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Les Jeux en poésie (partie 1)

En 1924, Paris accueille les Jeux olympiques d’été. Quelques mois plus tôt avait eu lieu à Chamonix, une « semaine internationale des sports d’hiver », rebaptisée après-coup, « Premiers Jeux olympiques d’hiver ». Un poète, ami de Cendrars et qui fit l’enthousiasme de Cocteau, Géo-Charles assiste en fervent spectateur à la manifestation parisienne. Quelques mois avant, il a suivi, de la capitale et par le biais de la presse, les prouesses qui se jouaient dans la neige de Chamonix… Et de ces Jeux de 1924, Géo-Charles livre un recueil d’une incroyable modernité :

La VIIIe Olympiade. Le parti pris est simple : une épreuve olympique = un poème.

Cent ans plus tard, Paris accueille les Jeux et un collectif de poètes se rassemblent pour marcher dans les pas de Géo-Charles sur l’invitation de l’association Ecrire le sport : faire des Jeux, des poèmes ! Ils et elles « couvriront » les Jeux autrement en proposant un « compte-rendu » poétique, sensible et subjectif écrit à plusieurs mains. Pour faire vivre les Jeux autrement. Pour garder trace, réécrire, retraduire, trans-scrire. Ces textes seront publiés au fil des épreuves sur cette page.


la médaille d'or de littérature de Géo-Charles



31 juillet 2024, Boxe, 8 èmes de finale, Robinson canapé,

À 20 km du lieu des épreuves


Par Sylvain Faurax

Quiconque chausse des gants devient mon héros.

Faute de place pour Villepinte et les qualifications,

Je me rabats sur le poste télé et sur mon salon.

Occupé par le fantôme crevant de sa grâce l’écran,

Je m’identifie peu à peu et supporte le coin bleu.

Alors je râle, je vibre et je crie au loin,

Conseillant comme s’il pouvait m’entendre,

Comme s’il pouvait en avoir besoin.

Protège-toi de son droit !

Une, deux et remise au foie.

Comme ça c’est bien, j’exulte !

Sans m’en rendre compte, voilà que je m’agite,

Serre les poings en plus du paquet de chips.

Je frappe à présent le poison du vide.

Jab, Jab, crochet, je pique et mime…

Sans esquiver aucune des passions qui m’animent,

Boxer par procuration et même en superposé,

Devenir le calque d’une meilleure version de moi.

À présent épuisé d’avoir été une ombre si fidèle,

Je célèbre notre succès à la bière un peu tiède.

À toi, le roi du ring, chevalier du tour d’après,

Rendez-vous en quarts pour une nouvelle rébellion.


*


31 juillet, Triathlon féminin, vue sur Paris à travers mon ordi


Par Virginie Larteau

Solitude avant le grand plongeon

dans la Seine

rendue enfin saine


Souvenir de m’être baignée

sur le fleuve et non dedans

lorsque j’étais encore enfant

Piscine Deligny, ma chérie

pourquoi as-tu donc coulée ?


Et les voilà seules

les unes à côté des autres

Seules au milieu du fleuve


Vue du ciel

leurs corps dessinent

comme un message

une phrase cryptée

au goût de liberté


un message qui ouvre

des lignes de baignade

des aujourd’hui dorés

dans Paris médaillé


Et les voilà, sur un vélo

Paris cyclo plutôt qu’auto

Sur les pavés

comme sur les quais


Dernier effort du triathlon

beau, grand, acclamons !


Paris réussi

Cassandre applaudie !

*


Le 31 juillet, à la piscine municipale


Par Julie Gaucher


Nager après Léon


hier à la piscine

léon sur la rétine

et mon corps enclume

ridicule

et mon corps en papillon moribond

rêvant d’embrasser le ciel

n’était plus qu’un cormoran frileux

séchant ses ailes lourdes


*

médaille de bronze de Clarisse Agbegnenou

qui tient sa fille Athéna dans les bras

Judo – France – 30 juillet 2024

(poème pour les jeunes lecteurs)



Par Françoise Lison-Leroy


Pas pleurer

maman Clarisse

tu n’es pas la première

mais je suis dans tes bras


à toi

la médaille de bronze

ronde comme tes larmes


on en fera une roue

pour mon premier vélo

une articulation

pour le cheval de Seine

un ballon de rugby

une auréole une étoile

un disque à lancer très loin

un anneau de basket

une bulle parfumée

pour toutes nos fêtes


ma maman Clarisse

toi tu sais que je t’aime

mieux que tout l’or du monde


*


Commentant lundi 29 juillet les images de la victoire de l’équipe de France féminine de

water-polo face à l’équipe d’Italie, ma cadette, en vacances là où il fait chaud, a précisé à sa

sœur : « C’est du water-polo dans l’eau ». Inspirés par ses mots, voici deux poèmes avec « du

water-polo dans l’eau ». 30 juillet 2024


Par Jean-Baptiste Verrier

Pédagogie


Au programme de ces Jeux audacieux

De l’équitation à cheval

Du football balle au pied

Du ping-pong sur une table

Et à 16h30 à ne pas manquer

Du water-polo dans l’eau

Avec tout ça des chances de médailles :

En aviron à la rame

En surf sur les vagues

En athlé course à pied

Mais priorité au direct

On a le choix tout de suite maintenant

Entre haltérophiles souleveurs d’haltères

Et joueurs de tennis avec des raquettes

C’est un choix cornélien

Comme dans les pièces de Pierre de Coubertin


*


Jeux d’eau



Du water-polo dans l’eau

Du kayak sur un cours d’eau

Du plongeon de tout en haut

Et pour moi du pédalo !

Il fait si chaud


Du 3000 steeple dans la rivière

Des chevaux pattes dans l’ ruisseau

Des descentes sur des vélos

Et pour moi des glaces à l’eau

Il fait si chaud pour les marmots


Du surf dans les rouleaux

Des bonnets d’ bain des maillots

Des régates pour hisser haut

Et pour moi un grand verre d’eau

Il fait si chaud d’vant les Jio.

*

30 juillet 2024 / Natation, 200 mètres papillon hommes et 100 mètres dos

femmes / Nice 


Par Milène Tournier


J’ai regardé s’élancer les papillons 

Dans le petit bar bleu.

Un peu plus bas dans la ville, 

La mer ne faisait aucune course 

Ou contre le ciel, et qu’elle avait déjà perdue. 

L’écran était raide comme le fond d’une piscine. . 

L’un a dit, c’était joli 

« Des îles qui sortent et retournent au néant »

L’autre a dit, c’était réaliste, à propos du commentateur 

« Il faut faire durer car ça dure 1 minute 53 »

Et l’autre, quand on est passé aux dossistes, 

« Je ne connaissais pas le mot, dossiste »

Et une, modeste,

« Moi je ne sais déjà pas nager droit alors nager vite »

Et l’enfant assis se demandait 

« Est-ce qu’on peut inventer d’autres nages ? »

Moi je regardais les cages thoraciques s’ouvrir 

Entre les lignes et la faïence :

L’histoire du souffle, 

Dans celle de l’eau.

*

Judo, 30 juillet, télé


Par Olivier Hervé


L'impression visuelle

n'est qu'une impression

la vérité

c'est celle du corps

de l'émotion

je pleure

devant ce judoka ouzbek

qui pleure

il a perdu en quart

ou en huitième

contre un Macédonien

sur décision de l'arbitre

son rêve s'effondre

la tête plongée

dans ses mains fatiguées

ses doigts abîmés

ses larmes de miel

implorent le ciel

mais elle pèsent au moins

un arc-en-sel

Il est incapable de marcher

sous le poids

de la tristesse

*


30 juillet, Ruines


Par Paul Fournel


Le judo, voie de la souplesse,

A perdu sa voie et sa souplesse.

Plus de voie, rien de souple,

Judo non-judo.

Agrippe et tire vers le bas

Le bas du judo

Bataille de kimonos

Sans judokas dedans.

Juste la force pour tuer le judo

Juste la vidéo pour tuer le judo.

Je sais tout de ton judo

Et je tue ton judo

Agrippe et tire vers le bas

Pour qu’il n’y ait plus de judo

Plus de voie plus de souplesse

Agrippe

Juste de la force

Pour tirer vers le bas

Et tuer le judo

Vieille voie

Vieille souplesse

Mort le judo.


*


Natation, 30 juillet 2024, loin du bord du bassin


Par Sébastien Bailly


Des bonnets


Ils ont des bonnets de bain

Elles ont des bonnets pareils

Le port du bonnet obligatoire ?

Mais peut-on parler de bain ?

Tous et toutes dans le même

Qui nagent leur tête hors de l’eau

Puis sous l’eau puis hors

Puis sous plus vite

On va plus vite sous l’eau

La tête dans le bonnet

Qui fend le flot

Une tête de torpille

Sous l’eau

Une tête de missile

Hors de l’eau

Mais rose ou jaune ou blanc ou vert ou bleu ou…

Les têtes sont de toutes les couleurs vives

Qui remplacent les cheveux

Ce n’est qu’après la course qu’on découvre

Les nattes ou la raie au milieu

Le blond le brun le chauve

Ils ont des bonnets de bain

Et c’est ainsi qu’on distingue le nageur

De la gymnaste ou du cavalier

Du kayakiste ou de l’escrimeuse


Jamais l’haltérophile

Ne portera de bonnet fuchsia

Quel que soit son poids


Mardi 30 juillet 2024

7h45 am, sur un banc de Pointe Croisette après le km nage matinal.


Par Patrick Joquel


Sous les yeux la mer et le journal l’Équipe.

37 participants aux jeux

sans pays

sans drapeau

seul ou seule avec son nom

son prénom

et son sport

avec ce désir de vivre et de jouer

plus haut que possible

plus loin

plus vite

plus libre que son pays d’origine

ce désir sans frontières

désir d’une Terre sans limite aucune

désir d’une vie simplement humaine

simplement


*

THE HOCKEY HORROR PICTURE SHOW

India – New Zealand

Stade Yves-du-Manoir, Colombes, 27 juillet 2024.


Par Nicolas Grenier


/// safran – blanc-vert – Akosha : gazon bleu synthétique

: autour de la Terre s’agitent des silhouettes ;

les jambes décampent de façon syntaxique,

dans la mousson d’été ; des casquettes girouettent.


balle-projectile sous la crosse extatique

: la tribune siffle, les lignes se pointillent ;

les tibias s’accrochent dans le champ erratique ;

entre les bâtiments, les drapeaux s’entortillent.


dans les bronches montent un filet de carbone ;

ciel graphite : flottent des nuages-trombones ;

lors d’un match de hockey, tout est scénographique.


au-dessus du clavier, le soleil de Colombes

plane… La surface s’apparente à un rhombe ;

fréquemment, on entend l’océan Pacifique///


*


Mardi 30 juillet 2024 – Dans mon canapé bleu

A propos du BEACH-VOLLEY féminin


Par Frédérique Leymonie


Comme à la plage


Corps magnifiés

bronzés

sculptés


Corps dénudés

galbés

dorés


Tenue homologuée

osée

controversée


Bikini assumé


L’intimité

non pervertie

pas d’effet


Le corps machine

force

de rappel


La mère

doit accepter

l’idée


Sport encadré


Le temps

pour s’habituer

bienvenu


La peau

de son bébé

à nu


Un tatouage

habit détourné

en continu


Femme libérée

*

Lundi 29 juillet 2024 – En voiture avec FranceInfo  

JUDO -73Kg – une histoire de pesée


Par Frédérique Leymonie



Le combat interdit


une sélection à Paris

un honneur un pari

résultat d’un travail

d’un engagement

  d’une vie 

représenter son pays

sa famille et sa loi 

une fierté personnelle

culturelle

à la fois


préparation    répétition

compétition   concentration


un serment des athlètes

une morale du sport

le respect de la règle

des autres 

de soi

les valeurs du judo 

exercées au quotidien

politesse     contrôle 

honneur      respect

courage      sincérité

modestie                     amitié


et puis renier tout ça

refuser le combat

technique du s sacrifice

appliquée sur le poids

la trêve de l’olympisme 

parfois n’existe pas 


que dire    que penser

quand la politique 

de la haine

vous impose vos choix


enquête diligentée

magie disqualifiée

et pour l’adversaire

un affront                 non levé


*

30 juillet, Centre Aquatique Olympique (CAO) Paris


Par Ludivine Joinnot


haut vol plate-forme 10 mètres

plongeon synchronisé homme

paré d’un capital sympathie xxl

Tom est pris sur le vif

finale dame du tremplin à 3 mètres

en fièvre des tribunes

c’est toute la grâce du geste inattendu

et la fibre et le fil

qui se font remarquer

au diagramme des rangs pairs

le Jersey se positionne s'aligne

se situe sur la carte

un carré une maille

torsades et jacquard sans tuto

concentration gestion du stress

pour une médaille d’argent



*

UN CHEVAL SUR L’EAU, 26 juillet 2024, Senlis, devant la cérémonie d’ouverture 

de la 33e édition des Jeux olympiques modernes


Par Matthieu Limosino


C’est un cheval mécanique          un automate, étalon métallique          comme au temps des génies          de l’horlogerie, des montgolfières          quand on savait          tirer des rouages          des boulons et des vis          savait          faire ouvrage et œuvres d’art          montrer          talents et techniques, montrer          les heures à pratiquer          entrainements, matière à vie          ici sur le fleuve          visible          à l’œil de chaque berge          miracle d’Equus


Il est alors          galop blanc          fantôme dans les flots noirs          galop blanc suspendu          fendant          tel un Moïse de lumière          fantôme et héritier          des Jappeloup, des Ourasi          des Pégase et Bucéphale          fendant ici          les flots de Seine, Sequana          assurant spectacle          l’arrivée du drapeau          anneaux des cinq          imaginé          par Coubertin Pierre          1913, entrelacés          et hissé ce soir          à l’envers          hissé, symbole de paix          galop          femme cavalière          et l’esprit olympique          qui se propage d’Est en Ouest          et les colombes          qui ouvrent leurs ailes de mille joies          « invitant le monde          à se réunir dans son sillage ».


Bien sûr          il a plu ce soir-là          mais Sequana est résistance          elle n’est pas de celle          que l’on tient par le mors          tirant           un peu plus la bride          pour aller là          où cavalier l’ordonne           incurvation exercée, avec académisme          entre passage et piaffer           et certains airs           au-dessus du sol.   

       

Ici           tout est au-dessus de l’eau           comme           affranchi du manège           et de l’acheminement           en toute liberté           comme on monte à cru           sur la croupe d’une jument zain           comme on saute à pieds joints dans les flaques encore fraiches          sans bottes           et sans cravache           comme le font les enfants qui ont           oublié bien vite           le « non » de leurs parents, pour préférer le son           de l’eau qui s’écrase avec les pieds           et gicle tout autour, de celui ou celle           qui a sauté tel champion           dans les rires et les cris           premiers supporters           entre envie           et admiration.


Cette liberté           qui, ici encore           dans le galop d’un cheval de nuit          nous saisit.


*


LOS ANGELES 1984


26 juillet 2024, en écho à la présence de Carl Lewis comme porteur de la flamme olympique lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024


Par Matthieu Limosino


Je pense

Que mes premiers souvenirs olympiques

Remontent à 84


1984

Los Angeles

Comme dans un film de Carpenter


Le héros d'alors

Ne s'appelait pas Kurt Russell

Mais Carl Lewis


Qui courait vite

Très vite

Et sautait en longueur

Des médailles plein le cou


J'étais trop jeune pour Moscou 

Et là encore

pour savoir la guerre froide, pour comprendre

La guerre froide

Pourquoi les Russes n'y étaient pas

Alors

que tous y étaient 


Je ne me souviens pas non plus

De babouchka

De ce qu'elle

pensait, compatriotes rouges

Elle

Fille de cet Empire

blanc disparu


Je pense qu'elle avait applaudi

Devant

Son téléviseur Sony

Posé

dans la salle à manger


Peut-être même 

Ai-je vu des épreuves à ses côtés 

Du haut de mes huit ans


Était-il déjà couleur

Ce téléviseur

Lors des médailles de Carl Lewis


Los Angeles 

84 ?


*


OÙ DONNER DE LA TÊTE ?

27 juillet 2024, première journée officielle des épreuves olympiques


Par Matthieu Limosino


Nous ne savons plus          où donner de la tête          nos écrans allumés          de chaque côté          du canapé pourpre          tant les épreuves          sont nombreuses          et nous          en vacances à Senlis          nous ne voulons          rien manquer :           la déception de Shirine Boukli          face à Tsunoda          la japonaise bientôt parée d’or          puis ce sourire          un bronze de délivrance ;           les deux morts subites          d’Auriane Mallo-Breton          la première          la sauvant de l’ombre          l’autre          au métal d’argent ;           le cliquetis          des épées et des sabres          les pas ordonnés des chevaux au dressage          dans les jardins de Le Nôtre          crinières          tirées à quatre épingles ;          les coups de rames          dans les eaux-vives de Vaires-sur-Marne ;           les larmes          d’un grand gaillard fidjien          pendant l’hymne national          au goût de finale ;          des Français à sept          un brin d’arrogance          mais une victoire en poche          et d’autres poussifs          contre une nation d’Afrique. 


Et puis          celles et ceux que l’on rate parce qu’on oublie          parce qu’on est          happé          par d’autres disciplines, Roland-Garros sous la pluie          les pédales métronomes          d’Evenepoel et Brown          les coups de poings          à moins de 60 kilos, les coups de crosses          les Jeux sur la plage et puis l’attente          l’attente des vagues          Teahupo’o, Tahiti          notre samedi couchant          y est déjà dimanche.


Nous aussi          à la fin de cette journée          épreuves terminées          l’épuisement est là          à son comble          la nuque tortueuse.          On espère que la nuit          sera réparatrice          sans rêve de médaille, ni rêve d’efforts. 


Demain          nous irons en forêt.


*


Lundi 29 juillet, entre deux tâches domestiques, Rouen

Par Olivier Hervé


Les JO

c'est le cardio du regard

un opéra

de plongeons


Il y a trop à voir

trop d'épreuves

trop de médailles

trop d'athlètes

le tir le skate

le break le kayak

des tricks des flips

des clips des leash


comment tout voir ?

tout embrasser ?


Un seul chemin

déjouer

le programme

pour débusquer

le feu

dans un geste

une image

un sourire

l'âme

d'un frémissement

un tremblement


une pluie

de pleurs


un cri

de joie


un battement

de foi


*

©Sébastien Bailly


Finale du sabre dame, 29 juillet 2024, depuis le salon


Par Sébastien Bailly

Deux dames au sabre

Nous touchent au cœur

La main gantée

Feintent parent et ripostent

D’assaut en assaut

Sur la longueur de la piste

Des étincelles dans les yeux

Sur le torse et les bras

C’est à peine effleuré

Mais suffit pour marquer

Fer contre fer

A l’une l’or l’autre d’argent

Se connaissent par cœur

Parade et contre-attaque

Les deux Françaises

Assurées du podium

Tombent le masque

Et s’embrassent

Elles ont gagné



*


29 juillet VTT Cross-country, derrière un écran, replay


Par Virginie Larteau


Dos courbé, de la terre et deux roues

Ascension

Envolée

Racines des arbres

depuis longtemps

installées


Vitesse, allégresse,

supersonique britannique


Et l'un des concurrents

pneu crevé, dépassé, fâché


La météo du jour

à Elancourt ?


Chaleur, torpeur

Soleil et ombre

Espoirs et pleurs


Puissance dans les mollets

Vaillance dans le mental

Racines du corps qui en veut encore


Le résultat du jour

à Elancourt ?


Sentiment mitigé

pour Victor

qui rêvait d'or


A tête reposée

la médaille d'argent

il l'aimera vraiment





©Sébastien Bailly


*


29 juillet 2024, Plongeon haut-vol, Saint-Denis


Par Sylvain Faurax



Tant de plongeons extrêmes depuis tours et falaises.

Tu as même joué les Tarzans dans un parc d’attractions.

Britannique d’origine et maintenant tricolore de cœur,

Assister à ta préparation a été pour moi un honneur.


La légende dit que Gary Hunt serait à moitié Oiseau.

Mais changer de discipline, c’est un peu repartir de zéro.

Alors être de ces jeux est un pari aussi sublime que fou,

La juste bizarrerie faisant l’étoffe des héros.


On est loin des 27 mètres de rigueur sur le circuit.

Rien de comparable avec le bassin en modèle réduit.

Cela impose d’autres contraintes, de tout réinventer.

Faut-il toujours se mettre en danger pour exister ?


Toi qui as perdu un ami trop tôt,

Tu as choisi pour l’occasion de concourir en duo.

On a beau dans les airs mettre le passé de côté,

On n’arrive pas avec rien au moment de vérité.


Sur la plateforme de Saint-Denis à 10 mètres,

Peu de temps pour se soumettre à la verticalité.

Fini les facéties faisant ta marque de fabrique.

L’instant est grave, tout bonnement olympique.


Rentrer dans sa bulle avec son partenaire.


Souffler encore une fois avant d’aller de concert.

C’est à l’unisson que doit être livré le récital,

Du piédestal, investir la maigre immensité.


Éviter maintenant les éclaboussures pour chercher l’or,

Quand la perfection te sert habituellement à éviter la mort.

Quelles que soient les conditions, l’interface est sans appel,

Elle rappelle nos imperfections, les embrasse tout entières.


Retour au sec. Six essais sont suffisants pour dire,

Que du ciel à l’eau, personne n’est invincible !

Nombreux sont les Olympiens là-haut admissibles,

Mais tous reviennent aux hommes en marchant.


En réalité, peu importe que tu n’aies pas gagné.

À n’en pas douter, de la demeure des Dieux,

Toi seul serais revenu autrement que par le sentier.

Je le sais, Gary, toi seul aurais eu le cran de plonger !


*


29 juillet – Tour Eiffel terrain central


Par Ludivine Joinnot


Tour Eiffel terrain central

au tour préliminaire

du sable de compet

pour tapisser la place

ça promet de belles joutes

dans les tournois de l’aire de jeux de la modernité

finesse du grain 500 microns

pour gagner en stabilité

blanc cassé confort visuel

le sable chauffe moins au soleil

ne brûle pas les pieds

et sous le cuir du ballon

les mains tendues vers le ciel

comme pour implorer la victoire


*


29 juillet – quelque part dans le regard


Par Ludivine Joinnot


ainsi surgiront les femmes

à l’ouverture des jeux

corps livrés aux luttes aux batailles

du stade à l’arène, le terrain de la vie

inventeront l’espace

où écrire leur nom

dans l’Histoire

en simple en double

un point un filet un rebond

hors de portée, les jeux d’avance

traverseront les siècles


*


29 juillet 2024, sur les plages de Cannes.

Sous le coude les journaux l’Équipe et le Monde.

 

Par Patrick Joquel

 

Luka Mkheidze

Je découvre ton itinéraire et ta fierté à l’occasion de ta médaille

ton émotion vibre en moi et je résonne à ta joie

tellement facile d’imaginer

journal en main

les heures d’entraînement

les préparations mentales

et l’hygiène de vie quotidienne

facile oui

tout en y comprenant si peu

 

l’article du journal l’Équipe  permet de t’apercevoir

toi

être humain unique

homme avec en bandoulière un pays

la Géorgie quitté enfant sous la guerre

à treize ans on suit ses parents

on part

futur vertige

puis la Biélorussie

puis la Pologne

et toujours le judo avec un horizon champion

quel enfant n’a pas imaginé un podium ?

puis encore un autre la France

et la vie ado

et la précarité des réfugiés

mais avec toujours en filigrane le judo

judo un synonyme d’horizon

 

maintenant sous dossard et passeport France

après le bronze

une seconde olympique médaille

argent

 

je m’incline devant ton parcours

je m’incline devant toi

ton aventure m’élargit

et je respire à pleins poumons

un peu mieux et un peu plus la joie de notre planète

cette boule capable de créer la vie

et de nous mettre des larmes aux yeux

 

 Luka Mkheidze je m’incline devant toi

 

*

 

Tous les invisibles

tous les artisans de l’ombre

tous les anonymes

vous les joueurs hors podium

je m’incline devant vous

 

*

À Léon Marchand

 

d’abord l’impulsion

l’envol

l’instant aérien

puis l’immersion

la coulée

l’accélération

qui de l’eau ou de ta peau accueille l’autre ?

caresse et combat

impossibles à partager

 

 

l’eau et ton corps

sous l’effort

unis

unisson

 

joie immense à glisser l’un contre l’autre

à se fondre

à s’unifier

 

être jusqu’au bout du geste

jusqu’au bout du souffle

au bout de l’effort

jusqu’à toucher le mur

et sourire en accord avec toute la Terre

 

*

 

tenir jusqu’au bout

esprit muscles et poumons

face au chronomaître

record olympique en vue

le mondial tu l’as déjà

 


*


Lundi 29 juillet 2024 - Souvenir d’un canapé vert en Auvergne-

Nostalgie des premiers Jeux



Par Frédérique Leymonie

1976

Chaleurs caniculaires

point de travail au champ

ni de jardin en journée

mon oncle

de sept ans mon aîné

avait obtenu d’allumer la télé


Je me souviens de la moiteur

de ma peau sur le velours

vert sapin du canapé

de ma grand-mère qui tricotait

depuis la laine feutrée

d’un pull devenu trop petit

de ma tante qui soupirait

comme seule une adolescente

en avait la capacité


Sur le bord du salon

tous les patins bien alignés

après la traversée gesticulée

d’un parquet bien trop ciré

de la salle à manger

endormie jusqu’à Noël


Au programme dans la lucarne

de la gymnastique

de quoi faire enrager mon oncle

devant ces minauderies

Il veut la boxe ou

l’haltérophilie

pas les justaucorps

la poutre ou les passages au sol


et c’est alors qu’elle apparaît

Nadia

sur cet agrès de torture

qu’on nomme barres asymétriques

dans une fluidité de mouvements

de jambes tendues et de perfection


Comment ça, la note de 1.0 !

C’est une erreur ! Une honte !

Il faut porter réclamation !

Les experts des jambes en l’air

vocifèrent dans le salon


Moi, c’est décidé,

je veux faire ça à la rentrée

Finie la danse à la barre

plié, tendu, plié, tendu

de toutes façons

je boudine un peu dans le tutu


Nadia

mon héroïne

ma petite fée

grâce à toi j’en ai bavé

pendant 7 ans j’ai essayé

magnésie

ampoules sur les mains

bleus sur les os du bassin

je suis tombée


Nadia

être championne

c’est pas pour moi

j’ai découvert la peur

du vide

monter sur les barres

était mon supplice

je ne regrette pas


le sport et moi, c’était pas ça.


*


28 juillet, épreuve de gymnastique – qualifications (poutre).

Devant la télé, dans un village auvergnat


Par Julie Gaucher

À Simone Biles


Simone tu nous envoles

tu nous vrilles

tu nous chevilles au corps


Simone tu nous culbutes

dans des rêves d’enfant

sur des praticables de gymnase de campagne


Simone tu nous vertiges

peur d’enfant sur la poutre

tu nous flageoles les jambes

tu nous tétanises les muscles


et dans un sourire

Simone

tu catapultes nos culs du canapé

on a encore huit ans

la boule au ventre

on tente

on passe

la roue sur la poutre

fierté


*


UN BÂTON ROUGE

 

24 juillet 2024, lors du premier match des Jeux olympiques

opposant l’Espagne et l’Ouzbékistan au Parc des Princes.


Par Matthieu Limosino


Il a tapé d’un bâton rouge          d’un bâton rouge          Presnel Kimpembe          bâton rouge         

sur          le gazon des Princes, comme d’autres          frappent trois coups au théâtre

appeler au silence          appeler          l’attention          pour que les spectateurs          les

supporters          entrent dans le match          ce premier match des Jeux          Paris          2024.

 

Un bâton rouge          des Ouzbeks et la Roja          alors que la flamme          marche court

 dans les Hauts de la Seine          deux jours encore, Seine Saint-Denis, avant Paris          Paris-

capitale          des semaines de parcours          métropole          et par-delà les voiles         

histoire          et colonies.

 

Un bâton rouge          rien d’officiel et pourtant          un bâton rouge et tout se lance          et

tout          est lancé, les ballons fusent          ronds, ovales          à Saint-Étienne, Nice et à Nantes         

Stade de la Beaujoire, Vélodrome et Stade de France          et déjà le monde          s’affronte         

dans l’arène, Australie-Samoa          Argentine et Kenya, Fidji-Uruguay          le Maroc

et l’Égypte          l’Irak          et l’Ukraine          la tête ailleurs          loin          du fracas des bombes         

des barres qui tremblent          passes, tirs et drops          passement de jambes et placages         

mêlées, têtes et retournés. 

 

Loin du fracas des bombes          un bâton rouge          pour que la trêve          

           commence !

*


Dimanche 28 juillet, VTT cross-country à Elancourt, radio


Par Olivier Hervé


Dame de fer

pour exploit olympique

Armée

de son vélo ailé

elle enfonce la terre

les adversaires

se faufile entre

les pierriers

avale

la pente les creux les bosses

fonce

vers la victoire

qui lui crie

elle est pour toi

ce soir

Avec son Pinarello

sa robe blanche

ses pneus crantés

et ses pleurs Pauline

cavalière d'argent

a décroché

tout l'or du monde

dans la campagne

francilienne

oui

une dame de fer

cross-country baby


*


Dimanche 28 juillet 2024 - Depuis mon canapé bleu en Auvergne-

VTT Cross-country – Colline d’Élancourt

Pauline FERRAND-PREVOT : Or olympique pour la française


Par Frédérique Leymonie


RECETTE D’UNE VICTOIRE


Ingrédients :


des années d’entraînement

des siècles d’abnégation

quelques titres de championne du monde

3 olympiades infructueuses


Pour le glaçage :


une concentration robotique

une détermination hors du commun

un mantra « Pas chuter-Pas crever »


Sur une colline d’Élancourt

tracez un parcours cross-country

avec dénivelé de plus de 100 m


Agrémentez 4,4 km de circuit

de rochers, rondins de bois

et virages serrés


Tamisez 36 concurrentes

en départ groupé

sur une étroite bande de terre


Ajustez le goulot d’étranglement

pour faire émerger la favorite

Pauline Ferrand-Prevot


Renouvelez l’étape 2

par 7 fois en augmentant

la distance entre PFP et ses poursuivantes


Chronométrez les écarts

jusqu’à l’obtention

d’une avance de 3 minutes


Mijotez 1h26 de technique

maitrisée, d’endurance

et de résistance


Bordez les contours

d’un public conquis

et bruyant


Admirez la précision chirurgicale

et la concentration mécanique

de la championne en devenir


Vérifiez au dernier obstacle

qu’il n’y a personne derrière

et soufflez pour écarter le mantra


Attention ! L’émotion vous submerge ;

sensation délicieuse

qui met un terme au glaçage


Avant de vous servir en or,

offrez quelques étreintes

et relâchez la pression


Enfin, une Marseillaise improvisée

vous fera patienter quelques instants.

C’est prêt ! Dégustez !


*

Dimanche 28 juillet, basket, Etats-Unis-Serbie, télé


Par Olivier Hervé


Ils ont tué

le game

Iron Man

Super Man

Aqua Man

A Villeneuve-d'Ascq

les Avengers

ont planté

26 points

à la Serbie

de Djokic

Du Curry épique

Du James romantique

Durant

quatre

quarts-temps

de grand basket

le panier

était plein



*


Remco

Cérémonie officielle du 26

juillet

et course cycliste contre la

montre du 27 juillet

(vainqueur : Remco

Evenepoel, Belgique)


Par Françoise Lison-Leroy


le drapeau se hisse à l’envers

il pleut sur Paris

sur la Seine


les artistes en flambées

rejoignent mille princes

leurs festins

et devoirs


la nuit s’éteint en douce

sur les eaux chamboulées


et demain dans les rues

un petit Belge à vélo

sera cavalier d’or


ses deux roues

flottent déjà

en haut du drapeau blanc





*

©Sébastien Bailly


28 juillet, en voiture, à la radio


Par Sébastien Bailly

À la radio on passe

De VTT  (médaille d’or)

En fleuret en épée 

Du volley au judo

Aller-retour

On revient où ça bouge

Pour ne rien rater

C’est tout presque en

Même temps

Les médailles s’enchaînent

Ou l’on se qualifie

D’un tour à l’autre

Ça parle fort et s’enthousiasme

Parfois se blesse

De carré de service en tatami

Jusqu’au panier de basket

Tous les pays et tous les sports

Espagne Moldavie

Kazakhstan France et Serbie

Du tennis et du kayak

On ne sait plus qui marque

Remonte enchaîne ou nage

De match en match

De combat en combat

De chrono en chrono

De manche en manche

De set en contre

Et l’on file au volley

Vite

Il se passe quelque chose


*


Qualifications de la gymnastique par équipe, dimanche 28 juillet, 10h55, passage aux barres

asymétriques de la jeune Lilia Cosman pour la Roumanie


Par Jean-Baptiste Verrier


Et pourtant tout était prêt

Flamme allumée

Drapeau hissé

Spectateurs concentrés

Parents levés

Équipières sur le côté

Justaucorps ajusté

(Ses étoiles brillaient de mille feux

Les trois liserés aux couleurs de mon pays

Resplendissaient)

Bras pour saluer

Jambes alignées

Orteils étirés

Figures une dernière fois visualisées

Je me suis élevée

J’ai commencé à tourner

Mais avant même

La première difficulté

Il n’y a que ma main

Qui a tremblé

Je suis retombée

Pas même de très haut

Pas même sur les fesses

Tout simplement sur mes pieds

J’ai recommencé :

Tout le monde pensait

Que je tremblerais encore et davantage désormais

Mais tout est passé

J’ai reçu une ovation

Pour oublier ma déception

Et j’ai gagné

Me l’avouerai-je ?

La médaille très spéciale

De leur respect


*

©Virginie Larteau


28 juillet, Marseille, Grâce aquatique, souvenir inoxydable

Par Virginie Larteau


Je ne sais pas de quel bois il est fait

ni le nom des personnes dont il est né


Je ne connais rien à la marine

aux termes techniques

aux interdits, superstitions


Aux milliers de personnes

sur la corniche, le vieux-port,

je ne me suis pas mêlée

à son arrivée

en parade,

en fanfare, feux d’artifices,

bouteilles plastiques abandonnées sur le quai,

cannettes marques sponsor arrimées au sol


Et pourtant je l’ai vu la beauté du Belem

sans la flamme, sans la foule


Juste un matin d’automne

à l'heure des essais,

répétition générale

des gestes, des manoeuvres


Quelques passants

dans leur journée, un bonheur,

fascinés comme moi,

par son extrême splendeur


Et oui, je l’ai vu quitter lentement

le port que la sardine d'autrefois

la maladroite

avait bouché


Avec une élégance de première catégorie,

un style à nul autre pareil,

champion de la grâce sur eau salée

*


27 juillet, séries de natation, Rouen


Par Olivier Hervé


Le crawl

milite pour le rêve

d'une nage libre



*



Samedi 27 juillet 2024 – Depuis mon canapé bleu en Auvergne-

JUDO – Arena Champ de Mars – Bronze Medal Contest -48 Kg


Par Frédérique Leymonie



Shirine BOUKLI

Le visage fermé

impassible

le regard fixé

sur le tatami

elle est campée

sur ses deux appuis

Nul ne peut dire

si tempête il y a

et si son nom

Shirine ! Shirine !

scandé par la foule

rythme son souffle

pour le combat


elle avance

d’abord le kumi kata

porte les attaques

les unes après les autres

ne fléchit pas

se repositionne

après chaque matté

le chronomètre

n’existe pas

Seul l’objectif

de la médaille

commande ses actions

enchaînées

L’adversaire espagnole

recule

refuse le combat

par deux fois


Quatre minutes déjà.

Voici le golden score

Shirine ne lâche rien

Shirine continue de creuser

Shirine s’enfonce dans le sol

pour faire corps avec la terre

son pays sa patrie

et arracher le waza ari

En une seconde

un immense sourire

irradie son visage

C’est fait !


La France a sa première médaille

Pour la team Boukli


en t-shirt blanc

trois rayures noires

elle a une autre saveur

elle est d’un métal plus précieux

un bonheur touché des doigts

celui qui rend fier et fort

celui qui fait dire : J’étais là !

Et pour Shirine : enfin ! Elle est pour moi



*


27 juillet, séries de natation, Rouen


Par Olivier Hervé


Suspendues entre ciel et mer

des femmes avions

embrassent le papillon

tendues vers la clameur

de la Défense Arena


Des oiseaux de feu

caressent l'eau

volent en surface

pour enflammer les joies


une nage calme et posée

entre les bouées rouges et blanches


bats des bras

jambes collées

Ô Marie W.

prends la vague

accélère

trouve la tienne

ne la lâche pas

cours vers ton rêve

en bleu blanc rouge




*



27 juillet 2024, qualifications au cheval d’arçons, Bercy


Par Sylvain Faurax


Sur l’agrès le centre de gravité

Où la volonté va jeter son ancre,

Et la chaire s’accrocher aux arçons,

Ces tronçons de bois zébrant le cuir,

Maigres jalons aux allures de bouée.


Les juges donnent enfin le départ.

Que tourne la toupie et cesse de souffler !

Vite, devenir de fer et de courage.

Et peu importe désormais les périostes décollés,

Les poignets en verre, les articulations démolies.


L’exercice débute, prompt à faire vivre,

Toute la passion requise pour cercler rond,

En cernant le périmètre de mille passages,

Folle balade sur le dos, tout le long de l’animal.

D’une croupe à l’autre, qu’il est beau ce cheval !


S’agripper aux dénivelés, ces sublimes hauteurs,

Mettant en valeur l’expertise du gymnaste.

Boucles infinies, Magyar et autres Stöckli,

Dansent sous la menace du moindre impact,

Ces tristes caresses privant des meilleures places.


Dans ce travail d’équilibre et d’artiste,

Agrégation de mille forces invisibles,


L’exécution est maîtrisée à ce point,

Que concernant la difficulté de l’ouvrage,

Nul ou presque ne se rend compte de rien.


Pourtant les lignes de ces jambes de titane,

Balancent des ciseaux comme si c’était des armes.

Et les contorsions malignes, calice des émotions,

Invoquent la faveur de forces partisanes,

Les douces magies de la proprioception.


Plus que quelques tours à ajouter au compteur,

Numéro de derviche ou rodéo amateur.

Empiler les cotations comme on bégaye les mots,

Et faire du support un sentier de guerre,

Un allié contre la pesanteur et ses cruels travers.


Tant de sacrifices pour moins d’une minute de tableau,

À faire du corps une aiguille sur un cadran si haut.

Tant d’efforts déployés pour quelques secondes à peine,

À donner à voir les tréfonds de soi-même,

À semer de son histoire sur le plateau de compétition.


Déjà faut-il conclure ce qu’il y avait à dire,

Enchaîner les Thomas et passer par l’envers,

Valser une dernière fois avant de revenir sur terre.

La promenade d’une vie n’ira pas plus loin,

Les bras au ciel même si l’aventure s’arrête là.


*


Samedi 27 juillet à 11h53, judo, Yildiz Salih/McKenzie Ashley, Rouen


Par Olivier Hervé


Le judo

aux J.O.

l'art

d'être à l'aise

à l'envers

une école

du déséquilibre


*

26 juillet, devant un poste de télévision, Courbevoie


Par Valentin Deudon


Stars argentées sur les plateaux télés

Mendiant sans gêne des invitations

On peut en rire ou en pleurer, ou y penser

Aux non-privilégiés, tous les sans-compétition



*


26 juillet, cérémonie d’ouverture, quelque part en France


Par Julie Gaucher


il a éteint la télé

sans préavis

d’un geste rageur

le regard noir


on lui ressasse depuis trop longtemps

que le woke c’est la fin du monde

la ruine de la civilisation

on lui répète

la théoridugenre danger


il a retenu la leçon

élève consciencieux

abreuvé de discours

d’éditorialistes réac

cnews c8 peuvent être fières de lui


il a éteint la télé

trop de woke

trop de barrières bousculées

trop d’inclusion

pour sa petite tête façonnée

à discriminer

il a éteint la télé


et chez moi l’écran bleu est resté allumé toute la nuit

les enfants ont dansé sur le catwalk

ils ont vu ils ont aimé

les corps tous les corps

et la fête de ces corps jaillie

et la fête que leur promettait

cette France dont on rêve


cette France dont on rêve

que l’on nous refuse depuis trop longtemps

Il serait temps pourtant

que le rêve de l’écran bleu

ce beau rêve olympique

devienne notre quotidien


notre France




*


26 juillet, Cérémonie d’ouverture, assis sur un pouf de paille tressée


Par Sébastien Bailly



On s’aime comme on est

Que veux-tu


On s’aime et c’est déjà pas mal

En bateau à cheval


On déclare sa flamme

D’eau et de lumière


On s’aime à s’envoler

On s’aime à galoper


On s’aime autant qu’on est

Que veux-tu


On s’aime bête et méchant

On s’aime en plume


On s’aime à barbe

On s’aime bleu

On s’aime nu


On s’aime sous des drapeaux

On s’aime main dans la main


On s’acrobate sous les ponts

On se lumière sous la pluie


On se fanfare et se danse


On se piano et s’imagine


On s’aime dans la nuit

Derrière les portes

Dans les galeries


On s’aime en secret


Et devant les tribunes


On se retrouve unis


On s’en moque un peu

On aimerait que ce soit toute la vie


C’est pour un soir

Une semaine

A peine plus d’un mois


On s’aime et c’est toujours ça de gagné




©Sébastien Bailly


*


26 juillet 2024 - 7h00 am. En voiture, entre Isola 2000 et Mouans-Sartoux ; écoute des infos France Inter

Quart de finale, rugby à 7. Un extrait du commentaire en direct, le dernier essai de Dupont


Par Patrick Joquel


Gratuité du geste

et la beauté des vainqueurs

palpable émotion


*


Mercredi 24 juillet 2024 – 16h30 – Depuis mon canapé bleu en Auvergne

RUGBY à 7 – Stade de France – France-USA



Par Frédérique Leymonie


Yeux rivés sur la pelouse

Les attentes sont fortes

Soixante-dix mille coeurs

S’emballent de joie

Muscles jambiers tétanisés

L’enjeu est tellement beau

Sept maillots bleus

Doivent s’affranchir de l’histoire

Qu’il est dur d’être libre

Dans ce Stade de France

De porter les couleurs

pendant sept longues minutes

Tous les regards sur toi

Antoine, sont un fardeau.

Ferme les yeux, respire.

Ce n’est que le commencement



*


26 juillet, cérémonie d'ouverture (à la télé), Mandelieu-la-Napoule.

 

 Par Sébastien Thibault

 

 

Paris danse

sous une pluie de paillettes

et sur l'écran en rose et or

une Seine immense

 

ma fille me dit

papa que c'est beau 

mais se trompe de pays

quand défilent les drapeaux 

 

pendant ce temps

tu m'as écrit envoyé une photo

et ça me rend heureux c'est idiot

comme une cérémonie des JO


*


24 juillet, Quand Sasha Zhoya renonce à la jupe

 

Par Julie Gaucher

 

j’aurais aimé voir

la jupe de sasha zhoya

et leurs airs ébahis

et leurs sourires narquois

 

j’aurais aimé voir

un pied de nez en cotonnade

d’un coup de vent

si facilement

mettre un peu de poésie

un éclat de rire

comme une tulipe bleue

dans un parterre

de costumes guindés

et de protocoles réglés

 

*


24 juillet, 16h30, Depuis mon canapé bleu en Auvergne-

RUGBY à 7 – Stade de France – France-USA

 

Par Frédérique Leymonie

Yeux rivés sur la pelouse

Les attentes sont fortes

Soixante-dix mille coeurs

S’emballent de joie

 

Muscles jambiers tétanisés

L’enjeu est tellement beau

Sept maillots bleus

Doivent s’affranchir de l’histoire

 

Qu’il est dur d’être libre

Dans ce Stade de France

De porter les couleurs

pendant sept longues minutes

 

Tous les regards sur toi

Antoine, sont un fardeau.

Ferme les yeux, respire.

Ce n’est que le commencement


*


25 juillet, Côte normande, Rugby à 7, Fidji-France, 2e mi-temps


par Sébastien Bailly

 

Moins de 17

 

Égalité parfaite, changement de côté :

Les équipes de sept vont devoir s’accrocher

Les Français visent haut pour sortir de la poule

Au meilleur classement pour les quarts de finale.

Ils doivent ne pas perdre de plus de dix-sept points.

Ensuite, selon qu’ils gagnent, s’en sortent plus ou moins

Bien, alors ils courent sans fin après la balle.

 

C’est de l’arithmétique, cette sortie de poule

Les Fidjiens sont très forts (marquent contre la foule).

Voilà dix-neuf à cinq : il ne faut pas trembler

A l’ultime seconde, tout pourrait arriver.

Mais l’essai transformé, c’est Français cette fois.

Plus que dix-neuf à douze, le sifflet fait la loi.

Les Français sont deuxièmes. Ils la joueront plus cool.


*


21 juillet, bords de Seine

par Ludivine Joinnot

 

vers le pont, on récolte les images

on parcourt de faux bras

météo ensoleillée, flotte à vingt degrés

on s’immerge dans la Seine

 

bactéries et débit en baisse

on décrit les boucles de la rive

on se jette à l’eau

pour une centaine de mètres en crawl

 

c’est jour de rêve promesse à tenir

on est prêts on le fait !

on a modernisé les stations d’épuration

on a ramassé les plastiques

 

on court au plongeon on saute

on se mouille le maillot

on rassure on file à l’épreuve

on pénètre le fleuve


 

*


17 juillet, dans les ateliers d’ArcelorMittal

par Ludivine Joinnot

 

en trame de vie, l’acier

la torche, le chaudron et le Cœur

100 % made in France

100 % recyclé

empreinte carbone réduite

 

dans les usines, on sait y faire

on récupère, on fond, on coule au design

les lames sur les lignes, le trait fin

de la découpe au flanc

on achève la mise en forme

 

c’est l’anneau, tu dis, le plus important

les reflets sur le socle, le poids léger - alliage inox-alu

onze milles porteurs de flammes pour cinq continents

à chaud décapés-galvanisés, les métaux et les hommes

jusqu’à la course des flambeaux

 

le feu ne renvoie pas aux mythes

le feu est dans le corps

torche vive qui nous brûle

jusqu’à nous raviver

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