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La valeur du footballeur, socio-histoire d’une production collective

La lecture de La valeur du footballeur, socio-histoire d’une production collective, en plus d’être particulièrement plaisante, a stimulé nos réflexions concernant nos propres recherches sur les territoires et leur mise en valeur.


L’approche que mobilise Manuel Schotté pour comprendre les raisons pour lesquelles les footballeurs (et notamment les stars du football) se voient attribuer une telle valeur économique et symbolique, est particulièrement stimulante.

En effet, et contrairement à d’autres approches économiques ou sociologiques, Manuel Schotté ne se contente pas d’appréhender la grandeur d’un joueur au prisme de son prix, ou de sa visibilité, mais, je le cite, « en les concevant comme deux dimensions d’une même réalité qu’on désigne sous le terme de valeur », terme que qu'il appréhende comme « le degré d’importance sociale attribuée à quelque chose ou à quelqu’un ». Une telle définition, explique-t-il, intègre deux dimensions : elle est d’abord pensée en termes de « plus » et de « moins » ; elle est ensuite vue comme un produit social. Autrement dit, cette « conception repose sur l’idée qu’il y a des individus auxquels on accorde une plus grande importance qu’à d’autres – les footballers stars, qui d’une part sont des hommes, et d’autre part sont bien souvent des attaquants, et que cette situation n’a rien de naturel ».

 


Partant du principe qu’un joueur aussi célébré soit-il – comme Mbappé – n’est pas au fondement de sa propre importance, tu déconstruits et analyses en mobilisant une démarche socio-historique et configurationnelle « l’action conjuguée mais non concertée » des nombreux et divers acteurs (présidents de clubs, acteurs médiatiques, et politiques, supporters et spectateurs) qui ont transformé des « individus habiles balle au pied en de richissimes figures publiques ».

 

Pour ce faire, l’ouvrage s’organise en quatre parties :

 

La première partie questionne les conditions d’émergence d’un espace de consécration unifié – dans lequel les fédérations ont joué un rôle déterminant et dont le critère premier est celui de la compétence footballistique. L’architecture hiérarchisée d’épreuves allant du local à l’international permet alors de certifier quelle est la meilleure équipe sur un territoire donné ; mais également de comparer la « valeur » des footballers sur une échelle de jugement uniforme.

 

La seconde partie interroge les fondements sociaux de la montée en puissance de l’intérêt pour le football, de sa popularité. En t’intéressant successivement aux présidents de clubs, aux acteurs médiatiques ainsi qu’aux supporters et spectateurs, tu démontres en effet combien l’investissement de ces groupes d’acteurs et le pouvoir du nombre transfèrent au football de la puissance.

 

Reste alors à déconstruire les raisons pour lesquelles l’enrichissement de ce sport profite avant tout aux joueurs – c’est-à-dire à des salariés d’exécution, ce qui n’est pas commun – et en particulier à quelques-uns d’entre eux.

C’est l’objet des troisième et quatrième parties, dans lesquelles tu interroges d’abord les facteurs explicatifs de cette concentration des richesses par les joueurs – qu’il s’agisse de la liberté contractuelle qu’ils acquièrent, de la structuration d’une économie qui ne cherche pas la rentabilité financière (mais dans laquelle les clubs se livrent une concurrence importante pour construire ou conserver une équipe compétitive), de l’intégration européenne « du marché du travail footballistique » (dont tu relativises d’ailleurs la portée de l’arrêt Bosman), ou de l’institutionnalisation du transfert – avant de questionner leur inégale répartition au profit de « grands joueurs ».

 

Ainsi, après avoir mis en évidence les principes de hiérarchisation propres au monde du football (l’affirmation d’une vision individualisée du jeu, l’éloge de la virtuosité individuelle) valorisant certains postes (les attaquants) et certaines qualités, au détriment d’autres, tu t’interroges dans un ultime chapitre sur ce qui fait la grandeur d’un joueur en laissant de côté les seules explications par le talent. 


Pour conclure cette présentation, j'insiste sur le plaisir que l’on prend à lire ce livre, tant pour son accessibilité que pour la force de la démonstration qui s’en dégage.


Adrien Sonnet

 

La valeur du footballeur, socio-histoire d’une production collective, CNRS éditions, 2023.

Bonus : Conférence de Manuel Schotté à l'université de Caen




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