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Entretien avec Maxime Masson, auteur d'un livre consacré à la fameuse génération 87 

Benzema, Ben Arfa, Cesto, Costil, Ducasse, Mangani, Menez, Nasri, Riou, Thicot ou encore Yahiaoui, la Génération 87 était la plus talentueuse, d'ailleurs elle sera championne d'Europe U17 en 2004. Mais quinze années plus tard, les promesses n’ont pas été tenues. Au travers de cette galerie de portraits, ces footballeurs et ceux qui les ont connus peignent le tableau d’un monde impitoyable : l’industrie footballistique. On en parle avec Maxime Masson, co-fondateur du projet UltimoDiez, et auteur du livre 1987, génération sacrifiée? aux Éditions Exuvie.



Comment avez-vous eu l’idée de ce livre consacré à la génération 87 ?

Il n'y avait pas d’œuvre référence sur la Génération 87. C'est pourtant celle dont on a le plus parlé depuis 20 ans, celle qui est toujours considéré comme la plus talentueuse par de nombreux formateurs. Beaucoup de joueurs se sont coupés des médias ou ne les intéressent pas. Leurs histoires font écho à des thématiques dont on parle peu : le chômage, la gestion de la gloire, des médias, des sollicitations, la maladie … Ce sont tous ces éléments qui m'ont donné envie de faire un livre, non pas sur eux, mais avec eux.


Pour plusieurs d’entre eux, ce championnat d’Europe 2004 sera le pic de leur carrière.

C'est presque logique, chaque génération a son lot de réussite et « d'échecs ». Avoir été la première génération française a être sacrée championne d'Europe U17, c'est déjà un immense accomplissement collectif. Au final, 9 des 18 champions connaîtront les joies d'une sélection nationale A, de nombreux joueront la Ligue des Champions ou l'Europa League. C'est déjà considérable en une génération.


L’un des acteurs majeurs de votre livre c’est Philippe Bergeroo, l’un des rares coachs à avoir réussi à canaliser et à créer une équipe avec autant d’individualités. Alors que les observateurs les présentent souvent comme une génération difficile à gérer, vous expliquez qu’il a réussi avec « des ingrédients simples : confiance, écoute, responsabilisation. »

Philippe Bergeroo est sans doute la clé de voute de leur success story. Le groupe dominait déjà ses adversaires sous François Blaquart mais les joueurs vantent les qualités de cœur de l'ancien adjoint d'Aimé Jacquet. Il a su fédérer autour de valeurs communes simples mais parfois complexes à mettre en place avec des surdoués. Une grande part du mérite lui revient et tous les joueurs n'ont que des louanges à son égard.


En lisant certains portraits, (Steven Thicot, Cesto, Serge Akakpo), j’ai pensé au livre de Romain Molina, Galère football club(Hugo Sport). On voit assez vite qu’en dehors des clubs de L1-L2 du Top 6 européen, la carrière est très précaire (contrat court, rémunération non assurée…).

C'est le quotidien d'une immense majorité de joueurs professionnels à travers le monde, une face qui n'est pas bling-bling et relativement dénigrée des médias mainstream. Mais j'insiste, c'est la réalité d'une immense majorité. Une carrière tient sur de nombreux paramètres, la visibilité en est un. Lorsque l'on sort du sérail, il est difficile de revenir. Beaucoup l'ont expérimenté et ont dû faire face à de grandes désillusions au cours de leur carrière. Et c'était important d'explorer cette réalité, de l'amener sur le devant de la scène. Pierre Ducasse en parle d'ailleurs très bien lorsqu'il relate son court passage au Mexique.



Le passage de la post-formation au monde pro dépend de nombreux paramètres mais l’entourage semble être l’une des clés les plus importantes pour réussir une carrière.

C'est un élément prépondérant. Il détermine la capacité à faire les bons choix au bon moment, la capacité à rester focus, à avoir les bons réflexes et les bonnes attitudes aux moments opportuns. C'est à mon sens, avec l'hygiène de vie et la rigueur dans le travail, les paramètres les plus importants dans une carrière. Mais ça ne suffit pas toujours …


De mon point de vue, on peut distinguer trois groupes dans cette génération : les internationaux, les joueurs pro L1-L2, les baroudeurs. Êtes-vous d’accord avec cette distinction ?

Pas totalement ! (rires). Je dirais qu'il y a ceux qui n'ont pas percé en pro, ceux qui ont eu une carrière professionnelle de plusieurs années et les superstars. Mais chaque groupe a ses propres sous-groupe. C'est toute la complexité de cette génération. Il y avait tellement d'attentes qu'il est difficile de classer, d'évaluer qui a fait la carrière qu'il devait faire. Il y a eu pas mal de baroudeurs, c'est un fait. Tous ont connu en moyenne une demi-douzaine de clubs. Benoit Costil et Thomas Mangani sont eux devenus des valeurs sures de notre Ligue 1. Concernant les carrières internationales, toutes ne se valent pas. Celle de Serge Akakpo est l'une des plus belles, lui qui a été capitaine du Togo. A l'inverse, Karim El-Mourabet, Franck Songo'o ou même Hatem Ben Arfa n'ont finalement que peu de capes, même si chacun de ces joueurs est un cas singulier par rapport aux deux autres.


Pour les internationaux, vous considérez que la fin du rêve de cette génération a lieu à L’Euro 2012.

Pour Ben Arfa et Menez, oui. C'est assez clair. Pour Nasri, je pense que la bascule se fait lors du France-Ukraine au Stade de France. A l'aller, il est titulaire, l’Équipe de France coule. Au retour, l'histoire s'écrit alors qu'il est sur le banc. Pour Benzema, ce sont des éléments politiques et judiciaires qui l'ont mis hors jeu peu avant l'Euro 2016.


Ceux qui ont réussi (Nasri, Benzema, Ben Arfa, Menez) ont souvent fait l’objet de critiques. Pour le journaliste Mathieu Grégoire, cette génération n’a pas noué de liens avec la presse, ce qui dans les moments décisifs est problématique.

La presse et les joueurs, c'est un véritable sac de nœuds. Difficile de dire que tout est soit tout blanc, soit tout noir. Il est effectivement toujours plus simple dans un plan de carrière d'avoir des journalistes courtisans. C'est devenu monnaie courante. Eux ne l'ont pas fait, par choix. Parce qu'ils ont eu l'impression d'un acharnement à certains moments. Et pour protéger leurs proches, ils se sont mis en retrait ou en conflit. A mes yeux, c'est un immense gâchis. Avec un peu d'eau dans leurs vins respectifs, tout aurait pu être différent et certaines polémiques auraient pu être évitées.

De votre point de vue, quel joueur est le plus passé à côté de sa carrière ?

Assurément Ahmed Yahiaoui. C'est celui qui a le plus gros delta entre son potentiel et la carrière réalisée. Et je crois qu'il en est conscient. Tous ses coéquipiers en parlent comme d'un joueur fantastique. Des matchs que j'ai pu revoir, il était, dans son registre, au même niveau que d'autres phénomènes de la génération. On peut aussi penser à Steven Thicot qui était l'un des joueurs les plus côtés à l'époque du championnat d'Europe. Lui a réussi à en vivre sur la durée, au prix de destinations folkloriques et d'un sacré mental.


Ahmed Yahiaoui.


Pour terminer, Benzema, Costil, Nasri, Menez, Constant, jouent ou ont joué dans les grands clubs et en sélection. Mangani, Riou, Ducasse ont joué durablement en L1 OU L2, peut-on réellement considérer cette génération comme sacrifiée ?

Tout l'intérêt du livre est aussi dans cette question. Elle met en perspective toutes les prédictions court-termistes qu'on a tous tendance à faire à la vue d'un joueur prometteur. Ce qui est sur, c'est qu'ils sont arrivés dans un moment où « le foot à papa » se transformait lentement vers le business model trading, où les réseaux sociaux et la presse ont pris du poids, et dans une période sombre du football français, entre Knysna, l'affaire des quotas, l'affaire Valbuena … Ces événements ont fatalement eu des impacts sur certaines carrières, et ça, personne ne pouvait le prédire.


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