Entretien « le premier fanion » avec Valentin Deudon
- Ecrire le sport

- 28 août
- 4 min de lecture
Après Miettes footballistiques et l’Intendresse (aux éditions du Volcan), Valentin Deudon est de retour en librairie avec Le premier fanion (éditions La clé à molette). Celui qui ne cesse de déclarer son amour pour la vétérance revient cette fois pour évoquer son premier amour : l’Olympique Saint-Ollois, (OSO). Son premier club de foot, son premier entraineur, ses premiers coéquipiers, son premier maillot. Ce nouveau texte, tout en fragments, est aussi un clin d’œil à Georges Perec. En effet, Valentin Deudon utilise l’anaphore « Je me souviens » à chaque début de phrases. Un exercice périlleux mais parfaitement maitrisé. Rencontre avec Valentin dans l'intimité du vestiaire.
Valentin, alors que tu ne cesses de déclarer ton amour pour la vétérance, tu as choisi d’évoquer ta première expérience footballistique à l’Olympique Saint-Ollois, pourquoi ?
Parce que j’ai toujours conservé un lien fort à ce club, un lien sentimental. C’est le premier club, celui où une joie surpuissante est née : jouer au football avec les autres. J’ai porté ses couleurs de mes 8 à 22 ans, traversant l’enfance, l’adolescence et le début de l’âge adulte dans son petit stade René Defer. Ce décor - par ailleurs somptueux - est devenu mythique pour moi car il a abrité quantité de moments fondateurs, heureux ou douloureux, insignifiants ou essentiels, solitaires ou collectifs. Mais le temps passant, cette histoire avec l’OSO était devenue un peu trop lointaine et mélancolique, un peu trop triste ! J’ai eu envie de faire exister à nouveau cet espace, de défier sa disparition, de le recolorer par l’écriture.
Le premier maillot, le premier entraineur, tes premiers coéquipiers… qu’est-ce qui te touche le plus dans cette évocation ?
Ce à quoi je pense le plus, c’est le premier match avec l’équipe première, avec les seniors, ces footballeurs-adultes que je regardais comme des géants. Je me sentais minuscule, adolescent fragile et peu sûr de lui, persuadé d’avoir beaucoup de lacunes dans le jeu. La découverte du football adulte a été une sorte de libération et de révélation pour moi. J’avais trouvé un idéal, un endroit où exister pleinement. C’est pourquoi le match du dimanche à 15h est longtemps resté un rituel immuable, une cérémonie jamais banale, pour le meilleur et pour le pire. Jusqu’à l’entrée en vétérance qui a renversé de manière bienvenue certains ancrages comme l’horaire du coup d’envoi ou mon rapport à la compétition.

Tu dis que cet attachement peut paraitre risible de l’extérieur même si je pense que beaucoup la comprendront. Qu’est-ce que le football représente pour toi ? Qu’est-ce que cela dit de toi ?
Oui, j’écris que cet attachement a pu être risible, dans un environnement proche qui le regardait de loin, et à un âge où j’avais du mal à extérioriser les émotions que le football générait. Ce qu’il représente pour moi ? C’est assez vertigineux de tenter de répondre à cette question... Peut-être un chemin de joie, une fidélité à l’enfance, un espace sacré. C’est aussi une activité vitale qui me libère et m’emprisonne en même temps, dans des habitudes, des rituels, des empêchements. C’est également un lieu de fraternité-sororité : jouer avec ou contre quelqu’un est une expérience humaine toujours incroyable. Mais je parle plus du jouer-au-football que du football dans son ensemble, dont certaines réalités contemporaines génèrent inévitablement désamour et désillusions, et donc des luttes, politiques et poétiques, pour le protéger, le repenser, le réenchanter.

Tu utilises l’anaphore « je me souviens » de Perec à chaque début de fragment. Pourquoi ce choix ?
L’élan d’écriture est venu spontanément grâce à cette anaphore, à la suite d’une conversation avec une amie. C’est une forme assez peu originale, très connue et énormément utilisée dans la littérature, ce qui m’a un peu dérangé au début je dois le reconnaître. Mais les souvenirs ont afflué grâce à ces trois mots obsédants popularisés par Georges Perec. Etant attaché au rythme fragmentaire, et aimant rester fidèle à l’élan premier d’écriture, je n’ai pas senti la nécessité de changer la forme, au contraire. Certains lecteurs me disent que très vite on s’en défait ; l’anaphore sait disparaître avec humilité derrière le souvenir qu’elle a généré.
En lisant ce nouveau livre, j’ai pensé à la phrase de Bill Shankly : « Le football n'est pas une question de vie ou de mort, c'est quelque chose de bien plus important que cela. » Que penses-tu de cette phrase ?
J’ai souvent croisé cette phrase mais à vrai dire, elle ne m’a jamais vraiment alerté. Je me rends compte en la relisant que je ne suis jamais entré en elle, trop terrifiante peut-être. Je ne sais pas pourquoi, mais elle me fait surtout penser à mon père qui disait souvent en plaisantant, après une conversation où je manquais certainement de second degré et de recul sur le sujet : « On peut rire de tout, sauf du football ! ». Ça me faisait rire car j’avais l’impression qu’il avait saisi l’importance de mon rapport à ce jeu, et en même temps il m’aidait par la dérision à le remettre à une place plus juste.





















Un très bel entretien plein de tendresse et de sincérité. Valentin Deudon nous rappelle que le football, au-delà du jeu, est un espace de mémoire, de partage et d’émotion. Une lecture qui parle au cœur. À découvrir sur https://www.namastestyle.fr/
Souffle léger et esprit du jeu, Isabelle 🕉️