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Courir

Avant d’aller plus avant dans la présentation de l’ouvrage du jour, une précision s’impose. Rien ne permet, a priori, de le rapprocher de la plume de Jean Echenoz qui avait peint, au cœur de son cycle biographique, les traits de caractère d’Emil Zátopek, avec l’humour et la précision qui caractérisent tant cet auteur. Le roman de l’australien Adrian J. Walker, The end of the world running club, traduit par David Fauquemberg pour le compte des éditions Hugo, relève d’un tout autre genre…


Edimbourg, à notre époque. Dans un monde qui a fermé les yeux sur ses propres dérives, une catastrophe planétaire s’annonce. Ou plutôt intervient-elle un dimanche matin, au cœur d’un été exceptionnellement chaud. Edgar Hill, sa femme et ses deux enfants réchappent miraculeusement à la chute de météorites qui vient de s’abattre sur la Grande-Bretagne. Ils se réfugient pendant deux longues semaines dans la cave de leur maison, avant d’être sauvés par quelques militaires rescapés. Ils découvrent alors une ville ravagée où quelques survivants sont réunis dans une caserne, tandis que les Lapins, une bande de jeunes déshérités, a pris le contrôle de plusieurs quartiers. La vie se réorganise dans la promiscuité de la caserne, Ed faisant peu à peu connaissance avec les autres rescapés qui, comme lui, ont eu autant de chance qu’ils ont fait preuve de réactivité. Alors que l’opposition avec les Lapins se fait de plus en plus franche, des hélicoptères viennent sauver le groupe… Enfin ceux qui ne sont pas partis chercher des vivres en ville. Edgar est subitement séparé de sa famille. Le groupe dispose alors de moins d’un mois pour rallier la Cornouailles, éloignée de huit cents kilomètres, s’il souhaite rejoindre une partie du globe moins sinistrée. Et dans un monde où l’essence se fait rare et où la moindre route est défoncée, le plus simple est encore de faire le trajet à pieds. Commence alors une aventure hors norme, mêlant périple survivaliste et course contre la montre.


The end of the world running club est, il faut d’emblée le souligner, un divertissement d’une grande réussite. Le roman convoque ingénieusement les canons du récit de genre, se situant à mi-chemin de The Walking dead, pour la traversée de différentes microcosmes sociaux en reconstruction, et roman post-apocalyptique à la sauce Mc Carthy pour la description d’inquiétants espaces dévastés, tout en usant de détours psychologiques permettant à chaque caractère de ce « running club » de s’affirmer et d’exprimer ses particularités. Au milieu de ce groupe, Edgar, sorte de CSP+ pataud ayant de dangereuses accointances avec l’alcool, doit apprendre à se faire violence, à vivre dans la douleur permanente de l’effort physique et à s’accrocher pour retrouver les siens. Si le roman n’évite pas l’écueil de quelques situations caricaturales, notamment en faisant d’Ed un homme ne cessant de devenir « meilleur », il réussit le tour de force du rythme, au point qu’il devient vraiment difficile de s’ennuyer (en tout cas beaucoup moins que devant l’intégralité d’un ultra-trail de cette longueur). De la même manière, si l’univers de la course semble pendant une grande partie du texte dépassé par les nécessités du récit post-apocalyptique, l’obsession du coureur devient au fil des pages un des thèmes centraux du livre. Au point de faire d’Edgar un homme mû par ses objectifs « sportifs ». Au point, finalement, de le rapprocher un peu de la figure de Zátopek.


Adrian J. Walker. The end of the world running club, Paris, Hugo Thriller, 2016.

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