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A la rencontre de Guillaume Dorison (alias Izu), auteur de Versus Fighting story, un manga esport !

C'est une première pour Ecrire le sport, nous allons enfin parler de Esport, phénomène de société qui apparait de plus en plus dans les productions culturelles. Pour cette première, j'ai eu le plaisir d’échanger avec Izu, de son vrai nom Guillaume Dorison, organisateur d'événements Esport, producteur d'émission, animateur, scénariste de bande dessinée et auteur du manga Versus Fighting story chez Glénat.

Comment est née l’idée de créer ce manga ?

Au début des années 2000, j’organisais les premiers tournois de jeux de combat en France, c’était une véritable passion, renforcée par une communauté naissante. Dans le même temps, j’étais associé dans la maison d’édition Japan Culture Press et rédacteur en chef du magazine Game Fan, dédié aux jeux vidéo japonais. À partir du numéro 3 de Game Fan, on a commencé à pré-publier chaque mois un manga appelé « King Of Gamers » (Dessiné par Shaos, avec qui j’ai fait Holy Wars en 2007). Toutes les bases de Versus Fighting Story étaient déjà là : un manga qui mélange les codes du « Shonen Sportif » (Captain Tsubasa, Slam Dunk…) et ceux des compétitions de Street Fighter. L’idée initiale m’était venue quelques années plus tôt en lisant le manga Hikaru No Go : je trouvais assez génial le fait de dévorer un manga qui parle du jeu de GO alors que je n’avais pas la moindre connaissance de ses règles.

Au fond, je voulais juste partager mon amour des jeux de combats et surtout des joueurs qui composent sa communauté.

Plus d’une décennie après King Of Gamers, j’ai posté pour rigoler quelques images du manga sur mon Facebook et les gens ont adoré, me demandant pourquoi je n’avais pas continué avec un éditeur classique. La réponse était que pour faire ce manga « officiellement », il aurait fallu l’accord des éditeurs de jeu vidéo concerné pour que je puisse exploiter/citer/utiliser leurs licences. Très vite, la dessinatrice Kalon (Avec qui j’avais déjà publié plusieurs séries) m’a contacté, me disant qu’elle aimerait beaucoup retravailler sur ce concept avec moi. Shaos n’était plus disponible alors j’ai relancé le projet avec Kalon au dessin et Madd au story-board. Puis, j’ai contacté directement Capcom (L’éditeur de la série Street Fighter) pour leur parler de mon histoire et ils étaient intéressés. Dans le même temps, Glénat (avec qui j’ai sorti beaucoup de séries) s’est également montré partant pour développer cette série en manga. Au final, j’ai donc réuni Capcom et Glénat pour une grande discussion et voilà, Versus Fighting Story était né.

Pouvez-vous simplement nous donner une définition du Versus Fighting ?

Le terme « Versus Fighting » est une création de la communauté pour définir, de manière très générale, tout ce qui touche à un genre, celui des jeux de combat en 1 vs. 1. Pour être plus précis, le « Versus Fighting moderne » serait né avec la sortie de Street Fighter II en 1991.

J’ai décidé de parler ce type de jeu parce que c’est ma passion et mon travail depuis plus de 20 ans, c’est aussi bête que ça !

L’un de vos personnages dit « Ne confonds pas esport et versus fighting ».

Versus Fighting Story est un shonen sportif et comme beaucoup de titres de ce genre, il exagère la réalité ! Pour faire une métaphore avec le sport « réel », imaginez que le football en jeu vidéo, ça serait Fortnite ou League Of Legends : beaucoup de joueurs, une grosse industrie etc. Souvent, quand les gens parlent d’Esport, ils font allusion à ceux PC qui drainent toute l’attention.

En comparaison, les compétitions de jeux de combat ont toujours été plus « underground », comme une contre-culture de l’Esport. Les tournois sont organisés par des associations, certains joueurs voyagent pour le plaisir de jouer, sans espoir du moindre cash-prize, les ventes des jeux sont bien plus faibles etc.

Bref, le Versus Fighting, c’est un peu l’équivalent du kickboxing : un sport que tout le monde aime regarder, qui fascine, mais qui, au final, est pratiqué par moins de monde comparé aux géants comme le foot ou le basket.

Certains joueurs de Versus Fighting aiment revendiquer cette différence, le fait de jouer pour l’honneur et pas pour le fric, d’avoir une communauté très différente de ce qu’on peut trouver traditionnellement dans l’Esport…

Pour être sincère, je pense que chaque communauté de l’Esport pense la même chose ha ha. Mais c’est vrai que les codes du jeu de combat compétitif sont assez uniques.

Pour en revenir à la question, je pousse juste cette différence à son paroxysme dans le manga, mais aujourd’hui, tout monde pense que le Versus Fighting compétitif est de toute façon un Esport comme un autre.

Le sujet central de votre manga, c’est l’opposition entre les joueurs de salles d’arcade et les joueurs de esport, en quelque sorte le plaisir du jeu contre le business. Pourquoi ?

C’est un vieux sujet dans la communauté du Versus Fighting, comme dans toute contre-culture qui devient main stream : la peur de perdre la fibre passionnelle au profit de l’argent.

Le jeu de combat est né dans les salles d’arcade japonaises. Ce sont ses racines, même si peu de joueurs viennent réellement de là aujourd’hui.

Mais il faut avoir conscience qu’avant le début des années 2010 et le début du circuit Capcom Pro Tour, le Versus Fighting compétitif était un genre fauché, sans sponsor, sans cash-prize, sans joueur pro. Beaucoup de sports de combat mineurs sont exactement dans la même situation.

Dans ce cadre, les joueurs qui pratiquaient ces différents jeux (Street Fighter, King Of Fighters, SoulCalibur…) étaient des acharnés et des pionniers : pas de tournoi online, donc obligation de voyager à ses frais pour découvrir d’autres joueurs etc. Des compétitions comme le Stunfest, étaient organisés dans des garages…

Cet ère « Underground » a eu tendance à disparaître ces dernières années. Les sponsors ont débarqué, certains joueurs sont passés pro, certains tournois coûtent des centaines de millier d’euros à organiser et sont diffusés en plusieurs langues dans le monde entier.

Bien sûr, cette professionnalisation a été très bénéfique à de multiples niveaux. Mais certains joueurs regrettent la « Belle Époque » où on ne jouait pas en pensant à l’argent, uniquement pour le plaisir etc. Dans le manga, j’exagère ce sentiment nostalgique (Qui n’est pas si développé dans la réalité) pour en faire le cheval de bataille de nos héros.

Cette opposition est incarnée par des personnages très marqués, TKO, M. Judeau, Les familles Takashima et Volta. Vous êtes-vous inspirés de joueurs et joueuses réels ?


Tout à fait ! TKO existe, c’est un très grand joueur de Street Fighter et surtout le co-créateur du Versus Dojo, une salle d’arcade parisienne. C’est un de mes meilleurs amis et une grande source d’inspiration. Un joueur sincère et qui a toujours travaillé pour faire grandir la communauté du Versus Fighting.

M.Judeau, c’est un clin d’œil à Mr Quaraté, également un ami est un Commentateur/Streamer bien connu du jeu vidéo. Je fais également l’émission Hard Looters avec lui sur le rétrogaming. C’est une des personnes qui me fait le plus rire au monde, alors je tenais à le faire découvrir à un plus grand nombre.

La plupart des autres personnages sont également inspirés de « figures » historiques de la communauté du Versus Fighting. Quand je les connais bien, je masque à peine la référence. Dans les autres cas, je mélange plusieurs traits de caractère dans un seul personnage et je modifie le nom.

C’était très important pour moi de procéder ainsi. Versus Fighting Story a plusieurs niveaux de lecture et l’un d’eux est d’être un hommage à la communauté avec laquelle j’ai grandi.


Dans les matchs, on découvre que la psychologie est aussi importante que la tactique du joueur.


Comme dans beaucoup de sport, à très haut niveau tous les pratiquants ont plus ou moins la même technique, c’est donc dans la tête que la différence se fait. Prenez Roger Federer, par exemple : en termes de technique pure, à l’entraînement, tous les joueurs de Tennis du TOP 30 peuvent faire la même chose que lui, voire taper plus fort ou bouger plus vite. Mais personne n’a sa lecture de jeu en match, sa sensibilité du coup à venir et du coup à rendre, sa vision du jeu…

C’est la même chose dans les jeux de combat. Pendant les finales mondiales, tous les compétiteurs connaissent aussi bien le jeu et comment appliquer ses différentes stratégies. Celui qui remportera le tournoi est donc le joueur qui sera le plus solide dans sa tête, ne craquera pas sous la pression et qui aura toujours un coup d’avance sur les autres joueurs, c’est ce qu’on appelle le « Mind Game ».

La bande-son de votre manga est très métal. On « entend » Tool, Lacuna Coil… Est-ce le genre musical du versus fighting ?

Pas du tout ! Si la communauté des pratiquants du Versus Fighting devait avoir un genre musical (Ce qui n’est pas le cas), je dirais que ça serait plus le Rap ha ha.

Mais comme Kalon et moi on adore le Métal progressif, et particulièrement Tool, on s’est fait un petit trip dans le manga. On note également le nom de famille du protagoniste, « Volta », qui est une allusion au groupe « The Mars Volta ».

Les dialogues sont très techniques mais vous contrebalancez cela par des fiches explicatives. Avez-vous la volonté de « démocratiser » le versus fighting et le esport à un public plus large ?

Disons que c’était une des difficultés du titre : comment concilier les joueurs de jeu de combats et les profanes ? Comment passionner les uns sans laisser les autres sur le bord de la route ?

Au final, on a décidé de prendre le sujet très au sérieux dans sa partie technique et de contrebalancer ça avec des personnages fun et haut en couleur. Ceux qui pratiquent le Versus Fighting peuvent donc s’y retrouver dans les différents combats représentés et ceux qui découvrent peuvent prendre du plaisir à suivre nos héros, exactement comme quand je lisais Hikaru No Go.

Cependant, conscient qu’on aborde un sujet pas évident pour les profanes, on avait prévu dès le début des fiches techniques à la fin de chaque album, pour aider ceux qui le voudraient à se plonger dans cet univers.

Vous avez publié le Tome 4 en février 2020, la série va s’étendre sur combien de tomes ?

Les 4 premiers Tomes forment un arc complet, une première saison. Pour la suite, c’est la grande inconnue à l’heure actuelle. Le tome 1 s’était très bien vendu mais le tome 4 est sorti quelques jours avant le début du confinement, je crains que les ventes soient catastrophiques. Nous allons en parler avec notre éditeur quand ça sera de nouveau possible, et on se battra pour réaliser la deuxième saison, d’une manière ou d’une autre…


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