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Les Jeux en poésie (partie 3)

En 1924, Paris accueille les Jeux olympiques d’été. Quelques mois plus tôt avait eu lieu à Chamonix, une « semaine internationale des sports d’hiver », rebaptisée après-coup, « Premiers Jeux olympiques d’hiver ». Un poète, ami de Cendrars et qui fit l’enthousiasme de Cocteau, Géo-Charles assiste en fervent spectateur à la manifestation parisienne. Quelques mois avant, il a suivi, de la capitale et par le biais de la presse, les prouesses qui se jouaient dans la neige de Chamonix… Et de ces Jeux de 1924, Géo-Charles livre un recueil d’une incroyable modernité : La VIIIe Olympiade. Le parti pris est simple : une épreuve olympique = un poème.

Cent ans plus tard, Paris accueille les Jeux et un collectif de poètes se rassemblent pour marcher dans les pas de Géo-Charles sur l’invitation de l’association Ecrire le sport : faire des Jeux, des poèmes ! Ils et elles « couvriront » les Jeux autrement en proposant un « compte-rendu » poétique, sensible et subjectif écrit à plusieurs mains. Pour faire vivre les Jeux autrement. Pour garder trace, réécrire, retraduire, trans-scrire. Ces textes seront publiés au fil des épreuves sur cette page.


la médaille d'or au concours olympique de littérature décernée à Géo-Charles


*

Longues-sur-Mer, 11 aout 2024. Texte inspiré des célébrations dansées par les médaillé·es aux JO de Paris 2024 : https://www.instagram.com/p/C-kZJ6ds7qv/


Henri Baron


CÉLÉBRATIONS

Seule la victoire est belle

mais l'essentiel

est de la danser

© Autobiopoèmes, (B)RÊVES



* Longues-sur-Mer, 11-12 aout 2024


Henri Baron

LIBATIONS


Le beau Bacchus bleu

hôte du Festin des Jeux

invite à la fête 

****** 


Zaho nous ravit

et Sous le Ciel de Paris

la flamme est parfaite


****** 

 

Chantons et dansons

réjouissons-nous célébrons

buvons aux athlètes

****** 


Et toi Jupiter

sois fair-play reviens sur terre

admets ta défaite

 © Autobiopoèmes, Dix-sept pieds et quelques croches

 

 

Les Jeux Olympiques de Paris 2024 sont clos. Flamme éteinte. Trêve jusqu’aux Jeux Paralympiques. La France attend toujours, cinq semaines après le second tour des législatives, la nomination de sa première ministre et d’un nouveau gouvernement.


*

Longues-sur-Mer, 10-11 aout 2024. Texte écrit ce dernier weekend de Jeux Olympiques sans trêve à Gaza, en Ukraine, sans pause dans la folie furieuse du monde.


Henri Baron


ET MAINTENANT

  

Dans le silence

on lit on dit le tumulte du monde


En Palestine

on tire on tue les enfants dans les écoles

 

En Angleterre

l'extrême-droite ment se mute en meute

son pendant occitan surfe sur l'émeute et l'abject


Sur Terre

on exploite on assèche on enflamme


Les non-ministres d'un gouvernement démissionné paradent

sur les stades

dans les médias

twittent sans relâche

« Il ne faut pas politiser le sport »

dixit le président défait en s'affichant vainqueur

« en même temps »

il câline ses champions et ses sondages d'opinions


Désolé la France n'a pas le temps

il fait beau

ce sont les vacances

on joue

on a des médailles en jeu

c'est la trêve

olympicopacificopolitique

c'est de la bombe

on bat tous les records

celui d'Atlanta

avant LA

Le soir

Léa veut du vrai

des pages de pub

du Paris télégénique

des yeux mouillés

des cris d’allégresse

les corps exultent

n'est-ce pas beau

ces larmes heureuses

qu'importent les histoires

la douleur d’une mère

« quels jeux »


Et moi je vous mégabassine avec leurs armes

ces petits corps déchiquetés

ce génocide de sémites par des sémites

et d'autres guerres

d'autres feux

un peu partout sur Terre

et vous dites

antisémitisme

avec votre fausse bonne conscience à deux balles de match

Excusez-moi de troubler vos âmes

et vos pleurs

pour une médaille perdue

avec votre honneur


Il manque à votre cou

la médaille d'hor

-reur

 

© Autobiopoèmes. Rêvoltes



*

11 août

Jean-Baptiste Verrier

J’ai tout vu de ces JO

Les plus beaux les plus hauts

J’ai tout vu de ces JO

Les grands sauts les héros

J’ai tout vu de ces JO

Les cerceaux les anneaux

J’ai tout vu de ces JO

Le judo les K.O.

J’ai tout vu de ces JO

Le vélo les assauts

J’ai tout vu de ces JO

Dans mon poste de radio


*

Texte écrit en quelques milliers de millièmes de secondes devant mon écran de télévision et les véloces épreuves féminines de keirin des JO de Paris 2024 (cyclisme sur piste au vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines) et de vitesse (escalade au Bourget).

Henri Baron



CHRONOPHAGES


Chronométrées au millième de seconde


et pourquoi pas

à la nanoseconde

tant qu'on y est


Au lieu de départager

ne peut-on pas simplement partager–  le temps

la joie  la paix

la médaille s'il faut

 

Longues-sur-Mer, 7 aout 2024HB © Autobiopoèmes, (B)RÊVES


*

Longues-sur-Mer, 11-12 aout 2024

Henri Baron

L’AUTRE EST UN JE(U)

 

 

Nager

entre les lignes

sans mordre à l'hameçon


Nager

sous la ligne de flottaison

jusqu'à celle d'horizon

 

Rouler

pédaler sans dope

profilé certifié propre


Rouler

sans se faire flasher

plus vite que Chronos


Tirer

comme on tire un faisan

proie apprivoisé


Tirer

sur une cible fixe

en plein cœur


Frapper

sans encaisser

frapper frapper frapper encore


Frapper

toujours plus fort

jusqu'à l'effondrement du corps


Sauter

surtout ne pas empiéter d'un millimètre

planche d'appel et bac à sable


Sauter

avec ou sans perche

plus haut que le record de tout le monde


Lancer

tournoyer

disque sans musique


Lancer

enfoncer le clou

planter son javelot et l’adversaire


Courir

droit devant

sous dix secondes le cent mètres


Courir

ivre de vide et de vent

dans son couloir de la mort


Et si le dépassement de soi

n'était

finalement

qu'une forme de dépassement de l'autre


 

*

Dimanche 10 août 2024 – Sur mon canapé bleu en Auvergne 

Basket-ball homme et femme – finales – France-USA


 Frédérique Leymonie

 

A un point près

 

un point c’est tout

c’est rien du tout

c’est une place de second

une place de perdants

 

un point c’est tout

c’est rien du tout

c’est presque la médaille d’or

une victoire historique

 

un point c’est tout

c’est la grandeur d’une équipe

qui n’a pas flanché

c’est le rêve de gamins

 

c’est le rêve de gamines

qui ont la même destinée

sous le regard des gars

la médaille à leur cou

 

un point c’est tout

c’est passé près

la Dream Team s’est effritée

ça va passer à L.A.


*

Finale de basket (hommes) USA – France,  le 10 août 2024

(pour les jeunes lecteurs et quelques-uns de leurs parents)


Françoise Lison-Leroy

 

 

La gouttière  (*)

 

Le match n’est pas plié

les basketteurs sont sur les dents

 

Des dents qu’ils enlèvent

pour saluer le public

perché dans la gouttière

 

La gouttière prend l’eau

le ballon gonflé d’air

s’élève jusqu’au panier

 

C’est parfait c’est gagné

on voit leurs incisives

libres et blanches

plus besoin de gouttière

 

L’ennui

c’est que le marquoir

affiche en rouge

quelques points de suture

 

 

(*) La gouttière dentaire, en matière synthétique, protège les dents des sportifs.


*

10 août finale boxe + 92 kilos hommes 

 Milène Tournier


L’enfant dormait dans la pièce voisine. 

J’ai saisi dans ma main nue la télécommande

Et continué à suivre dans le silence et le noir 

Les poings bleus, les poings rouges attaquer et défendre. 

J’ai vu, en fin de duel, les deux beaux épuisés s’étreindre au milieu du cercle carré,

Les cœurs encore plus près qu'à l’instant l’étaient leurs poings.


*

10 août 2024, Breaking, vu en ligne


Sébastien Bailly

 

Free afghan women

Clashe Manizha Talash

En freestyle

La B-girl fâche les juges

La battle freeze

 

La réfugiée de Kaboul

Disqualifiée

Mais

Free afghan women

--

Les Talibans

Ne savent pas danser


*

Samedi 9 août, ping-pong par équipes, France-Japon pour la médaille de bronze, devant les matches d’Alexis et Félix Lebrun sur un petit écran dans une voiture prenant la direction du Stade de France.

 Valentin Deudon

 

Main caresse table

  de paume de doigts

Main caresse table

  Lignes roses lunettes noires

Main caresse table

  ton amie ton ennemie

Main caresse table

  cherche la douceur 

Main caresse table

  front cou bras ruisselants

Main caresse table

  respire petit frère 

Main caresse table

  à l’entre-deux-points

Main caresse table

  bruit de balle sans balle

Main caresse table

  geste tendre, furtif

Main caresse table

  avant la foudre, revers-roi

Main caresse table

  petit cri dans la nuit

Main caresse table

  à contre-vertige

Main caresse table

  seconde peau, vivante

Main caresse table

  vos rites fragiles

Main caresse table

  répare la plaie, la perte

Main caresse table

  sans ralentis sans commentaires

Main caresse table

  six lettres dans le dos

Main caresse table

  larmes passées futures

Main caresse table

  une dernière fois

Main caresse table

  flashs croque-médaille

*

 

Dimanche 4 août 2024, ma grand-mère maternelle aurait fêté ses 107 ans.

La famille Delerm, elle, était au Stade de France,

pour voir notamment la finale féminine du saut en hauteur


Matthieu Limosino


DE CORNIÈRE ET DELERM 

J’aime

Lorsque les auteurs

montrent qu’ils sont

Comme les autres, pas plus

intellectuels

Mais comme les autres

Dans l’émotion des stades

et des grandes compétitions

 

Je dis auteurs

Car je n’ai pas en tête

d’autrices que j’aurais lues

Évoquant ces émois

 

Des Delerm nostalgiques

[Des] jambes de Steffi Graff[1]

Des riches heures

de l’athlétisme

de La

beauté du geste[2], père et fils

En écriture

synchronisée

 

Ou bien

François de Cornière, poète

et nageur du petit matin[3]

Qui consacra des lignes

Aux Talonnades[4]

Et [aux] surface[s]

de réparation[5]

Comme d’autres chantèrent

Les exploits

De Juste Fontaine ou Johnny Rep

Platini, George Best

ou Zinedine Zidane[6]

 

Et puis Miossec qui rendit hommage

À ceux

Qui « évolu[ent] en troisième division[7] »

 

En attendant d’entrer

D’ « un passement de jambes[8] »

« Dans la cour des grands[9] » 

Et celles

des récréations

 

 

Extrait d’Émois olympiques, inédit, 2024

 


[1]     « Les jambes de Steffi Graff », Les Piqûres d’araignée, Tôt ou Tard, 2006.

[2]     Philippe Delerm, La beauté du geste, Seuil, 2014.

[3]     François de Cornière, Nageur du petit matin, Le Castor Astral, 2015.

[4]     François de Cornière, Talonnades, Le Castor Astral / L’atelier de l’agneau, 1992.

[5]     François de Cornière, La Surface de réparation, Le Castor Astral, 2003.

[6]     Chantés respectivement par Gil Bernard (1959), Mickey 3D (2004), Julien Doré (2013), La Lucha Libre (2013) et Vaudeville Smash (2014).

[7]     Miossec, « Évoluer en troisième division », Boire, PIAS, 1995.

[8] Doc Gyneco, « Passement de jambes », 1996.

[9] Youssou Ndour et Axelle Red, « La cour des grands », 1998.


*


9 août 2024 : parce que le sacre de Tamirat Tola sur le marathon

rappelle celui d’un autre Éthiopien du côté de Rome


Matthieu Limosino

 

Le prince aux pieds nus


Il est un inconnu

De la garde

De l’empereur Sélassié

 

Courant

Les rues de Rome

Pieds nus

 

Rome

Pour un marathon

Qui va faire de lui

Le premier Subsaharien

Médaillé des jeux

 

Le premier Subsaharien, corne de l’Afrique

Champion

olympique

 

 

 

Abebe Bikila

Qui a grandi

Sous occupation romaine

Pas un empire

Mais des chemises noires

Nostalgiques

D’un territoire antique

Ou d’une république

Tout aussi dévorante

 

Bikila

Qui les pieds nus

S’impose

Dans la chaleur de Rome, de l’été

1960

Quand les vespas étaient

De chaque soirée de jeunesse

 

Un marathon décalé

qui finit dans la nuit

Près de l’obélisque d’Aksoum

Et l’arc

de Constantin

 

 

 

Bikila

Le Prince aux pieds nus

Qui conservera son titre

Plus tard à Tokyo

Avec des baskets

Mais ce jour-là pieds nus

Modeste dans la victoire :

« Dans la Garde Impériale,

[…] beaucoup d'autres coureurs

[…] auraient pu

gagner à ma place »

 

 

 

Ce fut pourtant lui

Abebe Bikila

Lui

Né le jour

Du marathon olympique

De Los Angeles en 1932

Qui le remporta

En 1960

Sur un bitume encore brûlant

 

Petit goût de revanche

Pour tous les fils

Et les filles d’Ityopp'is

Descendant de Kouch

Et de Cham le maudit

Qui ce 10 septembre

Se couvrit d’or

 

Va-nu-pieds

Devenu roi

 

Extrait d’Émois olympiques, inédit, 2024

déjà paru dans le numéro de juillet 2024 de la revue hélas!


*

Marathon, Esplanade des Invalides, 10 août 2024

Sylvain Faurax

L’Oiseau de feu

 

Si nombreux sur la ligne de départ

Pour une seule place à l’arrivée.

La meute se masse, bourdonne puis s’étire,

Au fur et à mesure du tracé.

 

42 bornes qui s’avalent ou éliminent,

Respiration animale et foulée féline,

Trouver son rythme, sa vérité du jour,

Pour faire au mieux avec ses capacités.

 

Alors se protéger un moment encore,

Avant de se résoudre à accélérer

Comme on pourrait le faire par amour,

Avec le cœur en tambour exalté.

 

Mais la douleur déjà consume.

Murmurant de sa chaleur,

Elle répand son incendie,

Celui qui rend l’effort sublime.

 

C’est d’ailleurs dans les forêts de flammes,

Que les âmes brillent et courent le mieux.

Alors le combattant des longues distances

Fait du brasier sa patrie et des brûlures un baiser.

 

Aujourd’hui j’ai donc vu un homme-oiseau

Briller d’or et de courage,

Projetant ses jambes comme si c’était des ailes,

Ricochant comme s’il cavalait sous l’orage.

 

Indifférent aux limites faisant du corps une prison,

Aux vanités humaines donneuses de leçon,

Tamirat Tola a plané sur l’épreuve, brûlé en lui-même,

Et par le feu, a su contenir le temps.


*

Site d’escalade du Bourget - Jeudi 8 août

Sylvain Faurax

 


Danser sur la voie artificielle

Paroi verticale et boursouflée

Où manque à dessin l’échelle

Rendant les accès trop aisés

Alors faire parler son adresse

Et là-haut, où se loge la liberté

Éprouver le vertige sublime

Exigeant sa dose de témérité

 

Anticiper la prise d’après

Les positions de moindre effort

Et après l’escale et le réconfort

Recommencer à naviguer

En priorisant la force des jambes

Pour viser les sommets

En cheminant dans les méandres

De topologies compliquées

 

Le centre de gravité hors des appuis

Se porter vers quelques déséquilibres

Préalables à de nouvelles stabilités

Mais les bras deviennent brûlants

Et les dévers fourbissent leurs armes

Alors, devenir l’une de ces araignées

Aptes à s’accrocher et se suspendre

À se contenter des surfaces lisses

 

Tisserande fluide toute à son métier

Guerroyant contre poids et gravité

Qui toujours attirent vers le bas

Maudit fil à la patte qui finira

Tôt ou tard par se tendre

Au ciel la gloire

Au sol les regrets

Le plus tard possible se rendre


*

Finale de surf des JO de Tahiti – pardon ! de Paris 2024 – le 6 aout 2024, modifié en regardant Kauli Vaast danser pour fêter sa médaille d’or : https://video.lefigaro.fr/figaro/video/jo-paris-2024-le-surfeur-kauli-vaast-enflamme-le-public-du-club-france


Henri Baron


LA MONTAGNE DE CRÂNES (TEAHUPO’O)


Si je sortais du métro sur une gauche

comme Il sort d’un baril bleu-vert

je danserais entiaré

auréolé

roi doré

adoré

adulé

d'une ile parfumée

d'un paradis de corail


Mais voilà

mon tube à moi à émois est gris

bondé

la seule vague qui me fait croire funambule

est cette marée qui turbine

me porte sans écume d’un quai sous terre vers un soleil cendré

quand je ne suis qu'édulcoeuré

petit daron baron

dans la limaille d'une mise en Seine

mon Teahupo’o sort des catacombes

© Autobiopoèmes, Légendes

 

 

*

10 août 2024, le matin, plage de Bocacabana, Cannes.

Patrick Joquel

 

L’or parfois tient à un fil

ça se joue à rien

à trois fois rien

moins que rien

à une seconde ou moins

à un geste ou un mouvement à peine imparfait

un ennui mécanique

une légère erreur

des milliers d’heures s’évaporent alors

l’émotion

funambule étrange

oscille

entre rage et fierté

tu as gagné l’argent ou le bronze ou le chocolat

tu aurais pu

tu as failli

tu n’as pas vraiment tout perdu

mais

tu as pas

c’est le jeu

c’est la vie

ça ne tient qu’à un fil

 

 

*

10 août 2024, aéroport de Nice, un bar face à l’écran géant - finale de volley-ball hommes


Patrick Joquel

 

on joue au ballon

intense concentration

chapelets de points

jusqu’à cette délivrance

et cette joie partagée

 

 

 

*


Vendredi  9 août 2024 - Nafi Thiam court le 800m (Heptathlon)


Colette Nys-Mazure

 

Courir disent-elles

 

Avant il y a le silence

l’entraînement de longue haleine 

 

Le talon d’Achille fragile la blessure ultime

mais le plaisir  envers et contre tout

 


A présent l’extrême concentration 

la mécanique soigneusement huilée 

 

Rythme équilibre 

jambes fuselées dévorant l’espace

 

Déployer ses ailes

enfance intarissable

 

Fendre l’air encore

dans le souffle maîtrisé

 

Foule en suspens

accordée au défi

 

Flèche filant vers la cible

la ligne d’arrivée

 

 

 

Aujourd’hui

je ne peux plus courir

 

Le corps renâcle

les articulations grincent

 

Mais dans ma tête

 j’ai des semelles de vent

 

Je m’élance 

pour ne plus retomber   


*

9 août 2024 - Demi-finale de basket féminin, Paris, France-Belgique


Françoise Lison-Leroy

 

 

Extinction des sourires

quand sonne la défaite

et que hurlent

les drapeaux bleu blanc rouge

 

En berne

le ballon très rayé

comme tous les prénoms

solidaires

 

Gagné

cadeau des dieux

dans les bras d’Ayayi

un rire d’enfant fière

de sa mère dribbleuse



*


Breaking, 9 août, replay en altitude à Chamrousse

Virginie Larteau

 

Le sol d’accueil

La tête tourne dessus

Regarde le monde et ses dessous

 

Les yeux lancent des flammes

Au rythme de la musique de l’âme

 

Hip-hop

 

Culture urbaine

danse les peines

et les joies

d’être soi

 

Les mains portent le corps entier

Les bras se tendent, légers

 

Hip-hop

 

B-girls, B-boys,

un même slogan :

Peace, Love, Unity

and having fun

 

La paix plutôt que la guerre

L’amour contre la haine

L’unité comme alliée

Et s’amuser plutôt que pleurer

 

Toi, né de la rue, 

une place trop éphémère

les JO t’ont offert

 

La beauté de la danse

Et de ses mouvements intenses

 

La force du sport

Etre vivant plutôt que mort

 

Battle de figures

comme seule armure


*

6 août, Finale du surf, avec Claude 3.5 sonnet et L’Equipe


Sébastien Bailly


En guise de préambule : Peut-on utiliser l’intelligence artificielle pour écrire de la poésie ? La question est loin de faire l’unanimité. Pourtant, l’histoire de la littérature tend à prouver jusque-là qu’il n’est rien avec quoi on ne puisse écrire de la poésie, qu’on caviarde une page, qu’on découpe des titres de journaux. L’écriture sans écriture (Kenneth Goldsmith, JBE Books, traduit par François Bon) ne date pas tout à fait d’hier. Et les liens entre poésie et ordinateur ont maintenant plus d’un demi-siècle. Alors, pourquoi pas l’intelligence artificielle générative ? Permettez qu’on pose la question.

Et lorsqu’on s’interroge sur la question d’écrire le sport en particulier. Des textes générés par la machine à partir de données, cela existe. En 2016, Associated Press utilise des robots pour écrire les bilans de matchs de baseball des ligues mineures du championnat américain. Alors, pourquoi pas de la poésie ?

Il y a sans doute de très nombreuses réponses possibles. Et pourtant, il me semble qu’il n’y en a qu’une qui vaille : le texte est-il bon ? Ce n’est pas la question la plus simple. Mais pour y répondre, il faut accepter d’y aller voir. Je n’envisageais pas que cet aspect ne soit pas exploré dans le cadre de cette couverture poétique des Jeux olympiques 2024. 2024, tout de même : l’IA est partout et elle serait totalement absente ici ? Alors même que les programmeurs disent depuis longtemps maintenant que le code est de la poésie ? Alors voilà, j’ai utilisé l’IA, et je suis parti d’un article de L’Équipe, que j’ai en quelque sort « découpé » et « caviardé » avec Claude 3.5 sonnet. J’ai voulu de la littérature contemporaine, et un travail sur la déconstruction du langage. Et si j’envoie le texte, c’est qu’il me semble dire quelque chose sur l’IA, sur le surf, sur la mana qui nous irrigue et nous échappe. De quoi ouvrir le débat ?


...

 

TEAHUPOO_2024.wav [bruit_de_vagues.mp3] [cris_de_joie.mp3] [larmes_numériques.bin]

KauliVaast.surf(JO) { age: 22; localisation: homeSpot.Tahiti; résultat: médaille.OR; }

SCORE_FINAL: Kauli_17.67 > Jack_7.83 ↳ VICTOIRE.french()

vague[0] = tube.énorme(longueur: MAX, profondeur: EXTRÊME); output: 9.50

vague[1] = tube.folie(intensité: COSMIQUE); output: 8.17

océan.mood = "généreux" → "silencieux" temps.passer(600_secondes);

for (spectateur in Polynésie) { émotion.SetTo(EXTASE); }

MANA++; MANA++; MANA++;

Citation.Kauli @Léquipe = "C'était chaud, il n'y a pas eu beaucoup des vagues. C'est fou, je ne réalise pas encore. Cette victoire c'est pour tout le monde, pour Tahiti, pour la France ! Je dédie cette victoire à toute la Polynésie, à toutes les personnes présentes, à ma famille et mes sponsors ! C'est que du bonheur !" .scramble() .réarranger() → "Chaud fou France tout sponsors ! C'était vagues, peu Polynésie, bonheur victoire Tahiti réalise personnes famille pas encore. C'est pour de à toute présentes, je dédie cette les à ma et mes ! Que du !"

maman.Natou { état: [fière, contente, émue]; action: !regarder(série); localisation: jardin; réalisation: pending... }

if (quartier.bruit == "EXPLOSION_DE_JOIE") { maman.Natou.réalisation = true; }

PODIUM:

[x] KAULI VAAST

[ ]

[ ]

rêve.réaliser(KauliVaast); histoire.écrire(SURF_OLYMPIQUE);

Tahiti.SetMood("EXTATIQUE"); France.AddMedal(OR);

while (true) { célébrer(); }

// Ce commentaire est une vague qui ne sera jamais surfée

[FIN_TRANSMISSION_OLYMPIQUE]



*

Vendredi 9 août 2024 – Sur mon canapé bleu en Auvergne

Tennis de table par équipe – Matchs France-Japon pour le BRONZE


Frédérique Leymonie


Dictionnaire pongiste


Frotter la table

Souffler sur les doigts

Essuyer les faces de la raquette

S’allonger en travers de la table

Service

Boum ping pong ping pong

PING PONG

P I N G

Boum ping pong

ping

pong

ping

pong

ping

BOUM ping

Boum ping pong

PING

P O N G

P I N G

P O N G

P I N G

Boum ping

pong ping

PONG

GNIP

pong

GNIP

Boum ping pong

ping pong

p i n g g n i p


BOUM GNIP

po

n

g

VICTOIRE !

*


8 août 2024, home, le matin, Le Monde et L’Équipe sous les yeux.

Patrick Joquel


Quand chaque individu d’un groupe joue

du verbe jouer

synonyme s’amuser

s’amuser ensemble en plus

quand un groupe joue et conjugue chaque balle au plus que possible

on appelle cela

l’état de grâce

et cette grâce donne vie à une équipe


on pourrait croire que c’est facile à les voir s’amuser ainsi

si beaux

si bien

rien n’est plus faux

les heures entraînements

les mille et un toucher de balle

de smaches

de... de tout et de rien

juste des heures

ensemble

à taquiner la balle

à façonner le corps

à vivre ensemble


des milliers d’heures

et puis là

cet état de grâce

ce moment

cet indescriptible moment

et au bout

puisque c’est un jeu

une finale à jouer

pas n’importe quelle finale

une olympique s’il vous plait


l’émotion d’une équipe

staff inclus

l’émotion des spectateurs

du lecteur

c’est fou


comme un jeu génère autant de fraternité


magie d’un match de volley ball le 7 juin à Paris, France 3 -Italie 0


*

8 août 2024, omnium  

Milène Tournier


Pendant qu’on allonge nos scolioses sur des pliants, 

Ils glissent sur l’anneau de saturne

Une roue noire une roue claire -en même temps le film et la bobine- 

Celui qui chute est 

Celui qui gagne. 


*

5 août 2024, Longues-sur-Mer, après une journée de folie d’Armand Duplantis, qui

bat successivement les records olympique et mondial de saut à la perche, avec des sauts à 6,10m et 6,25m.

Henri Baron


PACHA PERCHÉ


Vitesse de la course d'élan

hauteur

torsion de la perche

taille du sauteur

impulsion

sensation

Tout est sciences

Record à battre

stratosphérique

son propre soi-même

en apesanteur

toujours plus haut

toujours plus beau

Tout est sciences et poésie

Soulever ses rêves

tutoyer les étoiles

lever les bras au ciel

sourire au monde

partager l'univers

revenir sur terre

Tout est poésie



*

8 août 2024, Deux jours après la cinquième médaille d’or, en cinq olympiades, du lutteur gréco-romain Mijain Lopez.

Jean-Baptiste Verrier



Le lutteur géant prend l’avion

Son survêtement de l’île

Son passeport de l’île

Sa médaille de l’île

Son entraîneur de l’île

L’île de Cuba

Cuba

Un trompettiste de rue

À La Havane

Joue My Way

My Way

Le lutteur la connaît aussi, My Way

Le lutteur prend l’avion

La compagnie My Way

Son survêtement de l’île

Son passeport de l’île

Sa médaille de l’île

Son entraîneur de l’île

L’île de Cuba

Cuba

Comme d’habitude Cuba

Comme d’habitude la médaille pour le lutteur géant

Comme d’habitude l’avion

Comme d’habitude le Granma

Comme d’habitude

Comme d’habitude

Mais cette fois-ci

Le lutteur géant a laissé

Ses chaussures

Au centre du tapis


*

Jeudi 7 août 2024, home, le Monde et l’Équipe sous les yeux.

Record du monde Mr Duplantis

Patrick Joquel


Toujours plus haut

tutoyer le ciel

l’appel du Vieux Sage de nos enfances

tu l’appliques à la perche et dans la perfection du geste

effacer la barre

effacer la limite

quelques secondes suspendues

aériennes

souffle retenu

et puis la joyeuse explosion

l’enfance nous percute et nous tient debout

sous le ciel

avec dans les yeux ce « tu vois, je t’ai eu » tellement malicieux

*

à propos de volley, basket, de football et de surf !

et toujours la surprise

le journal des sports est peut-être bien le seul quotidien qui témoigne de l’inattendu

de la surprise

le vainqueur inattendu

le déjoueur de pronostic

la joie wahou

les autres journaux ressassent tellement de nouvelles déjà entendues

déjà lues

le sport surprend

pas toujours bien sûr

mais plus souvent que l’actualité politico-économique

magie

?

ou simplement un témoignage que rien n’est figé

tout simplement

et que l’enfance a encore le droit de jouer


*

7 août 2024,Basket-Ball féminin, quart de finale , Paris

Victoire des Belgian Cats contre l’Espagne

 Françoise Lison-Leroy


Belgian Cats                         

 

Un ballon pour dix

et cet enjeu majeur

  • la qualification

en demi-finale  –

 

Kyara   Elise   Billie

les deux Julie

Antonia   Laure

Becky   Emma   Ine

Maxuella     Bethy

je vous écris de Belgique

 

Face à vous c’est l’Espagne

et sa joueuse américaine

tant de talents à affronter

 

Et vous jouez courez lancez

comme le font les fées

aux mains gantées de feu

 

La victoire est à vous

 

En même temps que Julie 3

votre équipière blessée

j’envoie

ma casquette « Belgian Cats »

jusqu’aux nuages

qui n’ont pas de frontière




*

7 aout 2024, Longues-sur-mer, Boxe féminine

Henri Baron


Boxing Day


Pour un taux de testostérone inférieur au racisme ambiant

décomplexé

toutes les haines se déversent en overdose

toutes et tous les extrémistes de la terre se déchaînent

éructent

vomissent

melonistes

orbánistes

lepénistes

poutinistes

trumpistes

Qui es-tu

toi

pour douter de ce qu'elle est

de ses droits

tries-tu tes valeurs en fonction de tes hormones et de ton sexe

pourquoi inonder la Terre de ta fiente verbale

et de tes textuels détritus

La boxeuse

est-elle amoureuse

Je le suis

amoureux

de son courage

de son endurance à supporter

le cyberharcèlement

les intrusions violentes

les allusions malsaines


Respect

Imane

couverte d'or ou d'argent

tu mets en apnée les fielleux et fielleuses

au cœur noir planqué dans leurs bottes


*

7 août 2024, Lutte et Athlétisme

Jean_Baptiste Verrier



Après Romain Gréco

Chez les lutteurs

Sandy Mètrehaies est en or

Sur cent mètres haies

Les grands athlètes ont

Toujours un temps d’avance


*

7 août 2024 - Etat d’alerte en vue de dimanche

Françoise Lison-Leroy

Petite annonce et grand jeu


« Déesse réfractaire

cherche convives à la

scène de clôture des J.O.

de dimanche. »

Allez les gens

fauves des mille bords de Seine

gagnantes urticantes

stars à la triste figure

équipes grégaires et fielleuses

coaches emmaillotés

tribuns sans voix aux abois

taupes lapins volailles

influenceuses alarmistes

juges de touche et d’embrouille

requins bavant le glauque

jalouses jaloux

héros de piètre augure

lécheuses et cracheurs

arbitres de derrière l’écran

perdants hérissés

présentez tous ensemble

vos armes et visages

au coup de sifflet final


*

07 août 2024, émotion ressentie en voyant Rosalie Fish, athlète américaine, qui milite contre les violences

Nour Cadour

la main rouge

peinte au visage

peuple privé de ses lieux

comme pour élire refuge 

dans les foulées

résoudre la bataille

-respiration-

montrer 

porter la vérité

sur ses épaules

et avancer.


*

5 août 2024, château de Versailles, saut d’obstacles (qualification)

Sylvain Faurax


Le rêve d’Icare


Regards plantés sur les monuments de hauteur

Deux cœurs déterminés n’oubliant pas

Tous les efforts pour se hisser jusque là

Mais la vérité est pour tout le monde la même

Celle d’une chance ne se présentant qu’une fois

Alors le moment fait d’elle une fière cavalière

À l’écoute du souffle de son fidèle partenaire

Force rassurante et muscles chauds pour assise

La monture est impatiente, l’assaut est de mise

Alors le couple s’élance, en tout point synchronisé

Compter les appuis, et un peu aussi sur la chance

L’amazone fait l’avancée et pilote les envols

Censés permettre de passer montagnes et cols

Un parcours idéal de précision à l’entame

Mais il est dans toute aventure une marche de trop

Un mauvais timing ruinant les songes trop hauts

La barre a chuté emportant les espoirs de podium

Une barre dans la poitrine et en travers de la gorge

Les honneurs seront pour d’autres et son cou restera nu

L’espoir s’est brisé contre le mauvais soleil de Versailles

Des larmes inondent son visage, de la pluie pour émotion

Dure loi que celle sanctionnant tout ce qui tombe

Punissant le moindre écart par rapport à la perfection


*

Lundi 5 et mardi 6 août 2024 – Depuis mon canapé bleu en Auvergne

Saut à la perche – Escalade de vitesse – Gymnastique artistique : sol

Frédérique Leymonie



Défier la gravité

Il était un homme-canon

qui voulait toucher le ciel

la médaille d’or pliée

il ne pensait qu’à s’élancer

par-dessus son record

et crier toute sa fierté

Il était une homme-araignée

qui courait à la verticale

sur un mur à peine attaché

il n’avait qu’une seule idée

aller le plus vite possible

pour crier toute sa fierté

Il était deux femmes gymnastes

qui validaient tous les podiums

avec humilité et sourires exaucés

pour le sol dernier agrès

avec bonheur elles se sont inclinées

pour célébrer la sororité


*

Mardi 6 août 2024 – Sur mon canapé bleu en Auvergne

Frédérique Leymonie

Ces femmes qui écrivent l’histoire du sport :

Lise Barberin, tir à l’arc

Angèle Hug, kayak cross

Julien Alfred, 100 m

Kaylia Nemour, barres asymétriques

Johanne Defay, surf


A jamais les premières

le souligner

le crier fort

les honorer

leur dédier ce poème

pour qu’elles ne restent

pas dans l’ombre

d’un homme qui

passerait par là

A jamais les premières

avec leur arc

avec leurs jambes

avec leur planche

ou leur pagaie

quel que soit le métal

de leur médaille

à jamais la première

dans leur spécialité

A jamais les premières

dans le livre de l’Histoire

des Jeux de Paris 2024

A jamais les premières

qui vont le rester

parce que c’est écrit


*

5h00 à Mouans-Sartoux, l’Équipe sous le coude.

Patrick Joquel


Un sportif solitaire

essaya le collectif

il ouvrit sa frontière

et se découvrit plus fort

ensemble ils jouèrent

ensemble ils gagnèrent

ce fut un si grand kif

que l’équipe se para d’or


*

3-4 aout 2024, Longues-sur-Mer

Trois finales de 4x100 mètres 4 nages des JO de Paris 2024 les 2 et 3 aout 2024

Henri Baron


OLYMPISCINE


À l'ombre et sous les soleils de l'arène de la Défense

la température de l'eau est de vingt-sept degrés Celsius

la chaleur en tribune bat des records

– le réchauffement climatique n'y est pour rien –

vent nul

le taux d'humidité est inversement proportionnel au taux d'humilité

–- il faut bien impressionner

Doudouné·es de rouge de blanc

ou drapé·es des couleurs nationales

mais mollets à l'air

casque en oreillettes

bonnet bleu ou blanc bonnet

lunettes arc-en-ciel

bleu piscine

sens en éveil

on défie

mais l’Arena show prend fin

– enfin

Les corps (presque) nus

tous glabres

musclés

certains tatoués

ventousés

s'échauffent encore

on se gifle

on se frappe

le sang afflue

avec lui l'oxygène

– il faut penser à tout –

concentré·es

paré·es pour l’explosion finale

Mise en scène rituelle

saut – mains sur l’étrier bras tendus – sonnerie – mains sur l’étrier bras pliés – sonnerie

c’est parti

On dit l'eau lente en ce bassin

pour faire durer le martyr

le plaisir

elles

ils

vont pourtant vite


Des gradins pousse la clameur

tricolore

on veut l'or

sixièmes

quatrièmes

troisièmes

on se console en bronze

Clapping de fin



*

ORIANE BERTONE !

6 août 2024, début des épreuves d’escalade (bloc) féminine

Matthieu Limosino


« ORIANE BERTONE !


ORIANE BERTONE !


ORIANE BERTONE ! »


Deux petites filles de trois-quatre ans

Dans une salle de blocs

Appellent la jeune femme

Vice-championne du monde


Elle vient de remporter à Laval

Son ticket pour les Jeux

Paris 2024


Elle discute

N’entend pas encore

Les deux enfants qui s’époumonent


Elles aussi

Serrent le poing tout sourire

Lorsqu’elles arrivent en haut

Comme sur l’écran

Du téléphone de leur père

Où elles la regardent

Monter, monter encore


L’aînée

Prend sa sœur par la main

Va au contact


Elle leur parle un peu

Veut savoir

Si elles aussi grimpent

Réponse du bout des lèvres


Leur père propose une photo

La plus petite

se rapproche de celle

Qui pourrait être grande sœur

Ou une cousine

Dont elle serait

tellement fière


L’autre n’ose pas

Clic-clac


Le soir

Avant de se coucher

Elle dira à son père :

« Tu étais impressionné ?

La prochaine fois

On ira sur la photo

On sera habitués ».


26 novembre 2023


Extrait d’Émois olympiques, inédit, 2024


*

Lundi 5 août, finale perche hommes, sur un petit écran sur la digue de Vlessingen (Pays-Bas), au bout de l’estuaire de l’Escaut.

Valentin Deudon


Tu l’aurais peut-être été, du deuxième ou du premier 

Août chaud lundi tard, mais tu aurais quand même voulu y aller

Deux heures TER, petit hôtel pas trop cher, robe longue marinière 

bleue et blanche, tu sais celle avec les cinq lettres rouges entées sur ton cœur

Bien sûr que tu aurais quand même voulu y aller


Entrée Sud, bloc B1, rang 73, siège 12

Stade d’une France, record d’un monde 

Main sereine posée sur ton ventre

Concentrée, comme lui avant sa course d’élan jaune et bleu

Surtout bien le voir, bien le regarder, plus haut que vrai 


Suédois sans le son sonne à la fin, perche-plume comme l’échelle de Cyrano, tu te souviens Dali avec l’horloge

Poésie-corps

Et il s’envole là sous tes yeux, tendresse montante puis descendante 

Qui te bouleversent à chaque essai

Sans les mots pour le dire, visage suffit sourire suffit !

Pas comme moi qui parle et écrit trop et je comprends maintenant, tardivement, idiot va


Viscéral c’est celui-là de mot 

Qui me manquait

Et en repartant tu aurais quand même parlé

Un peu, avec ton petit air divin, au-dessus des  autres

Tu aurais dit « mais oui, Armand D., c’est comme ça qu’il va s’appeler »



*

5 août 2024, oui bien sûr il y a Armand Duplantis et son nouveau record du monde,

mais avant ça, il y avait Thierry Vigneron

Matthieu Limosino


J'ai toujours

Beaucoup aimé la perche

Le saut 

Et les blagues offertes

J'ai vu le tsar

Sergueï Bubka

Ses victoires et ses records

Centimètres par centimètres

Trente ans de règne


et ses échecs olympiques

Barcelone, Atlanta

Et puis ceux de Sydney

Loin de l’or de Séoul


Et puis le temps

voudrait

Que je garde en mémoire le meilleur des nôtres

Renaud Lavillenie, ses 6 mètres 16

Ou le plus haut

Le suédois Duplantis

aujourd’hui


Pourtant

C'est la tête 

de Thierry Vigneron, sa coupe au bol, cheveux d'or 

Qui paraît alors 

Médaille de bronze 

À Los Angeles

Pas Pierre Quinon l’outsider

Au sommet du ciel

Ni Mike Tully, son dauphin

Mais Thierry


Thierry

Dont j’avais vu le record du monde

5 mètres 80 alors

Saut

décomposé

Dans un magazine jeunesse

Mondonga

Seconde après seconde

Poing dressé un vingt juin


Du côté de Mâcon


Ou était-ce celui de 83

à Rome


Je ne me souviens plus


Le temps efface les records

Et l’exactitude


des souvenirs d’enfance


Extrait d’Émois olympiques, inédit, 2024


*

5 août 2024, Finale de Basket 3x3, fidèle au poste

Sébastien Bailly


Le basket

Trois à trois

C’est rapide

En deux points

Mis de loin

C’est plié


*

5 août 2024, Des mamans de sportifs sont sur place, d’autres, derrière leur écran, bien loin ...

Françoise Lison-Leroy


à la mère lointaine


Et s’il se blesse

ton gamin ton champion

s’il tombe de l’écran

face à terre et genou bleuté

s’il rate un saut

un virage

si un rival le pousse

l’envoie bouler au sol

s’il saigne et s’époumone

sous la coupole géante

s’il reste figé

quelques trop longues secondes

cherchant tes yeux

en vain

s’il quitte le stade sur civière

si les visages se font graves

et la rumeur

silence

mère lointaine

quel sera ton cri ?


*

5 août, sur la route avec Lotte

Ludivine Joinnot


sur route ou sur piste

derrière le rêve en ligne, le chrono

au centimètre près, la surprise

malgré la chute au pied de Montmartre

au sprint final, elle pédale

au lendemain du sacre de Remco

elle parcourt des milliers de kilomètres par an

s’entraîne sans relâche

sans freins ni barrières

collectionne les éloges

vise les trophées

elle s’empare de la médaille de bronze


*

4 août 2024, dans la fan zone de Stalingrad (Paris 19 e )

Pierre Troullier


Devant la rotonde de la Villette, Abdou va sauter. Son adversaire, un Anglais dégingandé lui

aussi vêtu d’un t-shirt rouge, doit faire deux mètres. Abdou possède le physique ramassé,

robuste et dense de Gene Kelly. Qui sait que le plus grand performeur de Hollywood mesurait

un mètre soixante-douze ?


Abdou s’élance. Ce duel pourrait ressembler à un film de Spike Lee. Mais la rotonde de

Ledoux évoque le 18 e  siècle finissant, et la nuit du 12 au 13 juillet 1789, quand la population

brûla les trois quarts des péages encerclant Paris. La barrière Saint-Martin, actuelle rotonde de

la Villette, survécut.


Abdou saute. C’est un concours de détente verticale. « Sauter » n’est pas le bon terme.

« Se détendre » encore moins. Il faut s’arracher. De la terre, du temps, de sa condition. Nous

célébrons la nuit du 4 Août. Abdou s’arrache


à 3,09 mètres. La bataille de Stalingrad est perdue : l’Anglais est à 3,20 mètres. Le meilleur

n’est pas toujours celui qui gagne. Et la Révolution a eu lieu sans tenir toutes ses promesses. Il

faut et il faudra nous arracher.


*

4 août, match de basket 3X3 France-Serbie, à la télé

Cédric Landri


Une moitié de terrain,

pour ce spectacle,

entier.

Dès le début les Bleus en tête,

les paniers s'enchaînent et riment,

plus d'une fois le score bondit.

Les Serbes restent proches,

un peu trop,

beaucoup trop.

À l'approche de la fin,

les points s'équilibrent,

on ose à peine respirer.

Un ultime panier surprise,

de loin,

et nos Bleus qualifiés.

Héros... et pas qu'à moitié !


Samedi 3 août 2024 – Depuis mon canapé bleu

JUDO Équipe mixte

Frédérique Leymonie


Et si on ne pouvait jouer qu’une fois ?


Teddy Riner

Florent Manaudou

Kevin Mayer

et autres fous...

vous êtes venus,

vous avez vu

vous avez vaincu

et si aux prochains Jeux

on remettait tout en jeu

que de nouveaux champions

nouvelle génération

j’aime l’idée des bleuets

de la tornade Léon Marchand

moins celle des Barjots vieillissants

ou des champions de volley

passez la main, votre chemin

faîtes des selfies dans les gradins

on n’éteint pas ce qui a brillé

vous êtes toujours nos préférés

pensez à ceux qui sont formés

ceux qui attendent toutes ces années

être des exemples c’était l’objet

tous les enfants en ont rêvé

Mais à quoi bon tout ça

si vous ne partez jamais


*

3 août 2024, Longues-sur-Mer

Parcours de l'équipe de France samedi, notamment en judo mixte

Henri Baron


Danse (n)ippon(e)


Sur le tatamis sable

deux crabes dansent

étrilles ou tourteaux

ils dansent

ils ouvrent grand leurs pinces

tout en avançant de côté

en cercle

en spirale

finissent par se saisir l'un de l'autre

se lâcher

s'attraper à nouveau

ils glissent sur les algues

dansent

écument

s'éclaboussent en tirant sur la Manche

s'épuisent

sortent de leur panier

imperturbable

l'arbitre les mate et les replace

au milieu de la plage

la danse reprend

lente

claudicante

les crustacés asphyxiés

rêvent de l'or de Léon

à frétiller dans l'eau limpide

mais l'arbitre se fâche

réprimande

sort un galet jaune

puis deux

puis rouge

le crabe vaincu

rouge aussi tant il est cuit

sort de l'arène

le vainqueur fait claquer ses pinces

sans ostensible fierté

une autre danse peut commencer


Du sémaphore

on annonce

une pluie d'étoiles de mer

célestes

d'or


Un feu d'artifice


*

Quelques heures avant les finales 200 mètres brasse et papillon

31 juillet 2024, centre ville d’Angers

Frédérique Germanaud


les fenêtres ouvertes

puisque c’est l’été

cadrées deux têtes

l’une au-dessus de l’autre

trois doigts de la main gauche

reposent sur le crâne

immobilisent la tête

pour que le geste soit précis

la tondeuse dessine des allées

dans les cheveux noirs

puis vice versa

c’est à l’autre de tondre

et de teindre tricolore bien net

un maillot blanc et par-dessus

sorte de cape

sur laquelle du haut de ma fenêtre vois

alors que descendus ils marchent côte à côté

écrit au feutre

Léon Président


glorieux par avance

- Les hommes


*

Léon Marchand, double finale 200 mètres papillon et brasse, 31 juillet 2024,

Sur les bords de Loire, à hauteur de Saint-Jean-des-Mauvrets

Frédérique Germanaud


Léon lancé très grande vitesse

Sur la ligne quatre

Plus vite que mon stylo

Pourtant sans concurrent

Très mâle et doux

Sous la double épaisseur

Latex et silicone du bonnet

Jambes et bras comme de beaux poissons

Papillons et brassons

Lui de l’eau

Moi du cœur

Bouche cherchant l’air

Et pourquoi

Pour d’un peu plus haut

Hissés

Voir le monde


*

29 juillet 2024, Longues-sur-Mer

Libre interprétation de la médaille d'argent de l'équipe de France d'équitation au concours complet.

Henri Baron


CHAMAN


La mort rode à cheval

et ride les eaux de Versailles


Échappé des enfers

en robe d'argent

mors aux dents

s'élance un chaman majestueux

prince des haies et des bois

des fossés et des mares


Crinière au vent

pour sa déesse

le phénix survole les obstacles

vers une sublime victoire

- qu'importe le métal

à la cour des grands

être du bal

vaut tout l'or du ciel


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