires. Ou plutôt il existe des « rapporteurs » pas toujours honnêtes et scrupuleux. Borge défend une éthique qu’il aimerait voir partager par le plus grand nombre (pas de dépôts de vivre, pas de parachutage de matériel, les mêmes distances pour tous, des voiles de tailles raisonnables, etc. le problème, c’est que pour faire des « coups », certains ont largement bousculé, et plus encore, ces données liminaires... O’Brady, en particulier, qui s’est inventé un exploit sur mesure avec, et c’est là où le bât blesse, le soutien de médias (Le New York Time, entre autres) que l’on avait connus plus scrupuleux dans d’autres circonstances. Tout prête à discussion et à interprétation en matière d’aventure. Certains « faussaires » ont la vie dure. Mais, au bout du bout, se sont heureusement toujours les authentiques qui s’imposent au regard de l’histoire...


Sur la notion de « fakes aventures », as-tu une anecdote en tête ?

Montrer du doigt, adossé à des certitudes parfois fragiles et fort d’une expérience qui ne pèse que peu de poids par rapport aux sacrifices endurés par des hommes et des femmes qui, quel que soit leur niveau d’éthique, prennent somme toute beaucoup de risques, est toujours délicat. Je pourrais raconter le cas de cette vedette des médias qui revendique une traversée antarctique exceptionnelle mais qui, au départ de celle-ci, a tiré avantage d’un tractage mécanique pour gagner le plateau principal, mais je ne ferais qu’ajouter de l’huile sur le feu d’une mauvaise réputation qui me semble déjà très bien établie...


Tu as suivi de nombreuses compétitions sportives internationales en tant que grand reporter pour l’Équipe Magazine (JO, Coupe du monde…), et pourtant dans votre bibliographie, les explorateurs et les exploratrices tiennent une place prépondérante. Pourquoi ? Sont-ils plus intéressants que les sportifs ?

Intéressants, je ne sais pas. Ce qui est certain c’est que le contexte dans lequel ils s’expriment est plus exceptionnel et, en même temps, plus exigeant. L’aventurier comme le sportif est appelé à se surpasser lui-même, mais il doit de surcroît composer avec un terrain, des conditions qui parfois le dépassent...

J’ai l’impression que vous avez une fascination et une affection particulière pour les « polaires ». Est-ce le cas ?

J’aime les pionniers au sens large. Les montagnards, les marins, les aviateurs qui, a un moment ou à un autre, ont osé ouvrir une « porte », franchir un interdit, atteindre un inconnu. Un second, un suivant, un imitateur mérite le respect, un initiateur mérite l’admiration.


Comment expliques-tu le lien entre Borge Ousland et Mike Horn, son exact contraire ?

C’est le même rapport qui existe entre un guide de haute montagne et son client. Un guide exécute la tâche qu’on lui a commandé de faire. Il est appointé pour cela. Ce n’est pas son rôle de discuter de son opportunité et encore moins de critiquer celui qui s’est attaché ses services. Mais sans doute n’en pense-t-il pas moins...


Propos recueillis par Julien Legalle


Benoît Heimermann, Borge Ousland, le gardien des pôles, Paulsen, 2023.

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