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La Méthode Williams à l’essai

Le 1er décembre, La Méthode Williams, qui revient sur la genèse du succès des sœurs Williams au tennis, avec Will Smith, sort sur les écrans. Cette histoire entre un père et ses filles rappelle de nombreuses histoires de tennis racontées sur grand écran. Julien Camy, co-auteur de l’anthologie Sport&Cinéma (Ed. Amphora) qui vient de ressortir, l’a vu et plutôt bien apprécié.


Il n’y a pas à dire, les joueurs de tennis, ont un problème avec leurs parents. En tout cas, c’est ce que semble nous dire leur représentation à l’écran tant les personnages de ces histoires doivent à chaque fois batailler autant sur le terrain qu’en dehors pour se défaire du poids que leur père ou leur mère font poser sur leur raquette. Dans l’un des premiers films importants autour du tennis, Jeu, set et match d’Ida Lupino (1951), le personnage interprété par Claire Trevor est poussé à la gloire par sa mère qui cherche une ascension sociale grâce à l’argent et au succès de sa fille. Plus récemment, dans Terre Battue de Stéphane Demoustier (2014), le personnage d’Olivier Gourmet va jusqu’à empoisonner l’adversaire de son fils. Dans le potache Seven Days in Hell (J. Szymanski, 2015), ces relations mère-fils néfastes sont parodiées et exagérées avec jubilation et dans Cinquième set de Quentin Reynaud (2021), c’est encore une mère omniprésente et possessive qui façonne le personnage d’Alex Lutz, lui imposant une dépendance affective et une pression psychologique. Il faut dire que les exemples dans le monde réel existent vraiment, l’un des plus célèbres étant celui de la tenniswoman Monica Seles et de son père dans les années 1990. Dans son autobiographie, le champion André Agassi explique qu’il n’aimait pas le tennis, mais jouait pour faire plaisir à son père ! Martina Hingis et sa mère ou encore les sœurs Williams avec leur père-entraîneur auraient entretenu des relations complexes.



La Méthode Williams de Reinaldo Marcus Green est ainsi basé entièrement sur la relation entre Richard Williams et ses deux filles Serena et Venus dont il veut en faire les prochaines stars du tennis. L’histoire lui donnera raison. Elles seront toutes les deux numéro un mondial à tour de rôle, Serena, la plus jeune, devenant même la championne de tennis la plus titrée de l’ère open. Entre projet de vie et projet commercial, Richard a pensé à tout. Il les entraîne selon un plan très précis depuis leur plus jeune âge. Tous les jours, elles se retrouvent sur le terrain délabré de Compton, un quartier déshérité de Los Angeles, à taper des balles. Attentif à la nourriture, à leur éducation, à leur entrée aussi dans le monde professionnel pour les préserver des dangers d’une célébrité trop jeune, le personnage désire le mieux pour elles, tout en les façonnant tel que lui le décide, leur laissant finalement peu de liberté personnelle. C’est tout le paradoxe assez bien mis en lumière de Richard Williams.



Classique dans sa réalisation, ce biopic américain construit autour de la personnalité complexe du père que l’on a de cesse d’aimer et de détester au fil des scènes, célèbre finalement le « self made man » américain. Will Smith est parfait en Richard Williams, lui conférant une réelle épaisseur, homme droit et juste, victime d’un déterminisme sociale et d’un racisme qu’il veut dépasser, notamment par la réussite financière. Les questions sociales et raciales dans une Amérique toujours en proie à ce fléau et à la violence systémique, sont évoquées en miroir du symbole que représenterait la réussite des sœurs Williams dans un milieu sportif où le blanc domine. Mais la relation conflictuelle de Richard avec sa femme, montre bien qu’il était également impossible à vivre, obsédé par la réussite de sa famille et par son projet, têtu et égocentrique. Mais peut-être fallait-il avoir cette détermination pour réussir ce qu’il a fait en venant d’où il venait ?

Quant aux scènes de tennis, elles sont tout à fait honorables et remplissent leur office, sans être spectaculaires et sans chercher à impressionner. L’entrainement intensif suivi pendant 6 mois par les deux jeunes actrices permettent une certaine crédibilité dans leur gestuel et leur déplacement. Le reste, est affaire de mise en scène (peu d’originalité de ce côté-là dans les scènes sportives) et de croyance en ces personnages, tous très attachants. On n’a donc pas envie d’être trop tatillon sur la position du poignet ou sur la trajectoire des balles (d’ailleurs peu d’échanges complets sont montrés). En tout cas, les appuis ouverts que le père Williams leur a demandé d’adopter et sur lesquelles elles furent parmi les précurseurs, sont bien évoqués.



Après le biopic Borg/McEnroe (J. Metz Pedersen, 2017), The Battle of Sexes (J. Dayton, V. Farris, 2017) sur l’affrontement Billie Jean King/Bobby Riggs (et avant celui autour de Boris Becker), La Méthode Williams se positionne également donc la lignée des histoires de tennis évoquant des personnages célèbres à travers un instant, un moment historique. Le film a décidé de s’arrêter quand Venus, 14 ans, joue son premier tournoi pro. Finalement, le film effectue une légère variation, montrant que ces relations parents/enfants peuvent ne pas être que néfastes. La trajectoire à venir des deux sœurs Williams et leur longévité en serait la preuve.


Julien Camy

Co-auteur de Sport&Cinéma, Edition Amphora, sortie le 18 novembre

518 pages, 70 sports, 1600 films




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