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Les Jeux en poésie (partie 5)

L’été fut olympique ! Avec Ecrire le sport, il a été l’occasion de réunir une trentaine de poétesses et de poètes pour dire – autrement – les Jeux.

 

L’aventure ne s’arrête pas là…

Nous avons à cœur de « couvrir » les Jeux Paralympiques par ce regard poétique, décalé, qui prend parfois le contrepied du discours médiatique, s’autorise un pas de côté pour voir autrement.

 

Cette initiative a été pensée comme un clin d’œil à Géo-Charles qui assiste en spectateur enthousiaste aux Jeux de Paris 1924 et livre un poème de chaque finale… Les Jeux paralympiques n’existent pas encore. Ils germeront de l’initiative de Ludwig Guttmann qui organise les premiers "Jeux mondiaux des chaises-roulantes et des amputés" à Stoke Mandeville (Angleterre) en 1948. La 9e édition de ces Jeux sera délocalisée en 1960, à Rome… une semaine après les Jeux olympiques. Les Jeux Paralympiques sont nés. Et si Géo-Charles n’a pas réédité son aventure olympico-poétique après 1924, nous sommes persuadés que l’idée de raconter les Jeux paralympiques en poésie lui aurait plu.

 

 

Entre le 28 août et le 8 septembre, Paris accueille les Jeux paralympiques. Nous vous les racontons en poésie.


 

*

Le 8 septembre 2024

par Françoise Lison-Leroy

 

Viatique

 

Filles et gars de partout

d’élan grandiose

d’anciennes détresses

              aux ricochets fiévreux

 

 

Nos écrans sont éteints

 

 

Nous rêverons encore

lorsque la nuit nous rejoindra

parmi vos plumes apaisées

      vos drapeaux et bannières

                               piqués de ciel

 

 

Dans ce songe éveillé

la ronde des pansements

les partitions en fête

        nous tiennent par le cœur

                sans corsets

                                   ni cicatrices

 

 

Nous verrons des étoiles


*

Une journée aux Jeux paralympiques de Paris – 5


par Jean-Baptiste Verrier

 

Une puce-puce toute rouge

Haute comme trois pommes de mai

Saute resaute, bouge rebouge

Peut-on être plus gai ?

 

C’est qu’elle a lancé relancé

Et d’avoir lancé relancé si loin devant

Cette chose étrange il s’est passé

Le poids est derrière elle maintenant

 

Une puce-puce toute rouge

Haute comme trois pommes de mai

Saute resaute, bouge rebouge

Peut-on être plus gai ?

 

Son lancer a les autres passé dépassé

Et d’avoir si, si, si réussi son coup

Cette chose espérée il s’est passé

Le poids est autour de son cou

 

 

*

Para canoë, éliminatoires, 6 septembre, Vaires-sur-Marne, vu en replay


par Virginie Larteau

 

Prenez une rivière, la plus longue de France

Choisissez une belle largeur

Délimitez un bassin

Baptisez le : « stade nautique

des exploits paralympiques »

 

Tracez des lignes de bouées jaunes

Ajoutez quelques bouées roses bonbon

Dessinez des bouées rouges passion

 

Conviez les plus grandes championnes,

les plus grands champions,

qu’ils brassent de l’eau avec deux avirons,

ou avec une seule pagaie

pourvu qu’ils nous égaient

 

Leurs bras élancés

dans l’air et dans l’eau

Ramez, godillez, avancez,

tel est leur credo

 

*

06 septembre - chez moi à Mouans-Sartoux, avec l’Équipe


par Patrick Joquel

 

tu vois le champion

son podium

ok

tu penses à son équipe

coach sportif

coach mental

coach alimentaire

ok

tu penses aux autres membres de l’équipe

ceux qui organisent l’emploi du temps

les déplacements

le quotidien

ok

est-ce que tu penses aussi

aux techniciens

ceux qui optimisent le matériel

cherchent à l’améliorer

à gagner quelques grammes

quelques centièmes de secondes

ceux qui préparent

qui réparent

est-ce que tu penses à ceux ou celles bien sûr

qui optimisent le geste

cherchent une meilleure pénétration dans l’air

une fluidité affinée

 

derrière un sportif

derrière une sportive

et vice-versa

est-ce que tu penses à toutes les énergies

toutes les personnes

y compris les soutiens amicaux

les supporters

les rêveurs

et celles et ceux qui sans être olympiques

se fixent leur propre challenge personnel

histoire d’aller plus loin

de vivre plus haut

 

l’exploit est aussi là

dans la fédération des énergies

des hommes et des femmes

 


*

Samedi 7 septembre 2024 – Sur mon canapé bleu

Céci-Foot Equipe de France – Frédéric Villeroux, dit « Vision »


 par Frédérique Leymonie

 

Courir dans le noir

 

Dans la nuit

dans la nuit de mon regard

je fonce

 

Les grelots

les grelots du ballon

me guident

 

La main

la main posée sur la rampe

m’oriente

 

Les autres

les autres joueurs adverses

m’évitent

 

ou pas.

 

Nous jouons au foot

comme tous les gosses

de la rue

 

Nous jouons au foot

la nuit sans lumière

sous une ola silencieuse

 

Nous jouons au foot

aux pieds de la Dame de fer

sans la voir scintiller

 

Courir dans le noir

pour attraper de l’or

dans la nuit de nos regards

mais sous le feu de nos coeurs


*

Jeudi 5 septembre, demi-finale France-Hollande de basket-fauteuil


par Colette Nys-Mazure


L’exploit individuel défie l’entendement

Le sport collectif met en jeu d’autres forces et valeurs



L’extrême concentration de la judoka

La guerrière à la vision floue

Suscite notre émotion


Entre les paniers les fauteuils slaloment

Les roues tournoient

Et les passes s’intensifient


Les corps ruisselants basculent et chutent

Comment relever sa monture

Regagner l’équipe en mouvement


Saisir le ballon viser

Heurter le montant et louper le filet

Mordre sur sa chique filer pour contrer


Les arbitres se démultiplient

Les décisions tombent

Des joueurs sortent aussitôt relayés


Les chiffres défilent implacables

Les écarts se réduisent

Se recreusent brutalement


Du terrain au tableau

Respirations suspendues

Spectateurs enthousiastes


Quelle que soit l’équipe gagnante

Plaisir garanti

Admiration sans borne


 *


Jeudi 5 septembre


par Françoise Lison-Leroy


4 septembre, le jour des six médailles belges


Léa à la course

Michèle au dressage

un Maxime d’argent

Ewoud à vélo

Tim et Jonas en bronze



Cette fois ils sont six

en un seul jour



On aura tout vu

ce mercredi

on en verra d’autres

jeudi les mêmes

Léa au 400 m

Maxime finaliste



Attention les athlètes

ne vous la pétez pas

à jouer les Français

qui disent que c’est perdu

quand la dive médaille

n’est pas d’ or



*


Jeudi 5 septembre 2024 – Sur mon canapé bleu,

smartphone en mains, Youtube en boucle depuis 8 jours


par Frédérique Leymonie


I’m in LOVE


I’m in love with Lucky LOVE

Quoi ? Ça vous choque ?

Je n’ai pas honte de le dire


Depuis une semaine

mon cœur a chaviré

mon âme s’est enflammée


Sa chanson, bon sang !

Non-stop comme un

électro-cardiogramme


qui pulse, me pulse

et me donne envie

de danser


Son corps à nu

est magnifique

en phase, emphase


Sa voix suave susurre

à mon oreille

sage ! Sage !


3 notes de violoncelle

En boucle

je vous dis !



*

Une journée aux Jeux paralympiques de Paris – 4


par Jean-Baptiste Verrier


Le premier à avoir allumé une flamme dans les yeux de mes enfants n’est pas un athlète mais un jeune homme habillé tout en vert. Un bénévole. En langage olympique et paralympique on dit : un volontaire. Nous engageons la conversation et découvrons que ce garçon est venu du Brésil pour donner un coup de main à l’organisation des Jeux, a posé pour cela ses congés, révisé un peu le français et se retrouve chargé d’accueillir le public dans les travées de l’Arena Paris Sud où se déroulent les épreuves de ping-pong. En langage olympique et paralympique on dit : tennis de table. Lorsque nous l’avons abordé il était en train de discuter avec le réceptionniste de notre hôtel. Le réceptionniste est brésilien lui aussi et je suis persuadé que ce gars au ticheurte blanc ne consent à passer quelques nuits par semaine derrière ce comptoir que pour jouer toutes les autres nuits dans les caves de Paris. C’est un contrebassiste de jazz, pour moi cela ne fait aucun doute. Je n’en sais fichtre rien mais j’en suis convaincu. J’aime m’inventer des histoires, je suis écrivain. En langage olympique et paralympique on dit : amoureux des Jeux.


*


4 septembre


par Françoise Lison-Leroy


En réponse


Pas un héros

ni robot ni para

rien de sous de mais de presque

en nos cadences



Rien que l’envie

aussi immense que la vôtre

de terrasser

ce qui nous barre

la présence



Athlète oui

pareil

pareil cri que le vôtre

quand vous fuselez

lissez modelez cramponnez

prothésez appareillez

vos muscles et vitesses

avec d’autres outils

sirops et apparences



Le corps respect

chacun le sien

et vos certitudes votre aisance

demeurent bien gardées



*


5 septembre, chez moi à Mouans-Sartoux, avec l’Équipe


par Patrick Joquel


je suis comme je suis

un truc en plus

un bidule en moins

je suis ainsi et c’est comme ça

jour après jour je grandis

j’avance et je vais plus loin

plus loin que moi-même

je veux être le meilleur de moi-même

je veux me dépasser

plus haut que possible

plus loin que possible

plus vite que possible

être moi-même et même un peu plus

juste comme ça

c’est ainsi

je suis comme je suis

avec ce chrono intime

cet intime et personnel challenge

et ce désir de podium

de record

bien sûr

je suis comme je suis

et j’aime bien la compétition

entre soi et l’autre

l’autre me pousse en avant

accompagne ma volonté d’aller

ensemble nous nous dépassons

ensemble nous sommes comme nous sommes

et c’est bien



*


5 septembre, en éteignant la télévision


par Sébastien Bailly


Quand on veut

On peut

Disent les commentaires

Tout le long des exploits


Sans jambes ou bien sans bras

Trop grands

Petits

Aveugles


Les médailles leur pleuvent

Dessus


Quand on veut

On peut

Tu vois


Alors bouge-toi donc un peu


Si tu veux tu peux


Et si tu ne peux pas

Tu sais

C’est que tu ne veux pas

Assez


Assez !


Ils sont fort

Et elles sont

Formidables


Mais toi

Souvent

Tu fais ce que tu peux

Et c’est déjà ça



*


4 septembre, Arena Porte de la Chapelle, Haltérophilie, Finale Hommes -49kg Omar Qarada en or Seul le poids compte, pas le handicap


par Sylvain Faurax


Pas de catégorie de handicap pour cette spécialité-là

Juste celle de la puissance, de l’hypertrophie et du poids

Ailleurs, il aurait été mis dans une case, placé en prison

Sa cellule porterait le numéro de sa catégorie

« Athlète né sans jambes » s’il fallait un intitulé

Si la taille de son talent ne s’en voyait pas rabaissée


Mais à sa plus grande fierté, la valeur tient ici

Non pas à la toise, mais bien à la pesée

Seule compte la vérité de la barre, des charges de choix

Tout le monde est égal en affaires au développé couché

Trois essais pour montrer sa force

Et rien d’autre à prouver


Le Powerlift, une sorte de pompe allongée

Avec le poids d’un monde pile au-dessus du nez

Le mythe d’Atlas dans sa version horizontale

Une voûte à mobiliser, de fonte et de métal

Piston vers le cœur et du cœur au lever

Au jeu de l’ascenseur, se surpasser


« Départ ». Muscles tremblants et sangles serrées

Le flirt coquin des filaments d’actine et de la myosine

Le ballet des membres supérieurs, respiration bloquée

Éruption d’énergie à base d’effusion de phosphocréatine

Bras enfin tendus et coudes verrouillés, « Rack ». Réglé !

Un grand homme sur le toit de l’Olympe vient de se hisser


*


4 septembre, sur la plage à Cannes, avec l’Équipe


par Patrick Joquel


tapis sous ton ombre

ces compagnes du jour J

la peur ou la soif

perdre ou gagner ça se joue

entre un fil et un chrono



*


Une journée aux Jeux paralympiques de Paris – 3


par Jean-Baptiste Verrier


Il a gagné mais sur le podium

Ne peut voir son drapeau

Ni la couleur de sa médaille


Il entend les applaudissements du public

Peut-être le cri de ses parents s’ils ne sont pas timides

Et le claquement de ses dents sur le métal


L’or, l’argent, le bronze

Ont-ils un goût distinct ?


Alors retentit l’hymne

C’est bien le sien



*


2 septembre, sur la plage à Cannes, avec l’Équipe


par Patrick Joquel


chacun son corps

chacun son histoire

et derrière chaque challenge personnel

ou chaque victoire

des milliers d’heures d’entraînement

de travail

la répétition des gestes jusqu’à l’épure

les doutes

les espoirs

la recherche de performance

l’œil implacable du chronomètre

et soudain

au jour olympique

l’état de grâce



*


2 septembre, un jour sans médaille pour la Belgique


par Françoise Lison-Leroy


Lundi sans médaille


Un jour sans médaille

c’est un stade sans pub

un maillot à bretelles

des écrans

sans télé



Être sans

la liberté nous fixe

avec ses yeux d’athlète


Il nous manque une clé

mais la cage est ouverte

la fenêtre au grand air

et le toit

plein d’oiseaux


Bonheur sans nom

tout le monde a gagné


Le podium est désert

on y mettra ce jour

les soigneurs à genoux

les joggeuses complices

et la chandelle morte

qui veille

sur nos nuits


*


2 septembre, Stade de France, Para Athlétisme, finale du 100m Hommes T64


par Sylvain Faurax


Question de calendrier


Une piste ovale et violette, anneau sans fin pour se dépasser.

La surface n’est plus tout à fait vierge, les valides l’ont déjà foulée.

Les appuis en carbone ne changent pourtant rien à l’affaire,

Les huit alignés au départ, comme plus tôt leurs coreligionnaires,

Se sont préparés à la guerre, rivaliseront par couloirs interposés.


Coup de feu à blanc, c’est parti pour sprinter la vie,

Sous les encouragements d’un stade comblé et rempli.

Athlètes courants d’air aux foulées parfaites.

Vague silencieuse, élégance de la vitesse.

Toutes ces prothèses comme des virgules invisibles,

Ponctuant l’effort de maintes délicatesses.


Lors de ces cent mètres martelés de magie,

Je n’ai vu que des coureurs magnifiques

Et à l’arrivée sept malheureux pour un ravi.

La vérité est donc pour tout le monde identique,

Quelle que soit sa constitution et ses appuis.


Alors fusionner les jeux en une même compétition ?

L’inclusion se heurte toujours à la hiérarchisation des deux.

Pattes pareilles ou dissemblables, entières ou prolongées,

À quoi bon séparer les héroïsmes et distinguer les passions ?

Quand l’olympisme entrelace ses anneaux en guise de vision


Les catégories permettent de s’affronter à chances égales,

Et si elles séparent, ce devrait être pour mieux rassembler

Les émotions en un même lieu, en un même événement

Mais pour l’heure les uns continuent de passer en premier,

Les autres étant relégués à quelques regrettables intervalles,

Érigeant les différences au lieu de créer des temps partagés


*


1er septembre, au salon du livre poésie de Valbonne ; avec l’Équipe


par Patrick Joquel


Ligne d’arrivée

l’émotion t’envahit

tu y es arrivé

tu as réussi

une page blanche t’ouvre un futur vierge

tu commenceras à l’écrire demain

aujourd’hui tu goutes cette arrivée

sa médaille

et les clameurs

celles du public

celle de ton silence

à l’intérieur



*


31 août, Paris, juste après l’échec de l’équipe de France

de rugby-fauteuil face à l’Angleterre 49-50


par Henri Baron


LES FAUTEUILS TAMPONNEURS

 

Drôle de match

physique

engagé

joyeux quatre-quatre

roue contre roue

parechoc contre parechoc

les fauteuils se bloquent

se heurtent

mais on ne se touche pas

même du bout des doigts

sinon OK pour la prison

prison comme au hockey


C'est aussi ça

le sport

en fauteuils tamponneurs

- mais jamais par derrière -

et des souvenirs d'ado

de fête foraine

ou du Hansaland de Sierksdorf


C'est aussi ça

le rugby

on dribble ganté·es

avec un ballon de volley

sur un terrain de basket

mais sans panier

en toute mixité


C'est aussi ça

le rugby

un Angleterre-France

on slalome

on percute

on essaie de percer la défense adverse

en bloc de trois devant la ligne

et cette joie collective de l'équipe qui franchit la ligne de but

et marque l'essai


Un petit point

et c'est mort pour la victoire


Murder Ball

l'appellent les inventeurs canadiens



*


28 août, Paris, inspiré par la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques


par Henri Baron


CONCORDE


Corps

cœurs

ciel

tout est beau

tout concorde


Et cette société handicapante

célèbre ses héros du quotidien

pour qui chaque jour

est parcours obscur

invalidant


Dites

les validistes

n'en avez-vous pas assez

de l'évolution à reculons



*


28 août, Paris, inspiré par la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques


par Henri Baron

DANSE SUR LES MAINS


Tu marches sur tes mains

ton cœur bat au rythme des béquilles

sur le pavé de Paname


Don Quichotte

tu fais mouliner malin

les pales de tes rêves


Tu danses comme

un dieu

et je veux bien être ange ou déesse

pour voler aussi loin

sans m'amputer les ailes

ou le destin



*


28 août, Paris, inspiré par la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques


par Henri Baron

 

HÉROS


Vous êtes héros

dans les cités les campagnes

en fraternité


Vous êtes poètes

pour vous chaque jour-bataille

rien n'est anodin


Vos corps vos familles

ont appris à se réjouir

à se surpasser



*


28 août, Paris, irrité par le discours de Tony Estanguet

lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques


par Henri Baron

 

2014-2024 OÙ L’ACCESSIBILITÉ – HOU


Dix ans

qu'on me rétorque

Ferry

budget

étude de faisabilité


Dix ans

à affronter le regard de ces sœur et mère en fauteuil

de cette mère malvoyante

de ces pères en béquilles

qui ne peuvent voir en vrai la classe de leur frère

leur enfant

qui peinent à pouvoir entrer dans l'école

le jour de la rentrée

des festivités

ces élèves obligé·es de quitter leurs camarades

pour une autre école

plus accessible

ou pire

rester à la maison

même pour un plâtre de six semaines

ou des opérations à répétition et la convalescence


Je ne parle pas

de l'enseignante enceinte

contrainte d'arrêter plus tôt

de l'animatrice essoufflée

de l'AESH en souffrance entre ces trois étages qui en valent cinq

dix fois par jour

et pour cinq sous


École

école de la vie

je n'en peux plus

de cette hypocrisie

de ce validisme

de cette société

qui handicapent

stigmatisent

interdisent

capitalisent

balisent les voies

jusqu'à l'impasse


Elles sont là

les barricades

les frontières

à soulever


Alors ne parlez pas

de révolution

de ce que vous ne connaissez pas

renversez le mauvais bon vieux temps

les préjugés

les malentendus

les exclusions

le mauvais bon vieux paternalisme

et

le capitalisme


Gardez vos dingueries

vos folies

vos performances

trop de monde en souffre

en pleure

en meurt


Libérez plutôt les trottoirs

ôtez les barrières

bâtissez accessible

pour elles et eux

pour nous

pour vous



*


1er septembre, Finale du 100 mètres nage libre S10 Femmes, devant une télévision


par Valentin Deudon 


La course on s'en fout

C'est après le bonheur 

C'est après que tu enserres

     les cœurs

C'était pas répété pas entraîné ça

     ta main sur ta bouche

     quand tu l'ôtes sourire large

     qui cherche oxygène

     un bras levé puis les deux

Toutes ces petites gouttes d'eau

Et puis très vite tes premiers mots

"Je n'ai aucun souvenir de la course"

La course on s'en fout


*


30 août 2024, Vélodrome National, Paris


par Ludivine Joinnot


À Ewoud Vromant

 

paracyclisme sur piste

poursuite individuelle 3000 m hommes C2

ses yeux pétillent sous le rond d’argent

il est de ces détours qui vous hissent

de ces essais ratés

de ces volontés vacillantes

qui finissent par porter

deuxième marche après qualification

il fallait résorber le retard

prendre sa revanche

franchir le final tête haute

dans le sentiment du devoir accompli

loin des failles, des dérobées

la finesse des succès


*


Une journée aux Jeux paralympiques de Paris – 2


par Jean-Baptiste Verrier

 

Delya Boulaghlem a sauté en longueur

Et dans le noir

Réclamant le silence

Pour courir droit

Tenir sa ligne

Une foulée carrée

Une impulsion millimétrée

Ramener son esprit autant que ses bras

Atterrir

Est-elle athlète ou écrivain ?


*


Basket-ball

Match du 31 août 2024   Allemagne-France

Victoire de l’Allemagne  72 - 64    


 

Rebond

 

par Françoise Lison-Leroy


Rebond

les bleus, les blancs

vingt roues et dix athlètes

quatre jambes et deux arbitres

le ballon s’y perd

on est quitte

 

 

Qui perd gagne

le match suivant

contre les USA

         leurs fauves redoutés

                                        invincibles

 

 

Alors jouer plus fort

plus vite

jusqu’à la pirouette

la culbute

                   roues en l’air

                                  balle perdue

 

Rebond

et  le panier

                       choisit son camp                                                         


*


Vendredi 30 août 2024 – Sur mon canapé bleu,

France 2 qui zappe d’une discipline à une autre


par Frédérique Leymonie

 

Le Handisport (1)

 

Il y a des façons de voir

et des façons de regarder

 

Tu regardes mon corps abîmé

Je vois ses possibilités

 

Tu regardes mes membres amputés

Je vois ma combativité

 

Tu regardes une personne handicapée

Je vois un sportif médaillé

 

Tu regardes une catégorie

Je vois de l’équité

 

Tu vois un bon moyen de rigoler

Je te regarde, tu sais

 

********

 

Le handisport (2)

 

Sportif de haut niveau

je suis

même si ma taille est petite

même si mon corps est tordu

même si mes membres sont réduits

même si c’était une maladie

un accident

ou un ADN capricieux

 

Acharné de travail

je suis

passionné de sport

aussi

avec des aptitudes

hors du commun

et surtout

une envie folle de gagner

 

Je m’appelle Julien, Eric,

ou Alexandre

je fais partie de l’équipe de France

j’ai 19 ans, 42 ou bien 37

je suis dans un fauteuil,

sur un vélo

ou bien dans l’eau

Je suis champion olympique !

 

Et toi ? Sais-tu qui tu es ?


*


Une journée aux Jeux paralympiques de Paris – 1


par Jean-Baptiste Verrier

 

Après l’allumage par des êtres blancs

Très flamboyants

Dans les métros des êtres violets

Bien renseignés

Dans la ville et les arènes des êtres verts

Très volontaires

Sur les pistes des êtres rosés-gris

            Suspicieux précis

Un peu partout un être doux

Pelage rouge tout en doudou

Dans les tribunes des êtres bariolés

            Agités émerveillés

Les athlètes ?

            Là, rien d’extraterrestre

            Des êtres parfois bien courts

Des athlètes de foi tout court



*


31 août 2024, chez moi avec l’Equipe, 2e médaille d’or dAlexangre Léauté, et l’argent de Djelika Diallo et Hector Denayer, le bronze de Alex Portal.



par Patrick Joquel


toujours plus loin

pas dans la distance

mais contre le temps

reculer cette frontière

seconde après seconde


toujours plus loin

dans l’effort

dans la douleur

dans la régularité de l’emploi du temps

du rythme de vie


toujours plus loin avec les coaches et l’équipe entière


toujours

pour gagner

contre soi-même

contre le temps

pour goûter un podium

et l’euphorie des applaudissements


toujours

pour offrir aussi de la joie

du rêve et des étincelles aux yeux


*


30 août 2024, devant la télévision

 

Le poète paralympique


par Sébastien Bailly

 

Le poète paralympique

Est comme un poète

De forme olympique

 

Mais il se lit après

Quand l’autre a fini de parler

 

Il se lit un peu moins vite

– Mais pas toujours

 

Il se lit en braille

S’il le faut

– Mais pas toujours

 

Il se lit sur une jambe

La tête sous l’eau

En fauteuil et le livre entre les dents

– Mais pas toujours

 

Il se lit assis par terre

Il se lit de la moitié du corps

– Mais pas toujours

 

Le poète paralympique

Semble un peu bancal

Au début

 

Puis il prend son envol

Comme les autres

Et tous ne peuvent pas suivre

Qui se croyaient « normaux »

Mais qui rament moins vite sautent moins loin et s’essoufflent au premier virage

 

Car le poète paralympique est entraîné

Le poète paralympique est un athlète

 

Le poète paralympique

– Mais pas toujours –

Damne le pion au poète romantique

Au poète classique

Au poète surréaliste

Au poète dada

Au poète à vers libres

 

Le fin mot de l’histoire

Pourtant

C’est que poète paralympique se bat contre lui-même

Et qu’il est en cela exactement le même

Que le poète olympique

 

– Mais pas toujours

 

Et vient le poathlète poralympique

Dont les alexandrins auront quatorze pieds

Et les sonnets treize vers à la douzaine

 

– Mais pas toujours



*


30 août bis, en lisant l’Equipe at home


par Patrick Joquel


il nage

elle roule

plus loin que soi-même

au-delà de toute limite physique

juste la quête

de soi-même

et puis d’un record

d’une médaille

et

loin dans l’ombre

les regards

les soutiens

les efforts quotidiens

les doutes

les larmes

la routine athlétique

et

ce désir

cette envie


jour J

rendez-vous accompli


je m’incline



*


30 août, Para-Badminton, France-Corée, en direct sur petit écran


par Virginie Larteau


Les points se comptent en anglais

L’enthousiasme du public en langue universelle


Le volant blanc roule dans les airs

S’élèvent les corps des sportifs

Les crissements des pneus accompagnent le jeu


La force, le courage de regarder en haut !


Incroyables exploits par le corps réclamés,

et qu’une volonté sans faille a créés


Pour vous tous, vous toutes,

celles et ceux que la vie avait placé en bas,

il n’y a qu’un mot : un immense bravo !


*


30 août, Grasse, boulangerie MILA avec l’Equipe et un café


par Patrick Joquel


handicap ou intégrité

vivre avec son corps flammé

les jeux quotidiens

quel que soit l’âge ou le sexe

être soi libre et joyeux


*



29 août, Tennis de table : victoire du duo belge Laurent Devos et Marc Ledoux

Belgique – Ukraine  (Les Belges vont en quart de finale)  


par Françoise Lison-Leroy

 

Ricochets

 

Et pong et ping

et non ping-pong

la table a pigé

notre jeu à deux

 

 

Face à nous

les deux rois d’Ukraine

ricochent      la ramènent

écho                       tactique

tac au tac

 

 

Egalité

bilan huit à huit

et ça va flamber

             en noir et en rouge

 

 

J’ai repris la main

tu as filouté

flûté                        surfilé

la balle a fuité

filet frôlé

et c’est gagné


*


29 août 2024, Stade de France


par Ludivine Joinnot


Agitos


je bouge tu bouges nous bougeons

derrière les trois couleurs d’un symbole

en point central du rassemblement

même serment pour un même hymne

même drapeau même flamme

rouge bleu vert

nous collons à la devise de l’esprit en mouvement

virgules, vagues ou croissants

nous arborons nos tatouages

entrelaçons nos âmes

et nos désirs de conquérir la victoire

nous suivrons les épreuves

regards rivés sur l’Arc

nous bougerons

nous atteindrons le sommet


*


29 août 2024, retour sur la cérémonie d'ouverture des Jeux Paralympiques de Paris


par Colette Nys-Mazure


Concorde

 

Ils et elles avaient navigué 

Défilé en majesté au fil de la Seine

Sous la pluie l’averse

Sourires mouillés mais éclatants

 

Avec le même  enthousiasme radieux

Elles et eux arpentent les Champs Elysées

Sur roues  prothèses bras à l’appui

Drapeaux et flamme fierté tangible

 

Tandis que les avions tracent en bleu blanc rouge

Cortège inventif que salue le public en émoi

Indonésie dorée jaune Jamaïque

Des tenues lèvent des images arlequins guépards

 

Manquent ici une jambe là un bras

Les deux parfois

Mais le plein de forces intimes extimes

Rayonne transfigure et galvanise

 

Dieu ! quelle allégresse

Sous le soleil vif

Puis se couchant en gloire

Sur la ville soulevée d’admiration


*


par Françoise Lison-Leroy


Murmuration


Nombreux sont les oiseaux

place de la Concorde

sur la page neuve

                                       des Jeux

 

 

Noir et blanc

pianos et  toupies

danseurs aux talons cirés

chaises filantes

et ça roule

dans le tableau

                         tombé du jour

 

 

En veste et fuseau rouges

l’ange ténor

tire le fil du grand rideau

                          murmuration

 

 

Aucune aile ne manque

aux oiseaux


*

28 août 2024, début des Jeux Paralympiques


par Paul Fournel

PARA

 Je n’ai pas de bras

Je veux tirer à l’arc

J’ai des moignons

Je veux nager

Je n’ai pas de jambes

Je veux courir

Je n’ai pas de main

Je veux lutter

Je suis aveugle

Je veux jouer au foot

Je n’ai pas de force

Je veux lever les poids

Je suis sans mollets

Et je veux pédaler

Mais… Si… Peut-être ?

Pas de mais pas de si

Pas de peut-être


*


24 août 2024, Pralognan, mais en lisant L’Équipe


par Patrick Joquel


Voilà J-4, on rallume la flamme à Stoke Mandeville, Grande Bretagne.

Hommage à un neurologue de l’hôpital de cette petite ville du sud de l’Angleterre :

Ludwig Guttmann a réparé les vies et le colonnes vertébrales brisées des soldats au sortir de la Seconde Guerre mondiale, par le sport plutôt que la morphine.

Écrit l’Équipe avant de donner quelques autres informations :


En 1948, pendant les Jeux Olympiques de Londres, Ludwig Guttmann organise, dans le jardin de l’hôpital, une compétition de tir à l’arc avec seize anciens soldats paralysés en fauteuil.

Ce fut le début ; en 1960 à Rome sont créés les premiers Jeux Paralympiques.

La flamme suivra en 1988 à Séoul.

On prend le temps

Voilà un rappel historique bienvenu dont j’ignorais tout


écouter l’Histoire rend libre

on ne le répète jamais assez

on ne l’écoute jamais assez


le sport rend libre aussi

rend égaux également

on ne le répète jamais assez





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