top of page

Jigoro! de Naoki Urasawa

  • Gaétan Alibert
  • il y a 2 jours
  • 3 min de lecture

En juin 2025, les éditions Kana ont publié Jigoro !, un recueil d’histoires courtes du maître mangaka Naoki Urasawa, initialement sorti au Japon par la célèbre maison d’édition Shogakukan.

 

ree

Urasawa est l’un des grands noms du manga. On lui doit quelques monuments du genre comme Monster, 20th Century Boys, Billy Bat, Pluto, Master Keaton ou encore Yawara!, qui, si elle n’est pas sa première série à succès, reste l’œuvre qui le propulse dans un autre monde au regard de l’impact populaire de la série. Manga alliant sport et humour, Yawara!, débuté en 1986, va connaître un tel succès (30 millions d’exemplaires vendus au Japon) qu’il donne un nouveau souffle à la pratique du judo, tout comme la grande vedette du judo nippon de l’époque, Ryoko Tani, double championne olympique et septuple championne du monde, qui sera surnommée Yawara-chan. La série d’Urasawa est l’un des meilleurs exemples de l’influence des supokon, les mangas sportifs, sur la pratique sportive des japonais ou la médiatisation d’un sport au Japon, à l’instar d’un Captain Tsubasa (Olive et Tom en France), à peu près à la même époque pour le football. Le manga atteint alors une telle puissance mobilisatrice qu’il peut lancer l’émergence d’une pratique ou la revivifier.

 

Mais de quoi parle exactement Yawara! ? On y suit les aventures pleines d’humour de Yawara Inokuma, entraînée au judo par son fantasque grand-père Jigoro, ancien multiple champion national de la discipline, qui veut la voir concourir et gagner aux Jeux Olympiques alors qu’elle n’aspire qu’à la vie normale d’une adolescente.

 

Naturellement, Jigoro! se concentre sur les aventures du grand-père, dont le character design et le prénom ont été inspirés par le créateur du judo, Jigoro Kano, à travers cinq récits, publiés entre 1988 et 1991, le mettant en scène lors de son installation à Tokyo au milieu des années 1930 ou encore durant la Seconde Guerre Mondiale. Mais le recueil explore également une autre passion japonaise, le sport roi de l’archipel, le baseball. Le dernier récit A Bat and 2 Balls (1994), en deux parties, suit les aventures d’une équipe lycéenne déchue, privée de Koshien, le mythique championnat national lycéen, pour avoir été trop fêtarde, et qui va chercher sa revanche en allant affronter les favoris du tournoi. Mais leur road trip vers le Koshien ne va pas se passer comme prévu. Enfin, entre le judo et le baseball, un récit, encore en deux parties, dans le Japon du 18ème siècle, Les gaillards de Genroku (1992). Pas de sport mais une histoire rocambolesque de samurai.

Même si cela ne semble pas être un but recherché par l’auteur ou l’éditeur, le recueil ne manque pas d’une certain logique : samurai, judo, baseball. Ces histoires reflètent l’histoire du sport japonais. Quand le sport moderne se développe au Japon lors de l’ère Meiji, à la fin du 19ème siècle, il s’ancre dans la tradition martiale japonaise. D’un côté, le judo transforme le ju-jitsu en pratique sportive moderne. A l’instar du kenjutsu avec le kendo, ou encore de la professionnalisation du Sumo, les pratiques martiales subissent un processus de sportification. De l’autre côté, le baseball symbolise le nouvel attrait des japonais pour ce qui vient du monde occidental, notamment le sport. Et, plus qu’aucun autre sport importé, le baseball semblait être le plus proche des valeurs du budo japonais, lui-même inspiré des bujutsu, les arts martiaux guerriers d’antan, et du bushido, le code d’honneur du samurai, bien que celui-ci ait été très romancé par la littérature dès le 19ème siècle. Il y a donc une filiation directe entre des récits de samurai, de judo et de baseball en cela qu’ils parlent du sport moderne japonais et de sa source culturelle historique avec les samurai, récits qui, dès l’ère Meiji, ont façonné un nouvel imaginaire collectif et une nouvelle identité nationale pour le Japon moderne.

 

ree
ree




















Concernant Jigoro!, la lecture oscille sans cesse entre humour, émotion et action, grâce au dessin expressif et aux histoires aussi rythmées que fantasques du mangaka. Le recueil est même agrémenté de bonus en fin d’ouvrage, dont deux fausses interviews de Jigoro Inokuma, pour mieux appréhender le travail du mangaka. Ce recueil permet ainsi de voir le sport japonais sous l’œil d’un mangaka hors-norme, tout en profitant de ses talents de conteur et de dessinateur.

 

Jigoro!, de Naoki Urasawa

Collection Big Kana

Éditions Kana, juin 2025

 

 

 

Commentaires


Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
bottom of page