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"la dramaturgie du foot est souvent si forte que cela offre de multiples possibilités poétiques ! "

A l'occasion du Printemps des poètes, j'ai rencontré @Entiag, bibliothécaire caennais, poète et supporter du Stade Malherbe, aimant jouer avec les mots sur Twitter ou sur papier !


Peux-tu nous expliquer ton pseudo ?


Il s'agit d'une anagramme de "Gatien". Il ne faut pas y chercher une allusion au monde du football, c'est une référence à un autre sport, le tennis de table ! Jean-Philippe Gatien est un des plus illustres pongistes français, il a notamment été champion olympique en 1992 et champion du monde l'année suivante.




Le foot t’inspire plus que le tennis de table ?


J'ai beau pratiquer le tennis de table, et non le foot, quand il s'agit de regarder un match, j'avoue avoir une préférence pour le foot (ne m'en voulez pas, les pongistes !). Alors, comme je regarde plutôt du foot, c'est assez logiquement que ce sport m'inspire davantage. Et la dramaturgie du foot est souvent si forte que cela offre de multiples possibilités poétiques ! D'autant plus quand c'est un match de Malherbe !

Ceci dit, je n'exclus pas pour autant d'écrire un jour quelques poèmes sur le tennis de table : il y a de la matière aussi, les matchs ayant souvent plus d'un rebondissement, dans les deux sens du terme...



Avec François de Cornière, un autre Caennais, tu es l’un des rares poètes à écrire le foot. D’ailleurs, écris-tu sur le foot ou sur le SM Caen ?


Ha ha ha, merci de faire un rapprochement avec un si grand poète, qui en plus a l'art de rendre la poésie abordable ! D'ailleurs, pour les lecteurs qui craignent que la poésie soit trop hermétique, je leur conseille fortement cet auteur.

Effectivement, peu de poètes évoquent le foot, mais heureusement, on en voit un peu plus, ces dernières années, et certains recueils y sont même consacrés. Notamment "Pleines lucarnes", de F.-X. Farine et T. Roquet, ou bien "Figurines : Portraits en prose et poésie de joueurs de football" de S. Guichard, Fabrizio Parrini, Bernard Vanel et Robert Veracini

Pour ma part, mes poèmes sur Twitter concernent à 87,27 % le Stade Malherbe (ce chiffre est à vérifier, @statMalherbe pourrait peut-être nous calculer ça...) ; les autres tweets évoquent d'autres clubs, ou l'Équipe de France, ou encore le football de façon plus générale.



Un club avec le nom d’un écrivain, finalement il y a une certaine logique dans ta démarche ?


Un club tel que le Stade Malherbe est en quelque sorte prédisposé à être le sujet de poèmes ! À ce propos, j'invite les autres supporters du SMCaen à tenter quelques tweets rimés de temps en temps, en utilisant le hashtag #poesiefoot. D'ailleurs, quelques-uns le font déjà parfois, de façon ponctuelle, notamment lorsque je fais un appel sur le réseau, lors du Printemps des Poètes. J'ai aussi eu l'occasion de faire des joutes poétiques avec un supporter lyonnais, lors de certaines confrontations entre Caen et Lyon. Dès qu'on remontera, dans 6 mois, euh, dans un an et demi, on remettra ça, j'espère !



Tu écris des pantouns et des haikus. Peux-tu nous expliquer les particularités de ces deux formes ?


Le pantoun, genre poétique originaire de Malaisie, est peu connu en France. Il peut prendre plusieurs formes, mais la plus fréquente -et celle que je préfère- est le quatrain. Les deux premiers vers, généralement descriptifs, forment une sorte d'image, de tableau. Les deux derniers vers, plus personnels, donnent la signification du pantoun et expriment une émotion ou un sentiment. Il peut s'agir également d'un proverbe, d'une sentence. Selon les pantouns, le lien entre les distiques apparaît évident, ou au contraire plus ou moins mystérieux.

À noter que les rimes sont alternées, mais les jeux sonores concernent l'ensemble du pantoun, et on trouve des rapprochements phonétiques au sein des vers.

Dans l'ombre de sa variante plus connu et plus longue (le pantouM), le pantoun fait tout de même parler un peu plus de lui depuis quelques années, grâce aux activités de l'équipe de Pantun Sayang, composée de plusieurs passionnés, proposant plusieurs publications (notamment une revue en ligne semestrielle, "Pantouns et Genres Brefs") et organisant chaque année un concours et une rencontre.


Le haïku, lui, est un genre plus connu, très codifié, originaire du Japon, où il est écrit sur une seule ligne. En français, il comporte trois vers, en général de 5/7/5 syllabes. La plupart du temps impersonnel, et évoquant souvent la nature, Il exprime à la fois l'éternel et l'éphémère ; le haïku est comme un instantané du moment présent.. Une césure, le kireji, permet de faire une pause dans la lecture, et de juxtaposer deux idées. Il comprend aussi un kigo, mot-clé qui évoque une saison.

Le haïku contemporain a tendance à s'éloigner des codes traditionnels en ne prenant en compte que certaines règles ; ainsi, le kigo est parfois absent, ou le thème se fait moins universel et plus personnel.

Plusieurs maisons d'éditions françaises proposent des recueils et anthologies de haïkus, par exemple les éditions L'iroli et les éditions Pippa. L'AFH (Association Francophone du Haïku) publie également des recueils, ainsi qu'une revue spécialisée, "Gong".


Mais, même si j'écris parfois sur Twitter des haïkus et pantouns, la forme pour laquelle j'opte le plus souvent sur Twitter reste le quatrain non-pantounique. Qui a l'avantage de pouvoir s'écrire de façon instantanée, puisqu'il n'y a alors pas de règles, si ce n'est que le poème doit comporter quatre vers qui riment.

Les haïkus, pantouns, et autres formes, nécessitent un peu plus de temps : écrire, laisser reposer, réécrire, et tweeter. Et même la poésie libre, qui peut sembler parfois écrite d'un jet, a besoin de passer par l'étape du brouillon. D'ailleurs, en 6 ans, mon tweet qui avait le plus plu était un texte de prose poétique. Ceci dit, je dois préciser que le sujet était un but d'Emmanuel Imorou ! Et Manu, il ne marque pas tous les jours [rires].



On présente souvent Twitter comme un outil qui permet de déverser son fiel, toi tu l’utilises pour l’écriture. Qu’apprécies-tu dans cet outil ? A-t-il influencé ta façon d’écrire ? Le vois-tu comme un laboratoire d’écriture ?


Twitter, comme les autres réseaux sociaux, apporte l'avantage du partage et de l'interaction. On n'est plus seul derrière son écran ou devant son carnet, ou son rouleau de papyrus pour les plus anciens, alors on sait vite si le poème plaît ou pas, on peut le modifier, illico presto, c'est un laboratoire d'écriture incroyable ! Et je profite de cette occasion pour tenter parfois d'autres types de poèmes, comme les tankas (sorte d'ancêtres du haïku) ou les vers justifiés, une forme inventée par le poète Lucien Suel, habitué des poèmes aux compositions originales.

Le laboratoire-Twitter a aussi ses limites : on peut avoir tendance à trop tweeter dans l'immédiat, sans attendre, toujours plus vite. Même si cela amène une certaine spontanéité, j'ai bien conscience que, pour ma part, cette instantanéité fait que mes poèmes (du moins les quatrains évoqués plus haut) n'ont pas le temps de mûrir, et il faut reconnaître que la qualité peut s'en faire ressentir. Mais ça fait partie du jeu... Twitter, c'est l'écriture en mutation !


Quelles sont tes influences ?


Les lectures influencent forcément l'écriture, mais la plupart du temps de façon inconsciente, et par ailleurs à des degrés différents. Alors même si je sais que mes poèmes sont impactés par mes lectures, j'avoue avoir du mal à nommer un auteur plutôt qu'un autre...


Dans ce cas, peux-tu quand même citer quelques œuvres que tu aimes ?


Ah ça, oui, je peux ! Du côté des classiques, sans aucun doute, les Fables de La Fontaine, où l'art de la narration et de la formulation est remarquable ! D'ailleurs, pour le coup il y a quand même une influence évidente ici, car mes premières tentatives poétiques étaient des fables...

Chez les contemporains, le choix n'est pas facile, tant les recueils sont nombreux, même si on ne s'en rend pas forcément compte, du fait des tirages souvent faibles. Pourtant, il y en a, des pépites... Je ne vais pas citer tous mes coups de cœur, mais il y a notamment "Passant l'été" de Jean-Baptiste Pedini, "Souffler sur le vent" d'Albane Gellé et "Il pleut dans la chambre cette nuit" d'Amandine Marembert, ou encore "Les colibris à reculons" de Sabine Huynh.

Pour les pantouns, à l'inverse de la poésie libre, les recueils individuels francophones se font plutôt rares, alors je vais citer deux anthologies : "250 Pantouns, Le trésor Malais", pantouns traditionnels, et "Une Poignée de Pierreries", pantouns contemporains.


Pantouns et haikus d'Entiag :

Aux champs des floraisons

Jaillissant tout l'été.

Malherbe une passion

Brûlant toute l'année.

L’herbe est sèche, la fleur lasse,

Léopard reste fringant !

Rides viennent, les ans passent,

Malherbe reste éclatant !

Nos pieds tricoteront

Des passes de velours,

Nos cœurs crochets feront

Des vêtements d’amour.

Penalty d'hiver -

le ballon s'envole et touche

un traîneau là-haut

Un stade en automne -

le soir quelques feuilles miment

les foulées des joueurs

Écrivain moderne -

en courant il fait ses lignes

l'arbitre de touche

Passe décisive -

scruter filer transpercer

le mur de chaussures

Bibliographie d'Entiag :

Plaquettes : La Décision du Renard, Clapàs (2013) et Plumes, pluies et pantouns, Mots nomades (2016)

Recueils de poèmes : Les échanges de libellules, La Porte (2014) et L’envolée des libellules, La Porte (2015).

Contributions à des revues et anthologies

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