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« Les Incorrectes », où la longue lutte des sportives pour leur reconnaissance

Diffusé sur la chaîne Histoire TV, le documentaire « Les Incorrectes » rappelle que la lutte des femmes pour le droit de pratiquer du sport reste d’actualité.



« Impratique, inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter: incorrecte ». Voici comment, en 1912, le baron Pierre de Coubertin aurait décrit la participation des femmes aux Jeux Olympiques. Plus d’un siècle plus tard, aux Jeux de Paris en 2024, on atteindra enfin la parité. Mais la satisfaction est limitée : le chemin fut long, et il reste bien des combats à mener…


Voici tout le propos du documentaire « Les Incorrectes » diffusé le 20 mai 2022 sur la chaîne Histoire TV. Ce film, réalisé par Anne-Cécile Genre, relate les débuts contestés du sport au féminin et ses répercussions sur la place actuelle des femmes dans le monde du sport. La figure phare de « Les Incorrectes » est Alice Milliat. Cette rameuse et militante émérite a lutté dans les années 1910 et 1920 pour que les femmes puissent pratiquer du sport et participer aux Jeux Olympiques.


Armée de son bâton de pèlerin, la petite Nantaise méconnue s’est frotté au puissant CIO à une époque où on admettait qu’une femme foule les terrains de sport…mais juste pour renforcer son corps et fournir à la nation de bons soldats et de saines procréatrices. Des décennies durant, les femmes ne pouvaient donc pas pratiquer de nombreux sports, l’athlétisme en premier lieu.


Avec ses Jeux féminins, réussite tant sportive que populaire dès 1922, Alice Milliat a néanmoins réussi à convaincre les hommes du CIO que les femmes pouvaient elles aussi avoir leurs propres podiums. Mais si la militante a posé les jalons du sport au féminin, le changement de mentalité fut long. Face caméra, Kathrine Switzer, première participante officielle du marathon de Boston en 1967, ou Sarah Ourahmoune, vice-championne olympique de boxe à Rio en 2016, brossent toutes les difficultés qu’elles ont eu à s’imposer… Entre présent et passé, entre les sportives des années 1920 et leurs homologues des décennies suivantes, le documentaire va, vient, et renforce l’idée que le combat des sportives pour leur reconnaissance traverse les époques.


Le film d’Anne-Cécile Genre est d’une très grande qualité. Sociologues, historiens, journalistes… la réalisatrice a fait preuve de pertinence dans le choix des interlocuteurs. Elle est aussi allée à la rencontre des héritières d’Alice Milliat, ces sportives des années 1960, 1980 et 1990… Mention enfin à la beauté des archives ! Le film nous offre des images rares et précieuses des premiers Jeux féminins, en 1922, où l’on voit les premières athlètes sauter, courir, lancer… Suzanne Liébrard, Thérèse Brûlé, Violette Morris… de vrais bijoux historiques.


Avec brio, « Les Incorrectes » redonne du crédit à une militante majeure mais écartée par le mouvement olympique et décédée dans l’anonymat. Si les sportives du monde entier récoltent aujourd’hui les fruits du combat d’Alice Milliat, son nom est longtemps resté effacé de l’Histoire du sport. Sa réhabilitation n’est aussi que récente puisqu’il fallut attendre 2021 pour qu’une statue soit inaugurée en son honneur au siège du Comité National Olympique et Sportif Français. Et alors que l’une des arènes de Paris 2024 aurait du porter son nom, ce qui aurait été une première historique pour une femme et une grande enceinte sportive, la belle idée est aujourd’hui menacée. Il est donc toujours légitime que les amateurs de sport et d’histoire en apprennent plus sur elle.


Malgré l’évolution, malgré l’ajout d’épreuves féminines aux Jeux Olympiques, malgré la parité dont le CIO se targue aujourd’hui, la lutte des sportives pour leurs droits n’est pas encore achevée. « Les Incorrectes » est donc sans conteste un documentaire d’utilité publique. Et d’actualité.



Assia Hamdi


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