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La Bible des pistards

Il existe déjà des beaux livres sur les vélodromes. On pense notamment à l’ouvrage de Thomas Bauer et Tony Froissart (Vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines) ou à celui de Pascal Sergent (Les Grandes heures du vélodrome roubaisien). Mais il s’agit de monographies. Avec Le Grand livre des vélodromes français, Gilles Ardin réalise quelque chose de totalement inédit : son ouvrage présente l’ensemble des vélodromes ayant été aménagés en France, y compris ceux ayant aujourd’hui disparus. Soit 600 sites, rien de moins.

Véritable encyclopédie, l’ouvrage de Gilles Ardin est d’abord fonctionnel : les sites sont classés par ordre alphabétique des communes dans lesquelles ils sont ou ont été implantés. Derrière ce travail minutieux de recension, c’est bien toute l’histoire des vélodromes de l’Hexagone qui s’esquisse, depuis la création des toutes premières pistes sur terre battue à celles d’aujourd’hui, de béton et de bois. Extrêmement bien documenté, l’ouvrage propose un descriptif technique des sites (adresse précise, longueur de la piste, matériaux…) mais relate également les anecdotes qui accompagnent l’histoire des lieux. Les textes sont illustrés d’une iconographie riche et souvent inédite, qui donne à l’ouvrage une dimension vivante et attrayante.

Si ce grand livre des vélodromes français séduira sans nul doute les connaisseurs et les collectionneurs, il fournit avec pédagogie des clés de lecture aux amateurs moins éclairés. L’avant-propos rappelle notamment les caractéristiques des différentes courses sur piste. Les principaux acteurs du monde vélocipédique cités dans l’ouvrage bénéficient en outre d’une biographie en fin de volume.

Pour Ecrire le sport, nous avons rencontré Gilles Ardin…




Le premier constat lorsque l’on ouvre votre ouvrage est la quantité de données que vous avez réussi à récolter et à analyser. Le travail de toute une vie, en somme ?

C’est en réalité cinq années de recherche, de fouilles, de détection d’archives et de coups de téléphone pour trouver le moindre indice concernant les anciens vélodromes. Enormément de relationnel et de contacts très enrichissants d’un point de vue humain. Cette idée de faire un livre m’est venue en assistant en 2015 aux Championnats du monde de cyclisme sur piste à Saint-Quentin-en-Yvelines. Je pensais à l’époque que ce vélodrome deviendrait rapidement une salle de concerts et de spectacles et qu’il fallait faire connaitre les anciens vélodromes, qui pour certains, ont été des sanctuaires du sport français. Au fil des mois j’ai ainsi découvert de nombreuses pistes dont j’ignorais auparavant l’existence, me poussant à de nouvelles recherches.


Pouvez-vous nous dire plus précisément comment vous avez procédé ? Quelles archives avez-vous consultées ? Quelles sources avez-vous investies ?

Mes sources sont multiples, comme expliqué précédemment. J’ai utilisé d’abord comme iconographie, une bonne partie de ma collection de cartes postales et de photos personnelles ou d’amis, de proches lors de déplacements. Pour les textes j’ai dû d’abord recenser les vélodromes français au travers d’archives des journaux de l’époque. Le site de la BNF ainsi qu’un abonnement à Retronews ont été d’une aide précieuse. Ensuite, j’ai contacté les archives municipales, les anciens coureurs cyclistes, les mairies ainsi que les différents clubs locaux. A chaque fois, ma démarche a été encouragée par les interlocuteurs que je rencontrais. Ils m’ont ouvert des portes, donné des adresses ou des contacts nouveaux, me permettant ainsi d’enrichir mes connaissances. A chaque entretien, la motivation augmentait grâce au retour de mes interlocuteurs.


Vous livrez aussi des témoignages : à qui donnez-vous la parole ? Avez-vous mené des interviews ?

Oui, j’ai mené des interviews auprès de différentes personnes, anciens ou actuels champions cyclistes, dirigeants ou autres. Je voulais qu’ils me livrent quelques mots au sujet de leurs débuts sur les vélodromes. Ces contacts furent l’occasion d’échanges forts agréables et riches. J’ai rencontré des personnes très intéressantes et d’anciens champions comme André Darrigade, Daniel Morelon qui ont été champions du Monde de Cyclisme.



Selon vous, à qui s’adresse cet ouvrage ?

Au début, je voulais faire un ouvrage destiné aux collectionneurs, aux archivistes du cyclisme en recensant des palmarès et des photos d’anciens coureurs. Au fil du temps, j’ai pensé en faire un ouvrage patrimonial et c’est aujourd’hui ce que nombre des lecteurs me disent. Ces antres du cyclisme font partie de l’histoire du sport français et nombreux sont ceux qui sont surpris de découvrir qu’un vélodrome a existé dans leur ville et qui partent à la recherche d’éventuelles traces. Nombreux également sont les anciens cyclistes ayant couru sur piste qui éprouvent une certaine nostalgie en retrouvant un vélodrome qu’ils ont connu.


Pour nous donner envie de plonger dans votre ouvrage, pouvez-vous nous raconter l’histoire du premier vélodrome français ?

Plus que le premier vélodrome, je préfère parler du Vél-d’Hiv, le vélodrome d’hiver de Grenelle à Paris. Il a été construit en 1909 à l’initiative du créateur du Tour de France, Henri Desgranges. La piste en bois de 250 mètres était entourée de gradins en briques et 17 000 spectateurs pouvaient venir applaudir les champions de l’époque. C’est certainement le vélodrome le plus populaire en France. Il a connu des heures de gloire grâce aux six-jours de Paris où les équipes de 2 coureurs se relayaient sur la piste durant six jours pleins. Mais il a surtout laissé une place dans l’histoire de France avec la rafle des Juifs en juillet 1942 avant d’être détruit en 1959. Mais savez-vous qu’un an avant sa destruction, en 1958, il a servi de centre de rétention à des Français musulmans d’Algérie, ramenant ainsi, seize ans après, le vélodrome dans un contexte dramatique ?


Quels noms retiendrez-vous de cette histoire du cyclisme sur piste ? Pourquoi ?

Le premier nom qui me vient est celui d’Edmond Jacquelin, ancien boulanger né en 1875. Un des premiers grands pistards français dès 1895. Plusieurs fois champion du monde de vitesse, il a connu les honneurs et la gloire, possédant sa propre loge à la Comédie Française. Ses exploits étaient relatés dans la presse nationale et durant la Première Guerre mondiale, alors qu’il était soldat, on racontait ses faits militaires. En 1901, une course l’opposant au Noir Américain Major-Taylor avait rempli le Parc des Princes. Jacquelin montait sa propre marque de bicyclettes et tenait une concession automobile. Après avoir dilapidé sa fortune, entre autres, dans les restaurants chics de Paris, où il régalait l’assistance, il accepta à trente-neuf ans de courir le cachet dans les six-jours. En 1923, il créa un vélodrome en terre battue, sur l’Ile de la Jatte (l’Ile d’Amour) près du pont de Neuilly pour initier les jeunes à la piste. Pour le financer, il tenait une buvette jouxtant le vélodrome. En 1928, Edmond Jacquelin est décédé dans la misère. Son enterrement au cimetière de Bagneux se fit en présence du Tout-Paris, pour lui rendre un dernier hommage.

Il y a également le nom de Florian Rousseau, un des plus beaux palmarès français. Florian n’a pas hésité une seconde quand je lui ai proposé de faire la préface. Merci à lui.


Propos recueillis par Julie Gaucher


Gilles Ardin, Le Grand livre des vélodromes français en 600 tours de piste. Préface de Florian Rousseau. Editions du Volcan, 2021.

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