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Petit rat deviendra grand

Le dernier roman d’Astrid Eliard prend pour titre un verbe : Danser. Un verbe d’action. Un verbe qui évoque les entrechats, les arabesques, les déboulés. Un verbe qui suggère le plaisir du mouvement harmonieux mais aussi la contrainte des corps. L’art et la rigueur.


Trois protagonistes, à peine sortis de l’enfance (ils ont treize ou quatorze ans), rêvent de ballet. Ils viennent des quatre coins de la France pour rejoindre la prestigieuse école de danse de l’Opéra de Paris, à Nanterre. Le lecteur est invité à écouter leur voix, puisque chapitre après chapitre, c’est bien eux qui prennent la parole, pour livrer leurs aspirations, leur quotidien, leurs doutes, leur intimité. Il y a d’abord Chine, élève rigoureuse et travailleuse, danseuse appliquée, enfant trop vite grandie auprès d’une maman absente. Elle se décrit comme un petit rat d’un mètre cinquante-quatre et de trente-huit kilos, au visage rond et poupin. Il y a aussi Delphine, enfant unique qui laisse derrière elle une famille aimante. On la surprend souvent au bord du découragement, regrettant la chaleur de son foyer, le visage enfoui dans l’oreiller de sa petite chambre d’internat. A l’âge où l’on accroche des posters de boys band au-dessus de son lit, elle rêve de Noureev. Enfin, il y a Stéphane qui sait qu’il sera danseur après avoir vu, par hasard, un reportage sur Nicolas Le Riche.


« Je n’aurai jamais pensé pouvoir être impressionné par la danse, et surtout la danse classique […]. Et puis j’ai vu Nicolas Le Riche s’élancer dans les airs, à deux mètres au-dessus du sol. Je l’ai vu rebondir comme une balle sans savoir d’où venait cette force extraordinaire qui le propulsait si haut, si loin. »


Stéphane, l’enfant terrible, en décrochage scolaire, devenu ingérable pour des parents qui aiment trop l’ordre, s’astreindra à la rigueur de la danse et vivra pour sauter comme saute Nicolas Le Riche. Son introduction à l’école de l’opéra de Paris sera comme une intrusion dans l’univers féminin, si intrigant et mystérieux pour de jeunes adolescents. Il considérera comme un privilège d’évoluer dans la proximité des corps de danseuses. L’occasion de premiers émois.


Si les protagonistes sont des danseurs, ils sont donc aussi des adolescents qui tissent des amitiés, rêvent d’histoires d’amour et ne se sentent pas toujours compris par leurs parents. Ils tentent de dompter un corps en pleine mutation, qui grandit de façon parfois anarchique. Quand d’autres en sont entravés, eux s’emploient à le sculpter, l’assouplir, le durcir, le modeler.


Ce troisième roman d’Astrid Eliard a été récompensé du Prix littéraire de la Ville d'Arcachon 2016 et du Prix Marcel Pagnol 2016.


Astrid Eliard, Danser, Mercure de France, 2016.

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