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Les Jeux en poésie (partie 2)

En 1924, Paris accueille les Jeux olympiques d’été. Quelques mois plus tôt avait eu lieu à Chamonix, une « semaine internationale des sports d’hiver », rebaptisée après-coup, « Premiers Jeux olympiques d’hiver ». Un poète, ami de Cendrars et qui fit l’enthousiasme de Cocteau, Géo-Charles assiste en fervent spectateur à la manifestation parisienne. Quelques mois avant, il a suivi, de la capitale et par le biais de la presse, les prouesses qui se jouaient dans la neige de Chamonix… Et de ces Jeux de 1924, Géo-Charles livre un recueil d’une incroyable modernité :

La VIIIe Olympiade. Le parti pris est simple : une épreuve olympique = un poème.

Cent ans plus tard, Paris accueille les Jeux et un collectif de poètes se rassemblent pour marcher dans les pas de Géo-Charles sur l’invitation de l’association Ecrire le sport : faire des Jeux, des poèmes ! Ils et elles « couvriront » les Jeux autrement en proposant un « compte-rendu » poétique, sensible et subjectif écrit à plusieurs mains. Pour faire vivre les Jeux autrement. Pour garder trace, réécrire, retraduire, trans-scrire. Ces textes seront publiés au fil des épreuves sur cette page.


la médaille d'or de littérature de Géo-Charles



*


4 août, devant un match de tennis de table

Jean-Baptiste Verrier


Quand la pongiste lance la petite balle blanche dans le ciel pour servir, elle la lance si haut que moi je pense à l’hostie présentée aux fidèles le dimanche, à la craie qu’un élève levant la main fait crisser au plafond de sa classe, à la pièce pâle argent qu’un archéologue impatient parvient à extraire après seulement vingt-cinq années de fouilles plein soleil. Chaque nouveau lancer de la petite balle blanche fait s’élever plus haut le ballon-montgolfière des espoirs de la pongiste. Il y a beaucoup d’ambitions et d’illusions dans des lancers si hauts. Une Tour Eiffel à chaque lancer. Une Notre-Dame. Pourtant, la petite balle blanche retombe avec légèreté. Les espoirs, c’est très léger.


*


4 août 2024, sabre féminin par équipe, en lisant le portrait d’Olga Kharlan dans Le Monde

Par Sébastien Bailly 


Pour Olga Kharlan

Pour l’Ukraine

 

Sérieuse à dix-sept ans

Olga avait gagné

Quatre points de retard

C’était en deux mille huit

 

Et puis, voilà un an,

En pleine guerre chez elle

Elle refuse la main

De son adversaire russe

 

Nous voilà en vingt-quatre

 

A Paris sur la piste

Dedans le Grand Palais

La dernière à se battre

Des points à rattraper

 

Son pays sous les bombes

Son pays envahi

Son pays courageux

Les Ukrainiens au front

 

Olga a trente-trois ans

Trois touches de retard

N’abandonne jamais

Comme sa mère l’Ukraine

 

Elle pointe elle touche

Réédite l’exploit

L’Ukraine est victorieuse

Et c’est tout un symbole

 

Aux JO de Tokyo

La médaille était russe

Elle rentre en Ukraine

Bravo Olga Kharlan


*

4 août 15 h 20: Samir Aït Saïd - Finale par agrès aux anneaux (Arena de Bercy)


Par Sylvain Faurax

 

Les mains dans le bac à magnésie,

Attendre le feu vert des juges.

La trouille, cette sombre hérésie,

Parfume le chemin de doutes.

La gorge est sèche au bain de magnésie.

 

Les mains dans le bac à magnésie,

Les jambes en coton, le cœur bat la chamade,

Et la peur se répand, anéantit, rend malade.

L’impression de mourir avant même la potence.

Le temps est violence en mer de magnésie.

 

Les mains dans le bac à magnésie,

Peinture de guerre en rêvant de disparaître,

Resserrer ses maniques pour se rassurer.

Raté, le trac infect est intact et le malaise reste.

La sueur durcit la magnésie que le sang a colorée.

 

Au clap de départ, la peur d’un coup s’envole,

La machine sous l’agrès s’apprête à s’exécuter,

Sa détermination s’applique alors méthodique,

Tout autour des deux fiers anneaux olympiques.

Croix de fer au bout des longes, angles respectés.

 

Et les postures de contrition s’enchaînent.

Bras de levier et corps soumis à la gravité.

Viennent ensuite les formes passagères,

Jonasson et grands tours tout y passe,

Pour s’affranchir des lois de l’inertie.

 

Et deux rotations et une vrille en guise de fin.

L’automate d’os et de verrouillages articulaires,

Statue de magnésie et de fibres musculaires,

Se relâche désormais, soulagement qui enivre,

Malgré la troisième place se refusant d’un rien.


*

3 août, finale du judo mixte par équipe, France-Japon, à la télé

 

Par Olivier Hervé

Digne dans la défaite

 

 

On ne montre pas assez

les pleurs, les drames

la fin des épreuves

quand tout l’investissement

est réduit à néant

je pense à Uta Abe

la favorite en -52 kgs

à sa détresse, à ses cris

effondrée, incapable de se lever

blottie dans les bras

            de son entraîneur

on peut toucher sa souffrance

du bout de nos larmes

je pense au malheureux poids-lourd

Tatsura Saito

qui

en fin de combat

cligne des yeux

essuie sa sueur

mêlée de pleurs

avec sa manche de judogi

qui

en finale

porte tout le poids de son pays

et doit affronter deux fois

une légende des tatamis

le sport est cruel

certaines médailles

valent autant

qu’une émotion sincère

de défaite amère


*

Dimanche 3 août, demi-finale de boxe, télé

 

Par Olivier Hervé

 

Je n’aime pas

les démonstrations de force

vues en boxe

la provocation

les chambrages, les tirages de langue

les poings levés, rageurs,

vers la foule

pendant le combat

 

Je préfère

la modestie

les saluts de tête

de Tatsuro Saito

applaudi par le public

sur son podium d’argent

les larmes du Dominicain

Yunior Alcantara Reyes

éliminé pour un cheveu

de la finale

de -51 kgs

 

À l’hubris d’une illusion

de victoire

je préfère

la tempérance

les accolades, les poignées de main

humbles    sincères   chaleureuses

je préfère

les dignes dans la défaite


*

Samedi 3 août 2024 - Paris. Judo : finale hommes plus de 90 kg


Par Jacky Essirard

 

Il entre dans l'arène

géant bleu sur fond tricolore

la foule scande son nom de légende

héros porté par des milliers de cœurs

 

saluts polis de circonstances

déjà le combat

deux forces en présence

jouent des mains

cherchent la manche du kimono

le col

arc-boutés, les corps à angle droit

se reconnaissent

sont de la même trempe

se sont affrontés plusieurs fois

 

l'énergie descend des gradins

sur un seul homme

il se remplit des cris et des encouragements

faire chuter l'autre

ne pas se laisser surprendre

concentré

visages collés

épaule contre épaule

ils soufflent

 

et les voilà au sol

blanc sur bleu

un instant on craint de voir tomber

le géant de son piédestal

et ça repart pour d'autres minutes

longues

sous les hurlements

le cœur d'un peuple battant

pour une fois la même mesure

 

les lutteurs pensent médaille 

la preuve de leur super puissance

ils tournent

valse de deux ours

chacun tirant poussant

et soudain la jambe lancée

qui fauche un danseur

qui décolle emporté par un mouvement de hanche

pieds en suspension avant de monter haut

et basculer le corps

sur le dos choir

aplati sur le tatami

 

ça crie ça exulte

la foule reprend à son compte la victoire

elle hurle son nom

applaudissements

photos

les micros se précipitent

évènement planétaire

 

Teddy Riner salue

bras levés poings serrés

savoure la gloire au goût de cristal

ça fait du bien


*

Samedi 3 août 2024 – Paris. Trampoline : Finale femmes

Par Jacky Essirard

 

Le corps serré

flèche verticale

elle enchaîne montées descentes

longue mise en condition

 

elle bondit et rebondit

tourne pivote

bras en croix

les premières figures

plonge en exécutant

saltos et pirouettes

se relance

oiseau sans aile

dans son vêtement pailleté

 

tenir le programme

elle rebondit une fois, deux, trois

pas assez haut

la trajectoire n’est plus tenue

quelque chose se détraque

le corps déraille

retombe hors la cible

 

elle avait travaillé dur

pour ce moment

 

elle descend du trampoline

désemparée

aujourd’hui le ciel était trop haut


*

31 juillet et 1er août 2024, suite aux éliminatoires, demi-finales et finales de BMX Racing

et aux quart et demi-finale de Félix Lebrun en tennis de table


Méribel 1986


Par Matthieu Limosino

 

Nous étions allés          deux semaines en vacances à Méribel-Mottaret          époque où mes parents          avaient          des envies          de montagne l’été, marcher à flanc          domaine des Trois Vallées.

 

Ma sœur et moi          n’aimions pas les grands espaces, parcourir des heures          monter descendre, monter         descendre          marcher          pour finalement se dire :           « que c’est beau ! ».

 

Non          nous n’aimions pas la montagne.

 

Mes parents          nous laissaient alors au club des pingouins          genre de centre aéré          dont je ne me rappelle pas grand-chose, si ce n’est          des heures passées sur les tables de ping-pong           dignes héritiers de Jacques Secrétin          orthodoxes et porte-plumes          prêts à partir          avec Gatien pour Barcelone          sans imaginer une seconde du haut de nos dix ans          que nous puissions avoir          un jour des enfants          qui en feraient autant          génération Lebrun          Paris 2024.

 

Moi          ce que j’aimais surtout          c’était          les séances que nous faisions          dans quelques hauteurs          sur          ce que nous appelions alors          vélocross ou bicross          pourtant déjà BMX.          Nous nous éloignions          pour une piste en terre          deux trois bosses          et un virage en épingle          entrainements          et une Grand course          le vendredi après-midi          pour célébrer          les départs          du prochain chassé-croisé.

 

La première semaine          je n’avais fait guère mieux que troisième          bon dernier          mais l’expérience m’avait appris          à anticiper davantage          quitte          à prendre pénalité          trois courses et la victoire.          On nous remettait pour médaille          des badges          avec dessus          un pingouin sur un vélo          et un numéro          indiquant          notre classement final.         

 

Je ne me souviens plus          qui était avec moi sur ces podiums          Méribel 86          mais me rappelle ces courses          des sensations sur les pédales          une tête qui se retourne          contrôler la concurrence           en évitant la chute          du haut de nos dix ans.         

 

J’ai réclamé          dans la foulée à mes parents un vélocross.          Je n’en ai jamais eu          n’ayant seulement droit         qu’à des vélos de ville          ou ces vélos, un peu rouillés          que l’on ressort chaque année          dans les maisons de famille          au bord de la mer          et qui sont          de toutes les aventures : des courses en ligne droite          des espoirs de Tour de France, des descentes à fond la caisse          et des tremplins          pour des sauts de la mort          un parpaing et trois planches.

 

Régulièrement          j’ai regardé          le prix des BMX sur des sites          de ventes d’occasion, j’ai pris de l’âge          et me suis dit qu’à 30, 40          et bientôt quinqua          j’aurais l’air ridicule          sur mon petit vélo          dans un skate-park de banlieue.

 

Pourtant          ce soir encore, j’ai vibré comme un gosse          quand je les ai vus dévaler          l’aire de départ, amortir les bosses          tenter          l’intérieur dans les virages, à fond sur les pédales          certains          n’évitant pas la chute.

 

Je ne me souviens plus          qui était avec moi sur ces podiums, Méribel 86         mais j’ai besoin          d’écrire poème, cette course          la moustache de l’un, le mulet de l’autre          pour garder trace          d’une course et trois sourires          pour un triplé, trois médailles          trois visages          dont j’espère          me souvenir davantage :           Joris Daudet          Sylvain André          Romain Mahieu.

 

***

 

J’irai          trainer encore, regarder le prix          des BMX d’occasion          mais n’irai          sans doute pas plus loin qu’une descente en forêt          sur un vélo tout-chemin          une descente          un peu plus rapide que d’habitude          sentir le vent plus frais sur son visage          espérant          ne pas chuter          comme Loana Leconte          commotion et points de suture          et remonter quoi qu’il advienne          « le premier au virage          sera champion olympique ! ».

 

         

2-4 août 2024


*

L’invention du saut en longueur et du saut en hauteur

Par Rémi Checchetto


L’être humain, ce cerveau sur deux pattes, est-il capable d’inventer des choses inutiles, des gestes inutiles ? Le saut en longueur et le saut en hauteur sont-ils de cette catégorie ? Comment ? Hein, comment ?

Il y a l’obstacle.

Au nombre des obstacles, il y a l’obstacle horizontal, le ruisseau, le cadavre au milieu du chemin, la plate-bande de jonquilles, la douve…  Au nombre des obstacles, il y a l’obstacle vertical, le mur, la clôture, le tas de fumier, la haie d’aubépine.

Il y a l’obstacle et le fait qu’on hausse les épaules et le néglige en passant à sa droite ou à sa gauche ou en faisant demi-tour.

Il y a l’obstacle et la nécessité de passer l’obstacle, c’est qu’on ne peut faire autrement, il n’y a rien à droite ni à gauche où passer, il est impossible qu’on fasse demi-tour. Il y a qu’on doit absolument, nécessairement, fondamentalement le passer, aller de l’autre côté, c’est parfois une question de vie ou de mort, c’est même souvent une question de vie ou de mort.

Alors quoi ?

Alors

  on est là

on recule

on court

on saute en l     o     n     g     u     e     u     r

 

                                                                                              r

ou                                                                                         u

                                                                                              e

on est là                               t

on recule                                                                             u

on court                                                       a

on saute en h

 

Et ensuite ?

Et ensuite il n’y a plus qu’à transformer ce geste utile en un geste inutile, il n’y a plus qu’à transcender, sublimer en sautant pour le plaisir dans un bac à sable ou par-dessus un élastique.


 *

©Virginie Larteau


*

3 août, Marina Marseillaise, club 2024

Par Virginie Larteau

 

Un incident de parcours,

ça s'est joué à 130 mètres de la ligne

…...........

Les équipent se saluent

…...........

Dans une chaise longue

je me pose

…...........

Il grignote des points,

ll est clairement libéré

…...........

A l'espace hospitalité, des jumelles vous sont prêtées

Suivez en direct le départ de la course

…...........

Ma voisine dévore un fish and chips,

trop de gras, disqualifiée !

…..........

Il pèse 63 kilos mais avant 62

…...........

Pénalité pour manque d'attaques

Vrille du genou, vite debout

…...........

 

L'un croque dans une médaille

pour vendre quelque attirail

L'autre troque la marche à pied

contre une voiture en acier

Entre les compét'

les pubs qui s'la pétent !

 

Vaillant athlétisme

VS

Triste consumérisme

 

Allez tous à l'eau !

Mettez-vous au water-polo !

 

Corps presque nus

Fendre l'air

Fendre l'eau

 

Penser

à renouveler

nos abonnements piscine

Plonger les yeux fermés

Eteindre les écrans télé

A soi, se confronter


©Virginie Larteau


2e  médaille d’or du cycliste belge - Remco Evenepoel - course en ligne

3 août 2024 à Paris

 Par Françoise Lison-Leroy

 

REMCO

 

Pneu crevé sur zéro

mon vélo

va piano

fiasco

 

 

help  rapido

merci le meccano

je veux rester primo

 

 

je repars illico

credo

un coup de brasero

concerto pédalo

 

 

solo

sous les bravos

photo



*

3 août 2024, à la veille de la finale masculine du 100 m au Stade de France,

je repense à un texte terminé fin mars


La trêve


Par Matthieu Limosino

 

Qui        

Arrête encore les combats

Pour la trêve olympique

Ekecheiria

 

Et qui

Punit les nations

Qui poursuivent les conflits

 

 

Je me souviens

De ces athlètes tués

Lors des Jeux de Munich

En 1972, conflit

Israélo-palestinien

Terrorisme déjà

Occupation et territoires

Noir

Mois de septembre

 

 

Nul ne s’arrêtera

En 2024

Comme personne

Ne s’est arrêté

Lors des conflits mondiaux

Priorité

À la guerre

 

Pourtant

En son temps

Du côté d’Olympie, tous cessaient combats

Tous

Cessaient le feu

 

Athènes, Thèbes et les autres

 

Sparte

Fut sanctionnée

De nombreuses années, guerre du Péloponnèse

 

Et Lichas

Fils d'Arcésilas

Fouetté

 

Pour avoir participé à une course de char

Et contesté le fait

Qu’on lui retire

La victoire

 

Alors

En 2024

Quand continueront de pleuvoir

Les obus et les bombes

Certains peut-être

Jetteront

Du côté du Yémen

De la Russie, de l’Ukraine

Soudan et Burkina

De la Syrie

Gaza ou d’Israël

 

Un regard

 

Juste un petit regard sur l’écran d’un téléphone

Pour voir

Durant quelques secondes

Une dizaine

De secondes à peine

Hughes, Coleman ou Lyles[1]

Remporter le 100 mètres

 

Voir Jenya[2]

Grimper mieux que les autres

Sur un téléphone

Savoir ce qui se passe

Flotter les drapeaux

Atamanov gagner plus que le bronze[3]

La sueur

 

Loin du sang

Et des maux démons de la guerre

  

Extrait d’Émois olympiques, inédit, 2024


[1] Meilleures performances mondiales masculines de l’année 2023.

[2] Jenya Kazbekova est au printemps 2024, la meilleure grimpeuse ukrainienne.

[3] L’Israélienne Daria Atamanov a terminé troisième du concours général individuel des Championnats du monde en 2023, à Valence.


*

3 août, tir au pistolet

Par Yannick Resch

À l’épreuve 

du tir au pistolet

son regard 

n’a pas cillé 

son bras

n’a pas faibli

sa main

n’a pas tremblé 

Quelle maitrise!


En décrochant

la médaille d’argent

Camille Jedrzejewski  

a fait honneur 

à l’équipe olympique 

française.


*


3 août, 17h et des poussières, en voiture avec France info : arrivée de la course vélo sur route

Par Patrick Joquel


quelques dizaines de secondes te séparent des poursuivants

pour une médaille d’argent

l’or est à plus d’une minute

il ne reste que quelques centaines de mètres

ce sera l’argent ou rien

Valentin

la journaliste est à fond derrière son micro

on est tous sur ta roue arrière

on a tous les yeux rivés sur la ligne d’arrivée

on est avec toi

jusqu’à la délivrance

jusqu’aux larmes

l’émotion

une médaille d’argent

au cou des milliers de km en course ou à l’entrainement

au cou des milliers de jours à deux roues

on est juste heureux

inutile et si belle émotion

le bonheur se partage ainsi

avec

en prime

un bronze pour Laporte

des moments heureux se gravent ainsi au fond de nos mémoires


*

2 août, finale de judo poids lourds, télé

Par Olivier Hervé


Teddy Riner

en or

ça sonne bien

trois fois même

on dirait presque

un poème


*

Vendredi 2 août 2024 – En voiture avec FranceInfo - Début des épreuves du Décathlon

 Par Frédérique Leymonie


Kevin ne viendra pas

c’est un forfait

depuis un an

c’est compliqué

se blesser avant les Jeux

une déchirure

une telle douleur

le Roi est mort

longue vie au Roi

 

Kevin, je t’attendais

je suis ta longue préparation

tous les efforts

tous les arrêts

j’ai bien vu à Rome

que la fougue n’était pas là

un soulagement 

car Makenson est prêt

à prendre le relai

Vive le Roi

 

Reviens plus fort

Kevin

 

la prochaine fois

ce sera toi

*

Vendredi 2 août 2024 – Sur mon canapé bleu en Auvergne

JUDO + 90 Kg – Cérémonie de remise des médailles

Par Frédérique Leymonie


Un rêve commence


Sportive de haut niveau

après deux années en espoir

elle intègre le Pôle France

dans moins de quatre semaines


Devant les Jeux

elle passe le temps

elle récupère

fait du crochet


Tiens, comme Tom Daley


Bon lui c’est du tricot

Lui il plonge en synchro

il a connu cinq olympiades

c’est une légende, un porte-drapeaux


Oh Martin Fourcade !

Moi aussi,

je veux que ce soit lui

qui me remette ma médaille !


Où sera-t-elle dans quatre ans ?

Le rendez-vous s’écrit

peut-être

un peu

passionnément



*

31 juillet, pont Alexandre III

Triathlon

Par Romain Fustier



vont devoir appréhender les pavés des Champs-Élysées

tu te rappelles avoir nagé dans un lac de cratère

il avait fait une journée caniculaire

qui avait donné des idées de baignade rafraîchissante en eau douce


rive gauche

tu enfourchais ton VTT pour aller rouler le long du ruisseau

à travers la zone rurale

une fois passé le pont enjambant l’autoroute

jusqu’au boulevard Saint-Germain

à quelques encablures de la Seine


Beaugrand en or


mai 1968

les maisons d’édition et les librairies remplacées par des magasins de mode

le nombre de fois où mon mental a été ma faiblesse

c’est une revanche sur le passé


je me suis juste concentrée sur moi

le drugstore où Serge Gainsbourg a ses habitudes

les derniers chiffres sur la qualité de l’eau


je ne m’attendais pas à avoir aussi mal mais je n’ai pas paniqué une seule fois

vous courez en boucle à travers le stade municipal pour le cross annuel des écoles

sur la ligne

l’immeuble où réside Guillaume Apollinaire

je ne réalisais pas

je pensais qu’on allait me réveiller


*


31 juillet, La Défense

Natation, 200 m papillon

Par Romain Fustier


le palais du Louvre

l’arc de triomphe de l’Étoile

la Grande Arche

à l’extrémité de l’axe historique

quel bonheur

je travaille tous les jours pour ça

la ligne 1 du métro

je remercie Kristof Milak

parce qu’on a réussi à se pousser


la dernière longueur exceptionnelle de Marchand


tu plonges adolescent dans la piscine de la résidence sous les pins


pourquoi Marchand est un nageur unique


il a fondu sur Milak à une allure folle

il y avait de quoi être étonné pour le recordman du monde


la dalle piétonne


il a grappillé coup de bras après coup de bras

finissant par prendre la tête à une dizaine de mètres du mur

je fais une super coulée

je mets tout sur les jambes

j’arrive à remonter

j’avais beaucoup d’énergie

ça s’est joué à la touche

les usines pour le traitement de l’air et la ventilation

le réseau automatique d’arrosage



*

28 juillet, colline d’Élancourt

Mountain bike, cross-country


Par Romain Fustier


comment Ferrand-Prévôt s’est libérée


j’ai du mal à y croire


la tour Montparnasse depuis le sommet


elle convoitait cette médaille d’or

je ne sais pas quoi dire tellement c’est énorme


les déblais des excavations


elle n’a pas pu contenir ses larmes

en franchissant la ligne d’arrivée

les remblais

je savais qu’il ne fallait pas faire d’erreurs

j’étais tellement concentrée que c’était dur de profiter vraiment du public

la terre

les gravats


*

27 juillet, pont Alexandre III

Cyclisme, contre-la-montre individuel

Par Romain Fustier



depuis l’esplanade des Invalides

tu te souviens de ton petit bicross rouge

l’avais découvert impatient au pied du sapin

levé plus tôt que d’habitude ce matin-là


la place de la Bastille

les communards tentent de détruire la colonne de Juillet

tu faisais des tours de vélo avec tes cousines

l’opéra

le parking de l’école te servait de vélodrome


Labous quatrième


10 mai 1981

l’élection de François Mitterrand

je passe par toutes les émotions

j’aurais vraiment aimé ramener cette médaille


je me disais que rien n’était impossible

l’élection de François Hollande

Brown sacrée sur le chrono


*


27 juillet, stade de France

Rugby à 7

Par Romain Fustier



c’est dur de trouver les mots quand on vit des émotions

comme ça

vous preniez le bus depuis le collège pour vous rendre au

stade en hiver

la proche banlieue nord

on savait qu’on serait mieux qu’eux physiquement à la fin du

match

les terrains d’anciennes cokeries

une friche industrielle


l’A1

des espaces VIP

Philippe Bernat-Salles marque le premier essai à XV


c’est fou

c’est une joie immense

la finale de la coupe du monde de football 1998

3-0

la folle saison de Dupont

l’envol du 7



2 août, Sur le banc de ceux qui croient perdre

Par Ludivine Joinnot

 

 

sur le banc de ceux qui croient perdre

se jouent parfois des défaites glorieuses

de belles batailles à l’engagement fragile

 

baignés de plein soleil

ceux qui croient perdre surgissent dans l’arène

franchissent la ligne d’arrivée

continuent, s’évanouissent, capitulent

 

l’épreuve est longue

face aux concurrents de ceux qui croient perdre

elle se risque sur le fil

 

éloge d’une gloire qui

plutôt que de se vouloir en victoire

incarne l’esprit sportif

d’un besoin de se dépasser


*

2 août, Dans la boutique de chemises

Par Ludivine Joinnot

 

 

chemise JO coupe regular

taille du mannequin 1m88

expédition gratuite dans les

deux à quatre jours ouvrables

popeline de coton

patchs et broderies

un incontournable du dressing

des amateurs de sport

manches longues col boutonné

poignets ajustables

lavage en machine à 30°

essorage doux

nettoyage à sec autorisé

repassage au fer froid

sélectionnez votre taille


*


2 août, épreuve de décathlon, réflexions sur les Jeux

 

par Stéphane Héas

 

Être autant habile à la course

Aux sauts et aux lancers

N’est pas côté en Bourse

Mieux vaut monoperformer


Les épreuves combinées du passé

Ou le décathlon aujourd’hui

Prennent des contours surannés

Exceller en une discipline suffit


La polyvalence hier valorisée

Rassemblait toutes les qualités

Elle n’est plus la panacée

Désormais, il faut savoir cibler


Les records mesurent les différences

Entre toutes les performances

Le salut sportif provient de la réussite

D’une mesure, elle seule crédite


*

Vendredi 2 août 2024 – Fauteuil rouge de cinéma 

ESCRIME sur grand écran

 Par Frédérique Leymonie

 

Je vois les JO partout

 

Stylo à la main

toujours aux aguets

Concentrée

ne rien louper

Devant les écrans

toujours allumés

depuis une semaine.

 

STOP

Faire un break

aller au ciné

se changer les idées

au frais

 

...et lors du duel à l’épée

avec ma fille

on rit, on glousse

En garde ! Allez !

On a eu la même idée

 

On communie

avec les JO partout


*

©Sébastien Bailly


2 août 2024, finale du BMX , à l’écran

Par Sébastien Bailly


Ça va si vite en BMX

Le temps d’un poème

Descente et bosses

Quelques virages

Les vélos volent

Ils veulent l’Or

Bleu blanc rouge

Or Argent Bronze

Au BMX

Ils raflent tout

Survolent

Leurs petits vélos dans le cœur

Les médailles à la chaîne

Le poème se termine

Sur le podium

Pour trois Français


*


©Sylvain Faurax


2 août 2024, Avec mon fils et Teddy Riner (2 ème combat de la journée)


Par Sylvain Faurax


Teddy Bear


L’ours Teddy t’a bercé, mon fils

Balayant tes peurs au coucher

Et quand tu le perdais de vue

Alors tu pleurais un moment

Et lui séchait tes larmes

Quand on remettait la main dessus


Il est doux d’avoir un Teddy

Et pas d’âge pour avoir un doudou

Car de toute son allonge l’animal

Se déploie pour faire la courte échelle

Vers les trésors peuplant les rêves

Les tonnes d’or si souvent dissimulées


Teddy porte une ceinture noire

Trois couleurs sur la manche

Et dans le cœur tout un pays

Ce géant bataillant avec tendresse

Sur le tatami de nos inquiétudes

Terrasse la multitude de nos ennemis


Objet de transition vers l’exceptionnel

Poils hérissés le long de l’épiderme

Un porte-drapeau aussi fort qu’habile

Nous emmenant patte en main

Vers un royaume où tout devient possible

Où rien n’est jamais trop loin


Mon fils a eu la chance d’avoir un Teddy

Pas de quoi pour autant en devenir jaloux

Quel que soit le format de celui-ci

Nous avons tous le même en partage

Cet exemple de force et de courage

Nous portant à combattre avec lui


*

Basket, épreuves féminines, 1 er août 2024

Groupe C, match USA – Belgique (Belgian Cats)

Lille, stade Pierre Mauroy


Par Françoise Lison-Leroy


Fête, défaite


Deux hymnes nationaux

et deux drapeaux

pour seize élites

au féminin pluriel



Très près d’ici

la frontière belge

ils sont des mille et des cents

les Wallons les Flamands

deux langues. et un espoir



La Brabançonne résonne

en mots guerriers

le Roi la Loi la Liberté

voor Vorst voor Vrijheid en voor Recht

les Belgian Cats

affûtent

leurs griffes



dribbler lancer sifflet

volées de cheveux et d’appels

cavalcades

le ballon s’arrache en plein vol

fend les lignes

s’évade se confisque



Les USA rugissent en anglais

et la Belgique tempête

mer du Nord en furie

                               quand revient

                           le feu américain

 

 

le match est perdu en deux langues

flamand                                      wallon

dans le haut niveau des vagues

et le sable trop fin

*

Vendredi 2 août 2024

5h am, chez moi à Mouans-Sartoux avec le journal l’Équipe

Par Patrick Joquel


chacun tient sa promesse en horizon

pour l’une un podium

pour un autre une finale

chacun son challenge

améliorer son chrono personnel

simplement participer


des promesses tenues

dépassées

ou bien toujours en attente de réalisation


chacun recherche cet état de grâce

une union entre esprit et corps

entre le monde et soi-même


se dépasser

aller au plus loin et juste un peu au-delà


vivre

simplement

*

1er août. Salle d’attente des urgences pédiatriques


Par Julie Gaucher


Rejouer le match dans le jardin


Antoine Dupont plaque, aplatit, transforme. Essai

L’enfant joue à être Antoine Dupont


L’enfant plaque, aplatit, se casse un os. Fracture et luxation

L’enfant n’est pas Antoine Dupont


*

©Sébastien Bailly


1er août, water-polo, France – Australie 3e quart temps, devant la poste


Par Sébastien Bailly

Que d’eau que d’eau

C’est le water-polo

Le score à la mi-temps

Semble tenir encore

A la reprise

Les Français prennent l’eau

Et l’Australie

Creuse la vague

Creuse l’écart

Les joueurs tournent

Le chrono défile à toute allure

Attention danger

Les commentateurs s’époumonent

Ne commentent pas

S’émeuvent

« Oh, non, tire, à la pointe, oh, nom… Il faut rajouter du jeu collectif, il faut retrouver

les valeurs, ça c’est bien. Allez… Il faut réduire l’écart, tout de suite se placer,

remonter le ballon, fixez le gardien, il n’y a pas de pointe, il reste six seconde… mais

le poteau… »

Le désespoir

Des commentateurs

Les tirs sur les poteaux

« Je n’ai jamais joué au water-polo, mais c’est mieux dans la cage. Il faut être serein.

Aérez le jeu. Vas-y, vas-y… Que d’erreurs… »

Que d’eau

Que d’eau

La troisième période

Sur quatre

Est un naufrage

A croire les voix qui disent

Ce qu’il faudrait faire

« Le gardien est prêt. Il nous attend au tournant. C’est maintenant qu’il faut faire

l’effort. On se déplace latéralement, et bien en jambe… Oh, non, mais c’est

incroyable… »

Rien ne semble marcher

Rien

Quatre buts de retard

Les Bleus

Sont sous l’eau

Comment trouver la voie

De la cage

Passer la balle

Tirer

Tirer

Oui… Un but

Une superbe action, enfin

Encore un

Encore un but


Les commentateurs hurlent

Plus que deux buts d’avance

La balle serait passée sous l’eau

Mais peu importe si l’on n’a pas le droit

Le but compte

Et les commentateurs chauvins

Prennent avec bonheur

Les erreurs d’arbitrage

« Ils sont revenus à moins deux, mais on y croit. On se retrouve… »

Tout se jouera donc

Un peu plus tard


*

31 juillet, devant toutes les épreuves, télé


Par Olivier Hervé


J'aime

cet esprit d'équipe

ce collectif

à l'âme épique

des quidams, des poètes

réunis sous la même bannière

de l'écriture

du vers

des rimes

ramant sur les rives

de l'éclat

le long de rivages

sans âge

pleins d'images

de regards

de victoires

de pays

oubliés ravivés


d'athlètes échoués

sur les bords de la défaite

au loin au large de l'île

largués comme

des âmes rares


le sport

en poésie

c'est l'espoir

chevillé au coeur

d'un monde meilleur


une patrie sans drapeau

crawl dos brasse papillon

les nages de l'unité

un brass-band

habité


j'aime cet esprit de cordée

ce raid par équipe

un opéra de joie

à la poésie

de paradis


*


31 juillet, devant un poste de télé, Finale de BMX Freestyle ; 2e run d’Hanna Roberts


Par Julie Gaucher


Hanna tu culbutes

Tu tournes tu jongles folie

course sur les murs

frontflip

un salto en vélo

et le corps avalé par la rampe

soleil

genou à terre

Hanna tu n’es plus là

J’ai douze ans

un vélo et la peau du genou

en lambeau

déchiquetée

graviers épines du bitume

dans ma chair

criblée

vélo remisé une éternité

*

Jeudi 1er août 2024, 5h am, chez moi à Mouans-Sartoux avec le journal l’Équipe


Par Patrick Joquel

épreuve en solo

épreuve en équipe

le sport de haut niveau demeure un collectif

coach

psychologue

médecin

kiné

nutritionniste

équipementier

amis et supporters

et j’en oublie

j’en oublie

sur le terrain la performance est en solo

ou en équipe

n’oublions ni l’entraînement

ni les coulisses

leurs présences quotidiennes

*

qu’est-ce qui fait que la course de Léon* me donne autant de joie

?

la beauté du geste parfait ou presque

?

l’enjeu

?

son sourire de vainqueur

?

je partage cette joie avec lui

et toute son équipe

simplement

comme je partage les tentatives sans succès

les déceptions

les douleurs aussi

je me souviens

petit avec les copains

« on fait la course »

l’intensité de l’effort

la joie ou la grimace à l’arrivée


peu importe

on avait joué

on était allé plus loin que soi-même

on était heureux

la victoire du champion me ramène un écho d’enfance


*

Jeudi 1 août 2024 – Depuis mon canapé bleu en Auvergne

TAHITI à l’autre bout du monde


Par Frédérique Leymonie


Teahupo’o

fille de moana

‘Ia ora na

moi, fille du canapé bleu

je te salue

depuis chez moi


de l’autre côté de la nuit

je te découvre

je te regarde

je t’admire

tes couleurs m’enflamment

le coeur


15 000 km nous séparent

mon souffle se coupe

distance infranchissable

pourtant

je brûle de te toucher

d’admirer ta barrière

de nager dans la baie


moi, la fille des volcans

endormis dans les terres

du milieu

je me languis

déjà de toi

de tes peaux dorées par mahana

de tes « r » enroulés

comme ces poissons humains

que tu recraches parfois


Teahupo’o here

tu es la reine des vagues

tu imposes le respect

au peuple de l’eau

ta générosité

est une caresse

de l’âme

pour le itoito étranger


Teahupo’o hoa

ta robe magnifiée de diamant

comme les voyelles redoublées

de ta langue vahinée

glisse dans mes yeux fatigués


la nuit m’appelle…


ua here au ia oe !

Māuruuru

juste d’exister


*

31 juillet, huitième de finale, tennis de table, télé


Par Olivier Hervé


Bras de fer

barbichette mentale

combat frontal

À toi

À moi

À toi

À moi

À toi

À moi

le frère Lebrun

et Ovtcharov

top spin

ogives

puissance revers

trois sets zéro

coup droit

filet

trop long

t'as pas le droit

trois sets partout

9-7

dans le dernier

set

le septième

sévère

deux services

à suivre

ça ne suffit pas

trois balles de match

et c'est fait !

Félix

heureux

comme un pongiste

est en quart

quel match



*

1er août, Marseille, des questions plein la tête


Par Virginie Larteau


Le prix à payer ?

Autoroutes bloquées

Chemins de fer vandalisés

Gigantesques ballets

Répliques en bande organisée

Logos de boissons sucrées, bien trop sucrées

Le prix à payer ?


Entraînements, Voyages, Entraînements

Alimentation contrôlée

Sommeil agité

Rêves de médaille, de podium, de flashs

Le prix à payer ?


Où se trouve la flamme dans leurs cœurs ?

Brûle-t-elle la nuit en quête de bonheur ?

De son pays natal, nostalgique,

des pistes de terre battue, de la poussière antique,

le feu sacré s’endort quelques instants précieux

loin des lumières des très modernes jeux.

Où se trouve la flamme dans le cœur des sportives ?

De celles qui ont enfin le droit de concourir

sans devoir se travestir

enfin le droit d’être vives

ELLES

BELLES


REBELLES


avec ou sans cheveux longs, lisses, frisés,

en jupe ou en pantalon

Toutes les couleurs du monde

retransmises sur GRAND ECRAN,

corps en mouvement


Oubliés les étudiants délogés?

Oubliés les ouvriers décédés ?

Le prix à payer ?


*

31 juillet, finale du 200m brasse, télé


Par Olivier Hervé


Trois titres

en or

quatre nages

papillon et brasse

on assiste à la

Léonmarchandisation

du monde



*

31 juillet 202, Esplanade du Champ-de-Mars, 12h44 au club France de la Villette

Judo ou Danse ?


Par Sylvain Faurax

 

Sur l’écran géant, le Français vient de placer un ippon. La sarabande avait été si envoûtante que j’en avais oublié l’objectif premier, incarner sa volonté en créant le déséquilibre. Cette rencontre ressemblait jusque-là à une parade impliquant les deux interprètes d’un spectacle de magie. Deux prédateurs se disputaient les saisies en faisant danser des forces invisibles tout autour des kimonos malmenés.

En réalité la danse est partout, elle traverse toutes les spécialités. L’épéiste avec son jeu de jambes élastique virevolte comme un papillon le long de la piste. Le nageur valse avec les éléments pour séduire la propulsion et aller de l’avant. Ses bras glissent, caressent pour épouser les dimensions et flatter le chronomètre. Et l’artiste sur son BMX qui se contorsionne dans les airs, tonique et acrobatique ! Son cavalier d’acier le promène fougueusement à 360 degrés sur la scène de la liberté. Dans chaque arène, l’on entend de la musique pour mieux se trémousser sur le flot délicat du moment. Il s’agit du son de l’espérance, de tant d’années d’efforts se matérialisant par un suspense digne d’un tango où l’on ignore de quel côté conduira la passion. La danse a cela de magnétique qu’elle résonne et se propage jusqu’aux gradins. Écoutez le rythme du public battant de ses mains des pulsations d’amour et d’admiration. Voyez les gestes de joie, ces vibrations d’un instrument conçu pour le partage et l’émulation. Et parfois, si l’on regarde vraiment, on aperçoit des étoiles briller dans les yeux des spectateurs comme autant de ballerines altières embrasant l’opéra de l’instant.

Sur la surface carrée où s’exprime tant de créativité, les couples défilent et tricotent la grande pelote des techniques et des sentiments. Waza-ari. Shido. Je me laisse prendre par la féérie des dénouements. Au rythme des combats, je cède aux songes, cette hypnose faisant flotter tout droit aux tripes tout ce qui danse à l’écran. Même l’arbitre avec sa gestuelle minimaliste participe à mettre le spectacle en valeur et en mouvement.

Tous ces champions dansent donc comme une pluie d’été rafraîchissant l’humeur en chassant l’ordinaire du présent. Qu’elle est belle cette chorégraphie des émotions avec les pleurs des vainqueurs et les larmes des perdants ! Tous ces corps, pourvoyeurs d’exploits et de frissons, s’emploient pour que jouer demeure une fête. Et quand les athlètes ont purgé notre trop peu ou notre trop-plein jusqu’à la liesse, reste les expériences vécues à jamais imprimées dans nos mémoires. Doucement nostalgiques ou définitivement tragiques, elles remplissent le sillon propre aux âmes ayant un jour brillé. Alors oui, sur les podiums et très loin autour, un bel échantillon d’humanité s’est retrouvé ce jour d’été côté jardin pour communier ensemble et danser.

Une nouvelle Française monte sur le tatami à présent. Une Autrichienne entre dans la ronde pour en découdre également. Je quitte mes rêveries pour supporter les deux. Il s’agit bien de Judo, mais c’est souvent aussi à deux que l’on danse mieux.


*


31 juillet 2024, Boxe, 8 èmes de finale, Robinson canapé,

À 20 km du lieu des épreuves


Par Sylvain Faurax

Quiconque chausse des gants devient mon héros.

Faute de place pour Villepinte et les qualifications,

Je me rabats sur le poste télé et sur mon salon.

Occupé par le fantôme crevant de sa grâce l’écran,

Je m’identifie peu à peu et supporte le coin bleu.

Alors je râle, je vibre et je crie au loin,

Conseillant comme s’il pouvait m’entendre,

Comme s’il pouvait en avoir besoin.

Protège-toi de son droit !

Une, deux et remise au foie.

Comme ça c’est bien, j’exulte !

Sans m’en rendre compte, voilà que je m’agite,

Serre les poings en plus du paquet de chips.

Je frappe à présent le poison du vide.

Jab, Jab, crochet, je pique et mime…

Sans esquiver aucune des passions qui m’animent,

Boxer par procuration et même en superposé,

Devenir le calque d’une meilleure version de moi.

À présent épuisé d’avoir été une ombre si fidèle,

Je célèbre notre succès à la bière un peu tiède.

À toi, le roi du ring, chevalier du tour d’après,

Rendez-vous en quarts pour une nouvelle rébellion.


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