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Ascension, le manga d’alpinisme qui atteint des sommets d’émotions

Si on associe manga et alpinisme, votre esprit, tout naturellement, pensera au chef-d’œuvre de Jiro Taniguchi, Le Sommet des Dieux. Mais, dans l’immense production des mangas de sport, l’alpinisme a droit à plusieurs titres. Parmi ceux-ci, Ascension de Shin’ichi Sakamoto, manga de 2008, publié en France de septembre 2010 à mars 2014 par les éditions Delcourt, et en partenariat avec la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade.

 


Ascension est un seinen, c’est-à-dire un manga dont la cible est un public de jeunes hommes adultes avec un récit qui peut se montrer plus sombre, violent ou cru qu’un shonen, un manga pour adolescents. Pourtant, le manga de Shin’ichi Sakamoto débute comme bien des shonens : un adolescent, ici lycéen, solitaire et qui ne paie pas de mine, se révèle avoir un don. Et ce don, il va le mettre au profit d’une discipline sportive dont il est destiné à devenir un prodige, l’escalade. Ce point de départ qui semble commun à de nombreux mangas de sport, ou supokon, est trompeur. C’est une illusion, comme pour mieux capter un public habitué à ce type de récits et l’amener ainsi dans une autre dimension, celui de l’alpinisme, univers terrible et beau, où l’envie de vie n’a d’égale que la confrontation à la mort. Et c’est ce que nous offre Ascension : un récit à la fois sombre et lumineux autour de son héros, Buntaro Mori, et sa quête extrême et vertigineuse de sommets et de solitude.

 

A travers ses 17 tomes, ce manga nous offre une double exploration, celle de son héros et de son évolution comme adulte dans son rapport aux autres et à ses propres désirs, et celle de l’alpinisme, particulièrement le plus extrême, celui de la quête des sommets enneigés de plus de 8000 mètres. Le manga, sur ce point, est particulièrement bien documenté. Que ce soit au sein du récit ou dans les annexes en fin de manga, l’alpinisme y est décrit finement dans sa dimension technique mais aussi culturelle, avec de multiples références historiques. A chaque fin de tome, le jargon technique est expliqué et des interviews ou biographies de grands alpinistes japonais ou étrangers sont proposés. C’est la qualité de l’œuvre sur la pratique elle-même qui a motivé la FFME d’en valider le contenu à travers son partenariat avec les éditions Delcourt.

 

Et c’est justement cette justesse qui en fait une œuvre parfois dure, qui nous confronte à la souffrance, physique et psychologique des alpinistes, et, bien entendu, à la mort, compagne de nombreuses ascensions à risque. L’une des ambitions du mangaka, à travers sa narration et son dessin, est de nous plonger dans la réalité la plus extrême de l’alpinisme mais aussi du ressenti des personnages, en premier lieu de Buntaro. Shin’ichi Sakamoto y parvient parfaitement grâce à un trait précis qui alterne des dessins d’un grand réalisme ou d’un puissant onirisme, à la limite du fantastique, pour nous faire ressentir pleinement les émotions, qu’elles soient positives ou négatives. A ce titre, certaines pages sont d’une grande puissance, facilitant l’immersion dans une discipline que peu de gens ont eu le loisir de pratiquer.

 

Ce réalisme est aussi le fruit des origines de ce manga, qui est une libre adaptation du roman de Jiro Nitta, L’Homme Impassible (1973), lui-même basé sur la vie d’un grand alpiniste japonais de l’entre-deux guerres, Buntaro Kato, simple salarié d’entreprise que la quête de solitude mènera sur les plus grands sommets de l’archipel nippon au péril de sa vie.

 

Je ne peux que vous conseiller de rejoindre la cordée de Shin’ichi Sakamoto et de son héros Buntaro Mori afin de réaliser une véritable ascension au sein des émotions humaines exacerbées par cette pratique extrême de l’alpinisme. Si vous suivez le rythme, vos propres émotions atteindront des sommets avec Ascension.

 

Ascension, de Shin’ichi Sakamoto Shueisha, 2008-2011 / éditions Delcourt, 2010-2014


Gaétan Alibert

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