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Entretien avec Valentin Deudon, auteur de "Miettes footballistiques".

Après cinq saisons passées au service de communication de l’AS Monaco FC, Valentin Deudon écrit pour la revue Vestiaires depuis 2013, et a rejoint notre collectif Ecrire le sport en 2017. Depuis le 11 février, il est de retour en librairie avec Miettes footballistiques : Grand amour et petits écrits, un recueil de textes qui dévoile ses deux passions : la littérature et le football. Rencontre avec un amoureux des mots et des crampons.


Avant d’évoquer les « miettes footballistiques », peux-tu nous présenter le beau livre « Angers SCO 100 ans en Noir & Blanc 1919-2019 », dont tu es l’un des principaux auteurs ?

Ce livre raconte l'histoire d'Angers SCO et de son équipe première, depuis la création du club en 1919 jusqu'à son centenaire l'an dernier. Un projet d'écriture passionnant qui m'a permis de fouiller dans les entrailles d'un club de football, de rencontrer beaucoup de vies de footballeurs. Le livre est paru chez Hugo Sport en octobre dernier, il est structuré en chapitres chronologiques évoquant les grandes périodes du club. La maquette est vraiment jolie et agréable je crois, très illustrée. En ce qui concerne les textes, j'ai essayé d'emmener le lecteur dans l'atmosphère des différentes époques, qu'il puisse revivre les grands moments sportifs mais aussi les périodes de crise qui ont façonné l'identité du SCO aujourd'hui.




Quelques mois après ce livre sur l’histoire du SCO, tu reviens déjà en libraire, cette fois avec un texte plus littéraire et poétique. Comment est venue cette idée de « miettes footballistiques » ?

On ne peut pas vraiment dire que c'est une idée, dans la mesure où l'écriture de ces textes est venue de manière naturelle et spontanée, progressive aussi. Il y a eu plusieurs phases, des longues pauses et des périodes plus intenses et nécessaires. Je m'interrogeais sur la forme à donner à tout ça, quelques personnes m'ont encouragé à poursuivre, et puis j'ai eu la chance de croiser Frédéric Mélis des éditions du Volcan qui m'a proposé de les éditer. C'est une écriture fragmentaire : des aphorismes, des pensées, des rêveries, des récits réels, des micro-fictions, des dialogues entre football et littérature...J'ai été amené à creuser dans les émotions que génère le jeu, les miennes mais aussi celles d'autres amoureux du football. Chaque texte a son histoire, sa source, son décor, mais le fil rouge je crois c'est le goût pour ce football qui est omniprésent et prioritaire chez beaucoup d'entre nous. C'est une réalité qui questionne inéluctablement.


Au-delà de cette ode au football, ce livre est un hommage aux entraîneurs et aux auteurs. Que représentent-ils pour toi ? Ont-ils des points communs ?

Ce sont deux catégories de personnes (comme d'autres) que j'aime admirer. Certains entraîneurs ont un langage football souvent épatant, ils questionnent sans cesse le jeu, le réinventent presque. Les auteurs qui m'accompagnent eux ont cette capacité unique à nous emmener au plus profond de nous-mêmes. Les entraîneurs comme les écrivains me rendent curieux. Ils m'intimident souvent, mais j'aime en apprendre le plus possible sur eux, leur méthode, leur manière de travailler, leurs doutes, leurs échecs. Ce qui me fascine le plus chez eux est peut-être le style. Au-delà de l'histoire, est-ce que le style d'écriture d'un auteur va m'emporter, me terrasser ? Au-delà du résultat, est-ce que le style de jeu pratiqué par l'équipe d'un entraîneur va me subjuguer, me bouleverser ?




Tu as rencontré pas mal d’entraîneurs notamment pour le magazine Vestiaires. Quel est l’entraîneur le plus littéraire ? J'adore parler à des entraîneurs qui sont de grands lecteurs, avec un goût pour le livre et la littérature. Mais il n'y a pas besoin de lire pour être littéraire. Ils sont très nombreux à l'être, à tous les niveaux de pratique, car ils sont sans cesse obligés de s'interroger sur les mots à employer, sur la nécessité de définir certains concepts ou principes.


Et dans l’histoire de la littérature, quel est l’écrivain qui aurait fait un bon coach ?

On pourrait composer un petit staff complémentaire. Emil Cioran pour faire apprécier l'inéluctable défaite aux joueurs ; Milan Kundera pour leur faire l'éloge de la lenteur, et donc du changement de rythme ; Victor Segalen pour guérir les blessures ; Bernard Chambaz et Antoine Blondin comme professeurs en amour du jeu ; je ne les ai pas vraiment lus mais peut-être Machiavel ou Sun Tzu pour la stratégie ; Blaise Cendrars pour organiser les déplacements ; Faulkner et Perec à la tête d'une cellule de réflexion destinée à inventer de nouvelles manières de jouer ; etc.


Je te propose un petit jeu. Je te donne un nom de coach et tu l’associes à un écrivain.

  • Pep Guardiola : Jean Giono. Uniquement car ils trônent tous les deux, chacun dans leur catégorie, dans mon panthéon personnel. Je n'envisage ni de me lasser de lire Jean Giono ni de regarder des matchs des équipes de Pep Guardiola.

  • Marcelo Bielsa : J'ai envie de dire un poète, son compatriote Borges peut-être, ou René Char pour ce fragment qui lui ressemble : « Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats ».

  • Jurgen Klopp : Virginie Despentes, pour l'énergie furieuse qui se dégage des matchs des équipes de l'un comme des livres de l'autre.

  • Vahid Halilhodžić : Joseph Conrad, né à l'est, puis venu vers l'ouest, et grand capitaine de navire !

  • Jean-Marc Furlan : André Ménaud, un universitaire et théoricien du football qui a beaucoup écrit sur le jeu. Complexe à lire, mais source de (re)questionnements. Il a été l'entraîneur de Jean-Marc Furlan, son mentor même, ils sont indissociables.

« Riquelme caresse, Lahm étudie, Giggs s'enfuit, Xavi délibère, Berkamp improvise, Gerrard exulte, Morientes s'envole, Ronaldinho danse, Xavi Alonso traverse, Cantona transgresse, Zidane invente et moi, je ne les verrai plus jouer »

Peux-tu commenter cette citation?

Il s'agit d'une énumération de noms de grands footballeurs auxquels je me suis attaché plus jeune, je les voyais à la télé ou de rares fois dans les stades, et malheureusement ils ont arrêté de jouer devant tout le monde aujourd'hui. Je leur associe un verbe certes restrictif en comparaison de tout ce qu'ils savaient faire, mais qui résume un peu pourquoi ils me plaisaient tant. Le football se transforme souvent en tristesse, et ici est évoquée la tristesse de savoir que je ne les verrai plus jamais jouer en vrai ou en direct.


Existe-t-il une poétique footballistique ?

Il existe une poétique de tout, mais elle n'existe que dans le regard de chacun. Je n'ai pas toujours eu cette attention naturelle pour les décors du football, mais aujourd'hui beaucoup de choses sont capables de me bouleverser. Une lune presque pleine pendant la séance d'entraînement, la buvette du stade et ses quelques occupants qui dissertent sur le dernier match, un projecteur allumé aperçu au loin au bord d'une route... Sans parler des interactions avec l'autre générées par le jeu. Dans un match, il existe plein de moments violents, intenses, fougueux, des situations qui nous poussent à avoir des réactions idiotes ou démesurées, mais au milieu de tout ça, on rencontre toujours des petites clairières de poésie, des beaux moments très fugaces mais possibles à attraper et à garder dans sa poche.


Est-ce un livre sur la nostalgie de ne plus pouvoir jouer comme avant ou sur l’espoir de pouvoir continuer à jouer ?

Les deux peut-être, c'est une question sensible. A 38 ans, jouer au football est devenu un bonheur fragile, précaire, mais si je pouvais encore le faire de manière déraisonnable et quotidienne comme avant, alors je n'y prendrais pas autant de plaisir aujourd'hui. Il faut digérer cette nouvelle réalité, et donc accepter les moments où le corps et ses limites empêchent d'accéder pleinement au jeu, nous en privent injustement. J'essaye, c'est un travail toujours en cours.


Pourquoi souhaites-tu la création d’un Prix Nobel du football. Serait-il différent du ballon d’or ?

J'en parle dans une miette mais je ne sais pas si je le souhaite vraiment. Disons que chaque année, quand on décerne les Prix Nobel, je m'attends toujours à entendre le nom du Prix Nobel de football. Ca me fait sourire et je réfléchis à qui on aurait pu le donner. En tout cas s'il existait, il différerait du ballon d'or, assurément. On donnerait ce prix Nobel sur des critères absolument différents, non liés à des statistiques ou à des trophées. Mais plutôt à l'émotion qu'un joueur susciterait en nous par son style et sa manière d'être sur le terrain, par un langage footballistique qui n'appartiendrait qu'à lui, par ce que nous dirait sa façon de vivre le football et d'aimer ce jeu.


On termine sur une note plus légère. Tu es vraiment sérieux lorsque tu écris « le duo d’attaque rêvé : Grégory Thil – Steve Savidan » ?

Absolument ! Des footballeurs entiers, deux noms d'idoles parmi quelques autres. Encore plus depuis qu'ils sont entrés en vétérance.

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