Un catalogue pas si consensuel
L’Encyclopédie des sports oubliés présente et répertorie une soixantaine de pratiques, classées par ordre alphabétique. A la lecture, il peut paraître surprenant de trouver sous l’appellation de « sport », des pratiques telles que le concours d’insultes ou de pudding, la pêche à l’humain ou le matraquage d’oiseau… On est effectivement bien loin de la définition du terme « sport » telle que retenue consensuellement par les historiens du sport : pratique physique codifiée et institutionnalisée qui se déroule en un temps et un espace définis en vue d’une compétition et de l’accomplissement d’une performance (D. Guay, P. Arnaud…). Mais Edward Brooke-Hitching nous prévient dès l’introduction : « le mot sport vient de l’ancien français "desporter", qui signifie "divertir, amuser, prendre plaisir". Avant même de penser à établir des règles, on considérait comme un sport n’importe quel passe-temps physique qui procurait du plaisir, et ce pendant des siècles ». Alors, pourquoi pas... Si on voulait faire preuve d’une certaine rigueur lexicale et conceptuelle, on parlerait plus volontiers de jeux, traditionnels ou insolites.
Parmi le catalogue à prétention exhaustive dressé par Edward Brooke-Hitching, on retrouve ainsi différents types de chasse (chasse à l’ours, chasse à la loutre, chasse au porc-épic, chasse déguisée...) mais aussi des pratiques cruelles à l’encontre des animaux (les chats étant ici particulièrement à l’honneur…). La table des matières tient du poème surréaliste : lancer de serpillères, gobage des poissons rouges, boxe avec feux d’artifice, chevauchée de mât... Le catalogue semble avoir été dressé par quelques poètes (pas forcément sobres) s’adonnant au jeu littéraire du cadavre exquis. Et pourtant, Edward Brooke-Hitching a mené un travail minutieux reposant sur la consultation d’une documentation ancienne et rare.
On pourrait enfin s’attendre à ne trouver dans ce répertoire de pratiques, toutes plus loufoques les unes que les autres, sinon cruelles, que des pratiques d’un autre siècle. Quelle n’est pas notre surprise d’y voir figurer les ballets à ski, qui nous paraissent aujourd’hui bien désuets et qu’on avait effectivement oubliés… Pourtant les JO d’hiver de Calgary ne sont pas si loin (1988) et encore moins ceux d’Albertville (1992). On est nombreux, encore jeunes ou pas si vieux, à se souvenir de ces images de ballets à ski, aperçues sur les écrans des téléviseurs à tube cathodique de notre enfance.
Un recueil à lire donc, selon les goûts : d’une traite pour les gourmands et les curieux, en picorant pour les pressés qui peuvent s’en remettre à l’exotisme de la table des matières.
Edward Brooke-Hitching, L’Encyclopédie des sports oubliés, Denoël, 2015.
