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Entretien avec Nicolas Vilas, journaliste et auteur de "Mourinho, derrière le Special One"

Ne nous privons surtout pas d'être éblouis, fascinés - presque obsédés - par plus grand, par plus haut que nous. De jour comme de nuit, nous avons besoin de ces êtres phares qui aimantent notre curiosité, attisent nos envies d'apprendre, parfois même influencent le cours de nos vies. Pour Nicolas Vilas, un journaliste aimant creuser en profondeur les sujets qui le passionnent, c'est José Mourinho qui joue depuis deux décennies ce rôle d'éclaireur. Alors, pas encore rassasié par le destin si riche de l'entraîneur portugais, ni même repu par la quantité d'ouvrages lui étant déjà consacré, l'auteur de Dieu Football Club (Hugo Sport, 2014) et de Enquête sur le racisme dans le football (Marabout, 2018) a entrepris de réaliser son propre projet éditorial. Pas un énième livre retraçant les plus grands succès du "Special One" à Chelsea, à l'Inter ou au Real non, mais plutôt une plongée chronologique et ultra-documentée dans les entrailles de "Zé Mario". Où le lecteur découvre au fil des pages la genèse d'une personnalité unique et la construction d'un entraîneur novateur. Bref, avant la reconnaissance et les trophées, l'essor d'un futur géant de la planète football.


Peux-tu nous raconter comment est venue l'idée de ce projet sur José Mourinho ?


Je n'éprouvais pas le besoin de faire absolument une biographie sur Mourinho, même si l'entraîneur comme le personnage me fascinent depuis ses débuts et que j'ai absolument tout lu sur lui ! En fait, c'est presque le hasard qui a décidé... En préparant les émissions quotidiennes sur lesquelles je travaille, je me retrouvais souvent au téléphone avec des joueurs ayant eu Mourinho comme entraîneur, quand il n'était pas encore connu. Je me suis rendu compte qu'il existait là un espace encore inexploité, que je pouvais raconter le jeune joueur, le joueur senior, l'éducateur, l'étudiant, l'adjoint puis l'entraîneur numéro un. C'est vraiment toute cette période de sa construction au Portugal, en Espagne, mais aussi en Écosse, où il a passé une partie de ses diplômes, qui m'a intéressé.

Jusqu'à son départ de Porto pour Chelsea en 2004 donc ?


C'est bien ça. De sa naissance jusqu'à son passage à Porto. Avant Chelsea, avant le Special One. Avec l'idée justement de comprendre qui était Mourinho avant d'être le Special One, qui était Zé Mario, comme il est appelé dans l’intimité.

Quelle méthode as-tu utilisée ?


Le livre raconte son parcours de manière chronologique, avec des passages très humains, d'autres plus technico-tactiques, on évoque aussi beaucoup la méthodologie d'entraînement. J'ai fait le choix de surtout faire parler ceux qui l'ont connu, des joueurs qu'il a coachés bien sûr, mais aussi des collègues étudiants à l'université, ses profs, des anciens coéquipiers lorsqu'il était jeune joueur, des gamins qui l'ont eu comme éducateur... Avec la part de ressenti et de subjectivité que cela implique bien sûr. Un gros travail de fact-checking a par conséquent été nécessaire, pour confronter certaines informations. Au final, j'ai appris énormément de choses. Le livre est rempli de témoignages, une centaine environ, d'anecdotes vraiment croustillantes, et parfois de révélations.


Un ressenti, un mot ou une idée qui revient de manière récurrente dans beaucoup de ces témoignages ?


Peut-être son côté révolutionnaire. Lorsqu'il arrive au Benfica Lisbonne en 2000, les joueurs racontent la claque qu'ils prennent lorsqu'ils se retrouvent face à José Mourinho... Même Carlos Mozer, son adjoint à l'époque qui venait d'arrêter sa carrière, raconte qu'il n'avait jamais vu ça ! La méthodologie, les contenus des séances, le travail tactique... On peut presque dire que ce que faisait Mourinho à l'époque, c'est ce que tous les coachs font aujourd'hui.

"Il part du principe que tu ne peux pas imposer des choses à des joueurs, il faut plutôt les amener à réfléchir par eux-mêmes, leur faire comprendre là où tu souhaites les amener"


Tu évoques la fameuse périodisation tactique, mais aussi la notion de "découverte guidée". Peux-tu nous en dire plus ?


Sur le sujet de la périodisation tactique, Mourinho est certainement l’un des premiers à la mettre en place aux entraînements, avant même qu’elle porte un nom. Contrairement à ce que beaucoup pensent, Mourinho n’a pas été un élève de Vítor Frade à qui on doit cette appellation de "périodisation tactique". Concernant le terme de "découverte guidée", j'ai repris un passage de sa biographie où il explique lui-même ce que cela implique, et dans le livre plusieurs joueurs racontent en détail comment ça se passait concrètement sur le terrain. Par ce qu'il appelle la découverte guidée, il part du principe que tu ne peux pas imposer des choses à des joueurs, il faut plutôt les amener à réfléchir par eux-mêmes, leur faire comprendre là où tu souhaites les amener.


Cela passe souvent par des conflits, qui semblent être utilisés chez lui comme un outil de développement du joueur, lorsque c'est nécessaire... C'était déjà le cas durant ses jeunes années de coach ?


Cette gestion de l'aspect mental revient souvent, car sur ce point aussi il était novateur. Comme éducateur, il responsabilisait déjà beaucoup ses jeunes joueurs, les piquait aussi parfois. Plus tard chez les pros, il a toujours connu des conflits en effet, cela a toujours existé, même au début. C'est directement lié à sa forte personnalité. On s'aperçoit qu'il avait déjà ça en lui quand il était gamin. En moins de 15 ans, ses anciens coéquipiers te disent que s'il n'était pas un joueur fantastique, en revanche c'était déjà un leader. Il a hérité du fort caractère de sa mère, alors que son père, également entraîneur, était plus un "gentil". Et cela l'a d'ailleurs directement influencé.


C'est-à-dire ?

Sa personnalité, son charisme d’entraîneur, ses façons de faire parfois dures avec ses joueurs... Tout cela semble être la conséquence des défauts (qui étaient aussi des qualités) de son père, José Manuel. C'était certes un bon entraîneur, qui avait la spécialité de faire monter ses équipes, mais certains disent que José Mourinho a tellement vu son père souffrir d'être trop bon, trop gentil, que lui s'est promis de ne jamais subir ce que son père a subi. Les échecs de la carrière du papa sont encore aujourd'hui des traumatismes pour le fils. Il les a pleinement vécus car dès l'adolescence, il l'aidait en faisant passer des messages aux joueurs, il lui préparait des séances et observait même les adversaires.

Il y en a eu quelques autres, comme Robson et Van Gaal au Barça, mais ce père entraîneur semble avoir été sa principale source d'inspiration ?


Je le pense sincèrement. Certes José Mourinho aidait beaucoup son père entraîneur lorsqu'il était jeune, mais il existe une réciprocité dans cet échange, car il s'est beaucoup inspiré de José Manuel. Ce dernier possédait un passé de joueur et des qualités de coach qui ont nourri son fils. Dès 14 ans, il expliquait déjà qu'il voulait faire comme son père, être entraîneur ! Au final, leurs parcours sont totalement imbriqués et une grande partie de la biographie de José Mourinho est aussi celle de son père.


Mourinho, derrière le Special One (Editions Exuvie), disponible depuis le 15 avril dernier en version numérique, sortie en format papier prévu mi-mai. [if !supportLineBreakNewLine] [endif]

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