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2/2 Entretien avec Jean-Baptiste Guégan "La France est une nation sportive qui s’ignore"

5. Quelle est la place de la France dans cette géopolitique du sport ?

La France est un acteur majeur dans cette géopolitique du sport. Quoiqu’on en pense et loin de tout déclinisme, elle fait partie des premières nations sportives mondiales.

Elle a tout d’abord contribué à la naissance du sport tel qu’on le connaît. De Pierre de Coubertin à la création des Coupes d’Europe de Football, notre nation est une pionnière avec les anglo-saxons. Mais ce n’est pas simplement un acteur historique du sport mondial.

C’est un acteur vivant et performant, un État sportif qui gagne au présent. Au palmarès des grandes nations mondiales, la France est, tous sports confondus, dans les six plus grandes nations mondiales. Au-delà des résultats, la France est un pays majeur du sport global. L’organisation de l’Euro 2016 ou de la Coupe du monde féminine de football en 2019 en offrent des exemples. Sa candidature pour accueillir la Coupe du monde de rugby en 2023 ou l’attribution des JO de Paris 2024 le prouvent. La France sait gagner. On a tendance à l’oublier. Ses sportifs lui offrent des résultats et surtout elle a montré sa compétence à l’échelle mondiale pour organiser les plus grands événements du monde.

6. La France est-elle plus sportive qu’elle ne le croit ?

Effectivement, la France est une nation sportive qui s’ignore (encore).

Tous les chiffres le prouvent. De la pratique du sport amateur aux investissements dans le sport professionnel, la France s’affirme comme une puissance sportive majeure en Europe et dans le monde. Dotée d’un ministère spécifique et ouverte aux investisseurs étrangers, tout concourt depuis près de vingt ans à démontrer le rôle que la France occupe. Ses résultats et sa capacité d’accueil l’attestent. Le dynamisme et la réussite de ses startups sportives en est un autre indicateur. Ce qui a changé, c’est la reconnaissance sportive des élites et la mise en place d’une véritable politique sportive nationale par l’Etat et les acteurs du sport français. Dotée d’une politique de rayonnement organisée et fondée sur l’attractivité par le sport, la France gagne et avance. Elle en prend conscience aujourd’hui et le soutien populaire ne cesse de le montrer.

Autrefois timides, les Français ont changé face au sport. Depuis la réussite des JO d’Albertville en 1992, les Championnats du monde d’athlétisme de 2003 ou le triomphe de la Coupe du monde 1998, le sport français a pris conscience de ses forces. Et la population suit, tout comme ses élites. La féminisation du sport professionnel et de ses représentants est ainsi le dernier jalon d’un mouvement profond d’affirmation de la France comme une grande nation sportive.

L’exemple le plus frappant de cette dynamique tient à l’ampleur des polémiques sportives depuis 20 ans en France. Cela dit beaucoup de l’importance et du rôle que le sport tient désormais. Aujourd’hui, on n’a jamais autant pratiqué, jamais autant vu ou parlé de sport !

On manque encore de culture sportive. Nous sommes encore loin de l’Allemagne ou du monde anglo-saxon. Mais la révolution sportive est en marche, c’est une réalité.

7. Les JO 2024 peuvent-ils renforcer le poids de la France au niveau international ?

Remporter l’attribution des JO 2024 face à Los Angeles témoigne déjà de la capacité de négociation et d’influence de la France et de son pouvoir sportif et politique. Cela prouve que pour le CIO et ses membres, la candidature parisienne et française était crédible, sérieuse et à la hauteur de la plus grande manifestation sportive mondiale avec la Coupe du Monde de football. Cela démontre aussi que la France a été capable de peser, négocier et donc de gagner. Ce qui ne fut pas toujours le cas.

A plusieurs niveaux, l’attribution des JO d’été en 2024 aura assurément incidence sur le sport français et son rayonnement mondial.

Tout d’abord, Paris 2024 doit mener à une refonte des structures sportives et à une politique de très haut niveau capable d’offrir plus de 80 médailles, soit près du double de son meilleur résultat historique. Avec des moyens qui n’augmentent pas, cela risque néanmoins d’être compliqué et supposera de faire des choix drastiques.

Ensuite, en termes d’infrastructures (piscines) et de pratiques notamment scolaires, l’effet JO devrait se faire sentir notamment en Île de France et en Seine Saint-Denis. On attend aussi une augmentation des performances sportives françaises moyennes. Cela aura un effet sur le vivier de sportifs français potentiels et donc sur la capacité de notre pays à former les champions de demain. Ce sera aussi le leg de Paris 2024 pour la décennie qui suivra.

L’objectif olympique pour la France est également économique : il vise à développer la filière économique du sport français et ouvrir ses entreprises innovantes à d’autres marchés. Cela aura assurément une incidence sur l’économie française et sa place dans la hiérarchie des puissances mondiales.

Enfin, ce qui se joue avec Paris 2024, c’est aussi la confirmation et l’intensification de la politique de rayonnement française. En clair, la France a tout à gagner avec les Jeux Olympiques. L’ambition est de faire croître le soft power sportif national et s’imposer ainsi comme une des meilleures puissances mondiales. Et pas seulement sportives.

En dehors de ces enjeux internationaux, il ne faudra pas négliger les enjeux sociétaux (inclusion, lutte contre les inégalités, intégration du handicap, féminisation, aménagement du territoire et accélération du Grand Paris). Ils vont accompagner cette olympiade et sont des priorités de la candidature parisienne. Tous ces éléments vont aussi servir le rayonnement français et francilien et l’attractivité de nos territoires.

Sans naïveté ni simplisme, Paris 2024 est à tous niveaux, un instrument au service de la puissance française et de notre avenir commun.


Guégan Jean-Baptiste, Géopolitique du sport : une autre explication du monde, Bréal, 2017.

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