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Colin Kaepernick, le sens du sacrifice

"Croyez en quelque chose. Même si cela veut dire que vous devez tout sacrifier". Le documentaire "Un héros américain", diffusé sur Arte, raconte comment le joueur de football américain Colin Kaepernick, un temps traité par un paria pour un geste de militantisme, est devenu le symbole de la lutte antiraciste pour des millions de personnes.



Tout commence en août 2016. Juste avant une rencontre de football américain de pré-saison entre l'équipe des 49ers de San Francisco contre les Packers de Green Bay, l'hymne national retentit.


Une tradition reproduite avant chaque match de National Football League, l'organisatrice du Super Bowl, le plus grand événement sportif annuel au monde. Or, cette fois-ci, alors que le Star-Spangled Banner résonne et que les footballeurs des 49ers se tiennent droit debout, leur quarterback depuis six saisons, Colin Kaepernick,...reste assis.


Scandale. Quelques heures plus tard Colin Kaepernick fait la une des chaînes d'info en continu aux Etats-Unis, Harassé dans les vestiaires, caméra dans les yeux tel un criminel, Colin Kaepernick se voit sommé de justifier son geste.


Le footballeur américain entend fait réagir face aux violences policières commises envers la communauté afro-américaine dans son pays. Après Trayvon Martin, Eric Garner, Michael Brown, Alton Sterling, c'est Philando Castile, un Afro-Américain de 32 ans, qui a été tué par balle par un officier de police quelques jours plus tôt lors d'un contrôle de police routier. Le cas de trop ?


Lors des matchs qui suivent, Kaepernick ne s'assied plus pendant les hymnes, il s'agenouille. Mais désormais, il n'est plus seul. Sur d'autres terrains de sport, des homologues sportifs l'imitent dans leurs disciplines respectives. Des artistes, comme Pharrell Williams ou Stevie Wonder, posent aussi le genou à terre en concert.


Mais alors qu'un écho positif retentit outre-atlantique, le geste de Colin Kaepernick ne passe pas pour d'autres Américains, en particulier pour Donald Trump et ses partisans, qui voient en lui un traître à la nation. Retentissement ultime, un an plus tard, le fraîchement élu président des Etats-Unis haranguera même dans l'Alabama une foule promise à sa cause en traitant Kaepernick de "fils de pute" et en sommant les franchises NFL de le "dégager".


A la fin de la saison, Kaepernick profitera d'une option pour devenir "libre d'agent" et sera boycotté par le monde du foot US. Au pays de l'argent roi, la plus puissante ligue sportive du monde ne pouvait pas se priver d'une partie de ses supporters.


Dans une Amérique patriote, pas peu fière de son histoire et surtout de ses soldats, le geste de Colin Kaepernick a bousculé. Réalisé en 2019, le documentaire a été remis en avant par Arte sur son site dans le contexte de la mort de George Floyd et de la résurgence du mouvement "Black Lives Matter". Sa force, c'est que l'an dernier, déjà, les réalisateurs avaient tenté une analyse qui fait écho aux protestations entendues ces dernières semaines aux Etats-Unis et dans le monde. Et rappelle que ce combat ne date pas d'hier.


Le spectateur découvre que Colin Kaepernick petit métis, a été adopté par un couple de Blancs et a grandi dans des villes de Californie où sa couleur noire n'était pas la norme. Les journalistes et coachs interrogés racontent les qualités qui l'ont fait graver les échelons, mais aussi des détails sur sa personnalité, ou comment ses réponses laconiques l'ont rendu froid aux yeux de la presse.


Les réalisateurs ont aussi interrogé des observateurs du football américain et militants antiracistes, comme Lilian Thuram. Et même si le militantisme fait aujourd'hui vendre, même si Kap est devenu l'égérie de Nike pour son activisme, peu de sportifs ont pris de tels risques. A citer, néanmoins, la footballeuse Megan Rapinoe, qui a aussi posé le genou à terre. Ou la basketteuse Maya Moore, moins médiatisée, qui a pris un congé sabbatique pour s'engager dans la défense de Jonathan Irons, un Afro-Américain incarcéré pour cambriolage et agression sans preuve avérée. Leur combat rappelle celui de Tommie Smith et de John Carlos, qui protestèrent contre la ségrégation raciale en levant un poing ganté de noir sur le podium du 200 mètres lors des Jeux Olympiques de 1968, et du badge de soutien porté par le "troisième homme" du podium oublié des livres, l'Australien Peter Norman. Les deux athlètes noirs seront exclus des Jeux à vie, et Peter Norman, mis au ban du sport australien.


Dans un pays où on aime célébrer ses soldats, il faut saluer les réalisateurs pour avoir rendu à César ce qui est à César. L'idée de poser le genou à terre rappelle la lutte pour les droits civiques de Martin Luther King et la marche de Selma en 1965. Mais preuve que ce combat n'est pas une question de couleur, elle fut soufflée à Kapernick par Nate Boyer. Interrogé dans le documentaire, cet ancien joueur de football américain blanc, plus connu comme vétéran de l'armée US que pour ses faits d'armes sur le terrain, trouvait irrespectueux que Kap reste assis pendant l'hymne. Irrespectueux envers leur pays, envers les soldats engagés. Mais après avoir échangé avec le footballeur, Nate Boyer lui suggéra le genou au sol pendant l'hymne lors d'un match suivant et se tiendra debout à ses côtés, main sur le coeur. Quand "un héros" en cache un autre.


En lien avec le mouvement "Black Lives Matter":


Ecoutez notre podcast "ELS #3 : Basket et fiction US : forcément politique ? https://www.youtube.com/watch?v=ElW4cRs1fr8




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