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Un top 10 des films pour la dixième Coupe du monde de rugby

La coupe du monde de rugby a débuté en France. La dixième du nom. Les matchs n’étant pas quotidien, cela laisse du temps pour quelques films. Et si ce sport n’a pas autant inspiré les cinéastes que le football ou la boxe, les deux sports les plus filmés au cinéma, on découvre derrière les plus fameux Invictus de Clint Eastwood ou Le Fils à Jo de Philippe Guillard, quelques jolies créations toutes réunies autour des valeurs de respect, d’esprit collectif, de camaraderie et de tolérance qui ont été les lignes de force des différents scénarios rugbystiques… sauf quand il s’agissait de rugby à XIII. En effet, la professionnalisation très précoce du XIII ou du football australien (Australian Rules aussi appelé footy) différencie très fortement les films traitant ces sports. Les Antipodes ont évoqué très tôt le basculement dans le professionnalisme du footy, ce sport particulier entre le foot et le rugby, très rugueux qui se déroule sur un terrain ovale avec un ballon ovale. Les deux excellents films australiens The Great Macarthy de David Baker (1975) et The Club, de Bruce Beresford (1980), se penchent sur des clubs repris par des argentiers. Ce ne sont plus les valeurs humaines qui dirigent les équipes, mais les cordons de la bourse. Le plus récent Blinder, de Richard Gray (2013), traite de la dérive très actuelle du footy et des joueurs stars mêlés à des scandales liés au sexe et à la drogue. En regard de ces problématiques, les films traitant du rugby à XV prennent une tout autre direction mis à part les films Fort comme un homme (Stephane Giusti, 2006) ou Mercenaire (Sacha Wolff, 2016). Et même si le passage au professionnalisme a été un événement marquant dans l’histoire du rugby à XV, trente ans après, aucun film n’a semblé vraiment vouloir s’attaquer à cette transformation. N'y aurait-il pas là une volonté des cinéastes et des amateurs de rugby à XV de conserver l’image d’un sport détaché des artefacts d’un monde professionnel nourri à la créatine et au spectaculaire ? Le cinéma semble le lieu parfait pour projeter sur un réel désormais différent, ce mirage nostalgique du rugby de papa où ce sont les valeurs qui priment avant tout.


On vous propose alors un petit Top 10 (comme le nombre de Coupes du monde) hors des « terrains » battus autour du monde.



La Grande Passion de André Hugon (1928, France)

Dans la région toulousaine, Jean d'Espoey et Retifat, joueurs dans la même équipe vont se retrouver à courir après la même femme… Deux passions s’affrontent. Un pitch classique pour les films de sport de cette époque. La Grande Passion est une véritable ode au rugby au travers de sa capitale française : Toulouse. Hugon propose des points de vue incroyables pour l’époque : caméra sur le terrain avec des joueurs courant vers elle, mêlée filmée de l’intérieur... On y voit le joueur Pepion avec le Stade Toulousain, l'équipe de France et son capitaine Jauréguy lors du France-Galles de 1928 (8-3), des entraînements aux Ponts-Jumeaux (Toulouse).

Soyez attentif car La Grande Passion ressort en France en copie neuve.



Le Prix d’un homme (This Sporting Life) de Lindsay Anderson (1963, Grande Bretagne)

C’est avec ce film que le rugby gagne ses titres de noblesse au cinéma. Premier film de Lindsay Anderson, l’un des leaders du Free Cinema anglais, Le Prix d’un homme est l’une des oeuvres marquantes de ce mouvement, avec Samedi soir, Dimanche matin (Saturday Night Sunday Morning, 1960), de Karel Reisz, ou La Solitude du coureur de fond (The Loneliness of the Long Distance Runner, 1962) de Tony Richardson. Il raconte l’histoire de Frank Machin, mineur, qui essaye d’échapper à sa condition sociale par le rugby à XIII, sport professionnel.

Le Prix d’un homme raconte ainsi la lutte continuelle du personnage (formidable Richard Harris – qui fut d’ailleurs jeune joueur de rugby au Munster) pour exister en tant qu’homme.


La Soule de Michel Sibra (1989, France)

La soule, sport moyenâgeux, ancêtre présumé du rugby et du football, est très violente. Le champ de bataille s’invite alors sur le terrain quand le lieutenant britannique Cursey part en Dordogne à la recherche de son voleur de chevaux. Ce dernier est capitaine de l’équipe de soule, Les deux hommes vont s’affronter dans ce jeu brutal et sans limite. Un joli casting (Richard Bohringer, Christophe Malavoy, Roland Blanche, Jean-François Stévenin) et une intelligente construction entremêlant les destins personnels dans les grands bouleversements de l’Histoire.


Old Scores d’Alan Clayton (1991, Grande-Bretagne)

Quelle idée scénaristique jubilatoire ! Un juge de touche avoue sur son lit de mort n’avoir pas osé refuser un essai gallois décisif face à la Nouvelle-Zélande. Les deux pays décident de rejouer le match, avec les mêmes joueurs, vingt-cinq ans après.

Au départ du film, il y avait une pièce de Greg McGee, ancien joueur de rugby pour la province d’Otago, et même un All Blacks chez les Juniors. Cette comédie dramatique sans queue ni tête est un poème maladroit mais attachant sur le rugby d’avant. Le match rejoué est d’ailleurs tourné à l’Arms Park de Cardiff, stade gallois mythique aujourd’hui disparu. Sur le terrain des internationaux gallois et néo-zélandais à la retraite sont venus prêter main forte aux acteurs (Ian Kirkpatrick, Barry John, Gareth Edwards. Et c’est le All Blacks Steve McDowall, champion du monde avec la Nouvelle-Zélande en 1987, qui a chorégraphié les séquences de jeu.



La Fille du patron d’Olivier Loustau (2014, France)

Marié et père d’une petite fille, Vital, ouvrier dans une usine de textile, est aussi l’entraîneur de l’équipe de rugby du club de l’entreprise, le RC Tricot mais celle-ci a des problèmes financiers. Loustau mêle habilement les valeurs du rugby et celles du monde ouvrier. Il filme avec beaucoup d’humanisme des hommes en plein doute, en lutte contre une logique libérale condamnant leur emploi, n’ayant plus que le rugby pour sauver leur honneur. Sébastien Chabal et d’autres ex-joueurs professionnels sont venus prêter main forte à cette petite entreprise.



Mercenaire de Sacha Wolff (2016, France)

Un jeune Wallisien est recruté au sein de l’équipe de fédérale 3 de Fumel qui cherche à se renforcer. Le jeune Soane qui vit à Nouméa, est embarqué par un « agent wallisien » mais son arrivée en France ne sera pas celle qu’il rêvait. Le déracinement, la volonté d’intégration, le dopage et les enjeux économiques, les milieux très ritualisés que sont le rugby et la société wallisienne, le haka, l’amour aussi… Wolff, qui vient du documentaire, n’oublie rien, pose un regard critique et original sur ce sport en mutation et réalise un beau film où la douceur enfantine du personnage est confrontée à la violence du jeu et des traditions.

Sorti en 2020, Ocean’s Apart de l’ancien joueur samoan Dan Leo, est un documentaire fort et passionnant sur le rugby dans ces îles du Pacifique (Samoa, Tonga, Fidji) qui doit zigzaguer entre la corruption, le manque de moyen et la fuite de ses talents.



Blood and Glory (Modder en bloed) de Sean Else (2016, Afrique du Sud)

Ce film est un peu au rugby ce qu’A nous la victoire (John Huston, 1981) est au football. Il y manque juste quelques grands champions et un plus de subtilité pour parfaire le tableau. En 1901, la guerre des Boers fait rage en Afrique du Sud et l’Empire britannique emprisonne des milliers de Boers. Au camp de concentration de St Helena, Willem défie l’impitoyable colonel Swannell à son propre jeu : le rugby. S’ils gagnent, ils sont libres. Blood and Glory propose une reconstitution appliquée mais assez caricaturale, dans un contexte historique encore peu connu qui vit près de 50 000 Sud-africains mourir dans ces camps.


The Nomads de Brandon Eric Kamin (2019, Etats-Unis)

Face à une dette insurmontable, la ville de Philadelphie ferme des lycées. Une jeune prof envoyée dans un établissement du nord de la ville, doit s'adapter à un quartier difficile, un contexte très tendu et des classes surchargées. Avec un collègue, elle va créer une équipe de rugby pour canaliser certains élèves. N’évitant aucun poncif de l’underdog-story, le film véhicule cependant les belles valeurs du rugby. De ce terrain vague qu’il faut d’abord nettoyer (de détritus et de seringues) à ces dealers qu’il faut éloigner, les joueurs se découvrent et deviennent meilleurs. C’est naïf mais inspiré d’une histoire réelle. Les Nomads existent vraiment et deux d’entre eux font partie des joueurs à l’écran.


The Brighton Miracle de Max Mannix (2019, Japon)

Le miracle de Brighton, c’est la victoire de l’équipe de rugby du Japon sur celle d’Afrique du Sud lors de la Coupe du Monde 2015. Un exploit retentissant auquel personne ne croyait. Le réalisateur, Max Mannix, un ex-bon joueur de rugby à XIII pour l’équipe australienne des Canterbury, a choisi une forme très particulière, alternant entre des entretiens avec les vrais acteurs (Eddie Jones, Michael Leitch, Ayumu Goromaru…) et des scènes de fiction qui reconstituent l’intimité des vestiaires et des terrains pendant les 1321 jours qui précèdent l’exploit – soit depuis que l’impitoyable Jones est nommé entraîneur. Mannix arrive à donner du cœur et une vie à cette forme hybride où les personnes apparaissent successivement sous leurs vrais visages et ceux d’un acteur. La dernière partie est concentrée sur ce match incroyable (avec les vraies images) qui vit des milliers de Japonais pleurer de joie à la fin. Et nous aussi du coup.



Negative Numbers de Uta Beria (2019, Géorgie)

L’histoire de Negative Numbers est tirée de faits réels. Pour écrire son scénario, le cinéaste, Uta Beria, s’est inspiré des histoires que deux joueurs de rugby professionnels ont racontées après avoir participé à un programme de réinsertion par le rugby auprès des jeunes détenus d’un centre à Tbilissi au début des années 2000. Déterminés et impassibles face à un premier contact difficile, ils arrivent à faire tomber leur défense. Le rugby est un sport qui ne peut se joueur tout seul, où l’on doit avoir confiance en ses partenaires pour se soutenir dans la mêlée ou les rucks. Nika, petit délinquant sous l’emprise de son frère, se fait condamner à la place de celui-ci, va découvrir que le terrain est le seul endroit sans barreau où il peut respirer.



Pour terminer, et si vous avez bien compté cela fera donc 11 films, je tenais à signaler un film que je viens juste de découvrir/rattraper en travaillant sur ce top 10 : Jungle Cry de Sagar Ballary (2022). Si les Anglais ont réussi à transmettre à l’Inde leur passion pour le cricket, ils n’ont pas réussi avec celle du rugby. Alors que de nombreux films indiens ont été réalisés autour du cricket, Jungle Cry semble être un des rares sur le ballon ovale. Le film raconte l’exploit vrai d’une équipe indienne championne du monde en 2007 des moins de 14 ans. Composée d’enfants défavorisés ou orphelins d’un institut, elle va déjouer tous les pronostics en finale face à l’Afrique du sud. Sans originalité dans la forme mais proposant de jolis scènes rugbystiques, le film est attaché à défendre de belles valeurs et une histoire attachante.




Julien Camy


Julien et Gérard Camy sont les auteurs de Sport&Cinéma (Amphora, 2021) où l'on retrouve plus de 1500 film dans plus de 60 sports.





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