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Sport en BD

La bande dessinée offre de plus en plus de récits de qualité et d'histoires passionnantes, c'est pourquoi, nous souhaitions mettre en avant nos dernières lectures.

Au sommet


Jean-Marc Rochette, Ailefroide. Altitude 3 954, Casterman, 2018.


Pour les plus férus de bande-dessinée, le nom de Jean-Marc Rochette est synonyme de Transperceneige, récit post-apocalyptique dont les rails et les glaces ont été adaptées au cinéma en 2013 par Bong Joon-ho, mais aussi pour les histoires humoristiques d’Edmond le Cochon, acteur animalier de L’Echo des Savanesau tournant des années 80. Depuis l’an dernier, Rochette est devenu l’auteur, grâce à Ailefroide. Altitude 3 954, d’une grande claque, qui le place très certainement dans les hauteurs de la littérature à sujet sportif.


Avec ce récit autobiographique, Rochette revient aux sources de sa vocation d’artiste, tout en affrontant un passé difficile et violent qui a marqué sa relation avec la montagne. Le jeune Jean-Marc, orphelin de père, est d’un tempérament rebelle et pour le moins introverti. Rapidement attiré par l’expérience esthétique de la peinture, il passe des heures entières à contempler Le Bœuf écorchéde Soutine au musée de Grenoble. Désarçonné, sa mère l’invite à parcourir la montagne et à ne pas vivre enfermé, dans l’univers des musées et des formes plastiques. Commence alors une autre histoire : celle de la fascination pour la puissance de la montagne. Trois ans plus tard, un ami l’initie à l'alpinisme, lui apprend les rudiments et les techniques. Il enchaîne alors les ascensions et s’efforce de remplir une « liste de courses » de sommets et voies pour prétendre à l’« aspi », avec un objectif qui se dessine plus à chaque montée : devenir guide de haute montagne et, dans cette optique, affronter la face nord d’Ailefroide, grand sommet du massif des Écrins. Mais le destin de cet alpiniste en herbe sera stoppé net le jour où il frôlera la mort…


Récit initiatique, Ailefroide. Altitude 3 954 reprend chacune des étapes que doit affronter le jeune homme, aussi bien dans l’exercice physique que dans la connaissance du milieu particulier, parfois austère, mais on ne peut plus soudé des alpinistes. Avec un dessin complexe, Rochette parvient à une expression réaliste rare de l’expérience de la grandeur des éléments et de la fascination qu’elle génère chez l’adolescent, et qui trouve encore un écho dans le style de l’artiste. Les traits épais et insistant, qui montrent toute la richesse des paysages de haute montagne, alliés à une large gamme de couleurs (le bleu du ciel, le gris des nuages ou de la pierre, le vert des prairies, l’ocre ou le marron des salles de classe) offrent une luminosité qui font d’une récit une vision quasi-mystique de la montagne, mettant en mots et en images quelque chose de l’effet Stendhal : la puissance d’un paysage qui fait vaciller le regard et l’être. Ailefroide. Altitude 3 954 agit comme une déflagration : celle du passé montagnard, de son écho artistique et de sa représentation contemporaine, comme un tout qui donne sens à l’intégralité d’une trajectoire, où impertinence, dépassement de soi et rapport fantasmatique à l’élément naturel fonctionnent comme par magie de concert. Jean-Marc Rochette y dépeint la réalité spirituelle de ceux qui gravissent les plus hauts sommets, avec la grandeur d’une certaine inutilité, si ce n’est justement de marier danger et humilité. À chaque fois que la liste des courses s’agrandit, que le danger est dépassé et que les montagnes sont arpentées, Jean-Marc Rochette fait de son roman graphique un sommet de la littérature où le sport et l’art deviennent finalement bien peu de choses à côté de la beauté d’un paysage. Mais où, en même temps, sport et art deviennent l’expression ultime de ce qui nous dépasse nécessairement.

Des bulles pour rire du football !


Bastien Vivès. Le football. Shampooing, 2019.


Le nom de Bastien Vivès n’est pas inconnu aux amateurs de bandes dessinées à thématique sportive… On le connaît notamment pour Le Goût du chlore (2008) qui s’intéresse aux bassins de natation et Polina (2011) qui retrace l’histoire d’une jeune danseuse. Avec la collection Shampooing de Delcourt – qui « lave la tête et fait des bulles » – Vivès s’intéresse avec beaucoup d’humour à des thèmes aussi variés que « le jeu vidéo », « la famille », « l’amour », « la blogosphère »…

Puis, en mai 2019, il publie un tome 7 consacré au football. Le petit volume propose des scénettes décalées qui, en quelques pages ou quelques vignettes, moquent des us et coutumes de l’univers footballistique. S’il évoque l’arbitrage et les hymnes nationaux, Vivès, d’un humour parfois grinçant, croque aussi les enfants fabricant des ballons dans des conditions sordides et les tractations entre agents de joueurs et dirigeants de clubs… En somme, tout le petit commerce du foot.


Mais si Bastien Vivès écorne le football, c’est en connaisseur… Dans une interview accordée à So Foot en 2013, le bédéiste m’avait pas manqué de révéler qu’il suivait le football depuis l’enfance et qu’étudiant, il avait été partagé entre le PSG et l’OM.

Touchée !

Quentin Zuttion. Touchées. Payot, 2019.


Touchée ! C’est l’effet que m’a produit la lecture du très beau roman graphique de Quentin Zuttion…

Certain-e-s le connaissent peut-être sous le nom de Mr Q…

Avec Touchées, Quentin Zuttion explore l’univers de l’« escrime thérapeutique ». La narration s’articule autour de trois personnages féminins, aux identités fortes et contrastées, qui ont toutes vécu des expériences traumatiques, celles de violences sexuelles : « Lucie dort avec un couteau ; Tamara se bat et se débat ; Nicole choisit de s’effacer ». Elles participent à des séances d’escrime thérapeutique pour dépasser leurs traumatismes, accompagnées d’un maître d’arme et d’une psychothérapeute : « un programme d’un an pour se libérer et reprendre la maîtrise de sa vie ». L’escrime permet à Tamara, Lucie et Nicole de se défendre, de se protéger et d’attaquer pour mieux se reconstruire… Derrière le masque de protection qui dissimule le visage de leur assaillant, elles peuvent imaginer n’importe qui. En outre, parce que l’escrime demande des protections, les coups peuvent être portés avec force.


Le dessin se fait narration. Parfois allégorique, il nous invite à vivre ce que vivent les escrimeuses lors des assauts sportifs. Il semble qu’il y ait alors un temps pour le corps et le mouvement et un temps pour la parole, comme si le premier délivrait les mots souvent restés enfouis pendant longtemps…

Toutes ces femmes ont bien un combat à mener, non pas pour « être plus forte, plus courageuses », mais bien pour « retrouver leur légèreté ».

Une belle découverte de la rentrée littéraire !

Silence, on dunke !

Waxx et Gabriel Germain. Silencio. Glenat, 2019

1990 à Los Angeles. Dans un des centres pénitenciers les plus cruels de Californie, un nouveau prisonnier débarque. Grand, chevelu, tatoué, élancé, et mué, Chicuey Cavalera se destine à être le prochain souffre-douleur des matons et des brutes. C’est sans compter sur ses performances sur le terrain de basket, lieu de respectabilité dans ce monde clos et impitoyable. Chaque mois, l’unique récréation des taulards est l’organisation d’un tournoi de streetball (3x3) au sein de la prison. Chaque communauté a son équipe : les latinos, les irlandais, les fachos, les intellos, les camés... Ces matchs sont aussi l’occasion de régler des comptes et d’asseoir sa suprématie au sein de la prison. Chicuey Cavalera, dit « Silencio » suite à un traumatisme dans sa jeunesse, va jouer avec l’équipe Afro. Dans ce chaos sans foi ni loi, il se montre en défenseur hors pair, multipliant les interceptions et les rebonds.


Inspiré par le manga Slam Dunk de Takehiki Inoue, Waxx, musicien et producteur, montre sa passion du basket et l’importance sociale qu’il revêt dans le milieu carcéral. Les flash-back entre la jeunesse difficile de « Silencio » et son présent en prison donnent du dynamisme à la narration qui tient en haleine le lecteur, découvrant peu à peu les raisons de son incarcération. Le dessin de Gabriel Germain dépeint parfaitement l’ambiance pesante, dangereuse et pleine de tensions du milieu carcéral, sans pour autant montrer les scènes de violence. En proposant d’explorer les origines populaires et la culture du basket, Silencio devrait avant tout séduire les amoureux de ce sport. Ce coffret réunit les trois tomes de la série : Rite de passage, Hermosillo, Silencio.


Le Blaireau en BD !

Hinault, Legrand et Ronteix. Hinault. Objectif maillot jaune. Mareuil Editions, 2019.

La bande dessinée aime à retracer la vie des sportifs d’hier… On pourrait citer Raymond de Jeff Legrand et Christophe Girard qui met en scène Poulidor, Violette Morris de Bertrand Galic et Kris ou encore Zatopek de Jan Novák.

Jeff Legrand (encore lui !) et Fabien Ronteix ont choisi Bernard Hinault et retracent les débuts du champion cycliste… Ils nous racontent, dans un dessin expressif, parfois proche du manga, les débuts d’Hinault dans le cyclisme professionnel avec l’équipe Gitane-Campagnolo, en 1975, sa détermination et (déjà) ses premiers coups de gueule. Les victoires s’enchaînent (Gand-Wevelgem, Liège-Bastogne-Liège, Critérium du Dauphiné libéré..) jusqu’à la victoire au Tour de France, pour sa première participation en 1978.

La lecture nous a convaincue… et on attend avec impatience la suite ! Trois volumes sont d’ailleurs prévus.

Comme une envie de mettre les voiles…

Aude Picault, Transat, Delcourt, 2009.

Ce n’est que cet été que nous avons découvert la BD d’Aude Picault, Transat, parue il y a dix ans… et on se demande vraiment comment on a pu passer à côté si longtemps !

Aude Picault a été révélée par son blog, mais elle s’est plus largement fait connaître par son personnage Eva, mis en scène chaque semaine dans les pages de Voici.


Lasse de la routine métro-boulot-dodo, Aude Picault plaque sa vie ordinaire pour vivre son rêve : embarquer pour une transatlantique. Elle en profite pour noircir des carnets de croquis qui donneront cette BD à la fois puissante, apaisante et dépaysante… En somme, un livre qui donne envie de mettre les voiles ! On y découvre une jeune femme qui apprend la mer et, au fil des jours, en découvre la beauté. Aude Picault restitue un sentiment de liberté par des dessins pleine page qui fixent la dimension mouvante de l’océan, sa beauté et son immensité. Le trait est simple, sans fioriture et va à l’essentiel. Un livre que l’on referme à regret.

30 ans et huit secondes !

Max Cabanes. 1989, le grand Tour. Aire libre, Dupuis, 2019.

Du 1er juillet au 23 juillet 1989, Max Cabanes, auteur-reporter, suit le 76e Tour de France dans la voiture des journalistes d'Antenne 2 ! Un récit digne du Tour « le plus fou » selon la presse, dans un mano a mano entre Laurent Fignon et Greg LeMond, départagés pour huit secondes, le plus petit écart de l’histoire du Tour. Publiée initialement en 1989, cette nouvelle édition a été entièrement repensée, remise en page et enrichie de dessins inédits ! Un régal !

Messi est une fille !

Jennifer Vorms-Le Morvan et Nicolas Wild. Sunakali, la « Messi » de l’Himalaya, Editions Cépages, mai 2019.
« En 2019, la France accueille la Coupe du monde féminine de football. Ailleurs, des filles se battent pour jouer ! »
Sunakali, la « Messi » de l’Himalaya repose sur une histoire vraie, celle d’une jeune fille issue d’un petit village népalais qui intègre l’équipe nationale féminine junior de football. Or, à travers ce récit, il s’agit bien de confirmer le rôle du sport dans l’émancipation des femmes et l’accès des petites filles à l’égalité.
Sunakali vit dans un petit village de montagne, distant de trois jours de marche de la première bourgade. Avec ses amies, elle se réjouit d’avoir à garder les chèvres : la corvée, loin des adultes, se transforme en jeu lorsqu’une ONG laisse un ballon… L’occasion est toute trouvée de jouer ensemble au football, même si le relief montagnard n’offre pas le meilleur des terrains de jeu.
Du jeu au sport, il n’est qu’un pas et le transfert se fait avec l’arrivée d’un coach à la recherche de joueuses. Ce dernier amène avec lui la rigueur de l’entraînement et l’équipement sportif : crampons, protège-tibias, shorts et maillots de foot… La tenue traditionnelle est remisée au placard ! Le dessin traduit l’intensité de l’entrainement avec quelles gouttes de transpiration. Quant à l’écriture, elle détaille les séances (courses, sauts d’obstacles, flexions, roulades, frappes…) pour souligner l’investissement physique des joueuses.
Mais avant d’espérer constituer une équipe, l’entraineur doit faire face aux résistances des familles, qui reposent essentiellement sur une perception traditionnelle du rôle des filles, voire sur la superstition :
« Dans 2 ans, nous marierions notre fille, elle doit savoir cuisiner, faire le ménage et élever ses enfants ».
« Le mauvais œil frappera toute notre famille si ma fille joue au ballon ».
L’entraineur trouve un soutien dans le chef de village, et l’équipe des filles part à l’assaut de Humla puis de Katmandou… L’aventure conduira même Sunakali à Bilbao !
Nous avons apprécié que la parole de Sunakali ouvre et clôture le récit, une façon de montrer qu’il s’agit bien pour les auteurs de porter sa propre voix. Ils se font les passeurs de la parole d’une petite fille de l’Himalaya qui a cru en ses rêves et a accédé à l’émancipation par le sport : « mes parents ne parlent plus de me marier et quand je leur dis que je voudrais être footballeuse professionnelle, ils me soutiennent ».
L’album est un grand format (24 X 32 cm) d’une très belle facture. J’avais découvert et apprécié le trait de Nicolas Wild avec Ainsi se tut Zarathoustra et je n’ai ici pas été déçue… Les dessins, pleine page, sont riches et demandent eux aussi à être lus, tant ils nous racontent l’histoire. Quant à Jennifer Vorms-Le Morvan, elle est partie à la rencontre de Sunakali au Népal : la démarche, en soi, montre le sérieux du projet.
Enfin, et c’est suffisamment rare pour être remarqué, l’album est imprimé en France…
A lire et à offrir sans hésitation !!! Et pour prolonger l’aventure, deux films :
- « Sunakali, Teenage girl’s journey to glory », documentaire de Bhojraj Bhat
- Le reportage de la FIFA : « Meet the Himalayan Messi »

Thierry Falise et Léa Hybre. La mule et le sanglier. Massot éditions, 2019.

Souvenez-vous. Le 23 juin 2018, alors que le Coupe du monde en Russie bat son plein, la Thaïlande connait un terrible événement. Le 23 juin 2018, douze enfants âgés de 11 à 16 ans et leur coach de 25 ans, membres de l'équipe de football des Sangliers, une formation provinciale du nord de la Thaïlande, disparaissent dans la grotte de Tham Luang, une des plus grandes et mystérieuses du pays. Une opération de sauvetage sans précédent impliquant 10.000 volontaires venus de Thaïlande et du monde entier, est lancée. Elle durera 18 jours. Rencontre avec Thierry Falise et Léa Hybre, auteurs de la BD « La mule et le sanglier » qui retrace cet épisode.

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