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Champions de plongeon, de natation ou d’apnée : des bassins à l’écran

En attendant le coup d’envoi des Jeux Olympiques de Paris le 26 juillet prochain, nous vous proposons de (re)découvrir plusieurs champion.ne.s de natation, de plongeon ou d’apnée qui ont été acteurs de films de fiction ou sujets de documentaires, des années 1930 à nos jours. Au-delà de leur destin personnel et de leurs prouesses sportives, ce sont d’autres enjeux, politiques et sociétaux, qui se dessinent en filigrane dans ces œuvres, preuve s’il en fallait que l’art et le sport sont intimement liés à l’histoire, dont ils offrent un témoignage précieux. Nous ne procèderons pas ici de manière chronologique afin de souligner l’intemporalité et la permanence des thématiques traitées par les cinéastes :


- Greg Louganis à Séoul : les années 1980 et la perception du VIH


Dans son court-métrage documentaire de 2015, Thicker than Water, la réalisatrice Jennifer Arnold revient sur les Jeux olympiques d’été de Séoul en 1988. Pendant sa préparation en vue de concourir en Corée du sud, le plongeur états-unien Gregory Louganis (*1960) avait non seulement la pression de remporter une deuxième médaille d’or - aucun plongeur n’ayant jamais remporté deux médailles d’or lors de deux olympiades consécutives - mais il devait aussi porter le poids de sa séropositivité récemment découverte, qu’il dut garder secrète en raison de ce qu’on appellerait bientôt la sérophobie, la discrimination en raison du statut sérologique. Dans ce documentaire émouvant, visible en anglais en ligne , Greg Louganis et son entraîneur, Ron O'Brien, reviennent sur ces jours difficiles et sur la confiance mutuelle dont ils ont dû faire preuve pour entrer dans l’histoire.

Gregory Louganis a publié en 1995, après son retrait des bassins et de la compétition, une autobiographie à succès intitulée Breaking the Surface, qui sera adaptée en téléfilm et dans laquelle il revient notamment sur son enfance, sur son adoption et sur des violences subies, ainsi que sur l’acceptation de son homosexualité. Il y évoque aussi, tout comme dans le documentaire de Jennifer Arnold, son accident lors d’un plongeon à Séoul et sur les quelques gouttes de sang écoulées dans la piscine, qui l’ont longtemps hanté : n’ayant pas encore fait son coming out ni révélé sa séropositivité, le plongeur redoutait en effet d’avoir contaminé d’autres plongeurs ou le médecin qui l’avait soigné sans porter de gants. Mais trop peu de sang s'était répandu dans l’eau et il n’y eut aucune conséquence pour personne.


Image via Wikimedia Commons. Pour l’intégrer : Plaque of Greg Louganis at Florence Joyner Olympiad Park in Mission Viejo, California, Sewageboy, CC0, via Wikimedia Commons



- Alfred Nakache et la montée de l’antisémitisme dans les années 1930


Outre de livres, déjà chroniqués ici, que lui ont récemment consacré Renaud Leblond et Pierre Assouline et dont nous ne pouvons que vous recommander la lecture, le destin tragique d’Alfred Nakache a fait l’objet d’un documentaire biographique et historique de Christian Meunier en 2001, pour lequel le comédien Pierre Arditi a prêté sa voix : Alfred Nakache est né le 18 novembre 1915 à Constantine (Algérie). Très vite, il se fait remarquer par ses exceptionnelles qualités de nageur. En 1931, il devient champion d'Afrique du Nord. Il participe en 1936 aux Jeux Olympiques de Berlin et remporte avec l’équipe de France, le relais 4 X 200 mètres. En 1941, il bat le record du monde du 200 mètres brasse et s’installe à Toulouse après avoir été expulsé de son poste de professeur au lycée Janson de Sailly à Paris en raison de ses origines juives. En 1943, il est arrêté par la Gestapo et transféré à Drancy avec sa famille. En 1944, il est déporté à Auschwitz où sa femme Paule et sa fille Annie vont trouver la mort. Il sera ensuite transféré à Buchenwald et libéré en mai 1945. De retour en France, il reprend aussitôt l'entraînement et redevient champion de France à 31 ans avant de battre un nouveau record du monde. Le documentaire de Christian Meunier, d’une durée de 52’, est visible en ligne :




Il mêle interviews, témoignages, articles de presse et images d’archives qui composent le portrait d’un homme et d’un sportif exceptionnel.

Présenté en juin 2024 au festival du film d’animation d’Annecy, le court-métrage de Florence Miailhe, Papillon, est librement inspiré de la vie d’Alfred Nakache. Visible sur le site Internet de la chaîne Arte jusqu’au 08.08.2025, cette œuvre magnifique de délicatesse et de poésie montre un homme qui nage. Au fur et à mesure de sa progression, ses souvenirs remontent à la surface. De sa petite enfance à sa vie d’homme, tous les souvenirs de celui qu’on surnomme « Artem », le poisson en hébreu, sont liés à l’eau. Certains souvenirs sont heureux, d’autres glorieux, d’autres traumatiques. Cette histoire sera celle de sa dernière nage. Elle nous mènera de la source à la rivière - des eaux des bassins de l’enfance à ceux des piscines - d’un pays d’Afrique du Nord aux rivages de la Méditerranée - des stades olympiques aux bassins de rétention d’eau - des camps de concentration aux plages rêvées de la Réunion. L’homme finira par disparaître dans le bleu infini de la mer.



-        Christine Caron, reine et icône des bassins dans les années 1960


En 1966, le réalisateur Dominique Delouche consacre un documentaire-portrait d’une durée de 10’, Aquarelle, à la nageuse Christine (surnommée « Kiki ») Caron, alors âgée de 17 ans et offre ainsi une visibilité bienvenue à la natation féminine, en dehors des prestations chorégraphiées d’une Esther Williams glamourisée par le cinéma des années 1940 et 1950 :



On voit dans ce documentaire Christine Caron lors de ses séances d’entraînement à la piscine des Tourelles, à Paris (devenue entre-temps la Piscine Olympique Georges Vallerey). La nageuse, qui fut médaillée d’argent de natation aux Jeux olympiques de Tokyo en 1964, commente elle-même les images de ses compétitions et de ses entraînements, à la fois aquatiques et gymniques, sous la houlette de Suzanne Berlioux. Comme l’écrit Térésa Faucon dans un article consacré à Dominique Delouche [Études théâtrales 2021/1 (N° 68), pages 60 à 69], lors de ces séances d’entraînement, « les gestes de la nage […] sont étudiés, disséqués, hors de leur milieu, hors de l’apesanteur de l’eau, mimés par un corps en appui sur une table d’observation. Découpés et répétés, ils constituent un répertoire de mouvements possibles ou un alphabet de mouvements mécaniques, comme sur les différents dessins de Léonard de Vinci épinglés dans le décor. La correspondance entre les mouvements mécaniques et anatomiques est encore soulignée par le cadrage qui donne des équivalences entre premier et second plans (Suzanne Berlioux presque floue montre le mouvement des bras du crawl devant un croquis de barque avec des rames) ou donne l’impression d’un corps hybride avec l’extension du mouvement humain par le mouvement mécanique d’un appareil d’entraînement, du bras de chair par le bras de fer. Le corps est toujours sujet aux métamorphoses, à l’hybridation, à la transformation. Et le mimétisme animal est aussi développé, ne serait-ce que par le nom de la nage papillon ou la brasse, souvent comparée à la grenouille. […] ».


Christine Caron (à droite) avec son entraîneuse Suzanne Berlioux, le 18 août 1966.

Image via Wikimedia Commons


-        Jean Taris filmé par Jean Vigo en 1931, une contribution technique à la cinématographie


Le réalisateur tourna un court-métrage d’une durée de 9’ intitulé La Natation par Jean Taris, que l’on trouve aussi sous le titre Taris, roi de l’eau : 




Célébration des prouesses techniques du nageur Jean Taris (1909-1977), ce film de commande pour les studios Gaumont fut réalisé dans la piscine du Sporting Club à Paris, en une semaine au lieu des trois jours initialement prévus, tant Jean Vigo se montra rigoureux et perfectionniste. Le film apparaît comme une célébration du mouvement bien exécuté et de l’effort sportif, ainsi que comme une avancée cinématographique : les plans du nageur sous l’eau furent saisis à travers des hublots, inaugurant une technique de tournage subaquatique qui intègre les gros plans, les ralentis, la marche arrière et les surimpressions. Cependant, Jean Vigo ne fut pas satisfait de ce film, qu’il renia peu après son tournage, même si les prises de vue sous l’eau lui seront utiles pour son film suivant, L’Atalante.


-        Johnny Weissmuller, des Jeux olympiques à Tarzan, et la virilisation du corps masculin


Johnny Weissmuller (1904-1984) fut incontestablement l’une des figures qui a contribué à lier piscine et sportivité spectaculaire du corps masculin.  Né János Péter Weissmüller dans l’empire austro-hongrois, émigré aux États-Unis alors qu’il est âgé de quelques mois seulement, le jeune Johnny, venu à la natation pour des raisons médicales (la poliomyélite), bat des records et devient, dans les années 1920, une star de la discipline, récoltant plusieurs médailles lors des Jeux olympiques, à Paris en 1924 puis à Amsterdam en 1928. Son physique athlétique lui vaudra des contrats publicitaires pour une marque de sous-vêtements avant d’incarner, sur grand écran, à partir de 1932, le mythique Tarzan, rôle qu’il interpréta à une dizaine de reprises au cinéma entre 1932 et 1948, faisant du corps masculin sportif, musclé et performant un idéal de beauté masculine.

Un documentaire de Florian Iepan, d’une durée de 52’, intitulé Tarzan, le seul le vrai, vous permettra d’en savoir plus sur cette icône :





-        Katerine Savard et Ariane Mainville, de la compétition aux doutes de l’après-carrière


En 2020, la nageuse canadienne Katerine Savard incarne Nadia Beaudry, une nageuse de fiction dans le long-métrage de Pascal Plante, lui-même ancien nageur de haut niveau, Nadia Butterfly :



Nadia est une nageuse de papillon canadienne. Aux Jeux olympiques de Tokyo de 2020 (le film a été tourné avant la pandémie), elle termine 4e sur le 100 mètres papillon en individuel. Le relais 4X100 mètres 4 nages dames est ensuite sa dernière course. Elle a en effet décidé de mettre fin à sa carrière de nageuse professionnelle pour reprendre ses études de médecine. Une fois la course terminée, Nadia se retrouve face à son avenir inconnu, elle dont toute la vie avait été jusque-là totalement encadrée. Après une nuit de fête très arrosée avec d’autres sportifs olympiques, Nadia erre dans Tokyo, désorientée par la question de l’après-carrière et de son avenir.

Ariane Mainville, autre nageuse-actrice dans ce film, est la sœur de Sandrine Mainville, qui a été la première nageuse du Canada dans le relais médaillé de bronze du 4X100m nage libre féminin à Rio en 2016.




-        Sara et Yousra Mardini, guerre, exil et héroïsme


Autre duo de sœurs, Yusra et Sara Mardini sont originaires de Syrie. En 2015, elles fuient la guerre en Syrie, par le Liban et la Turquie avant d’embarquer pour l’île de Lesbos. Suite à une panne nocturne sur le bateau, les deux sœurs ainsi qu’une troisième femme – les seules personnes à bord sachant nager sur les vingt passagers – se mettent à l’eau pour pousser et tirer l’embarcation durant trois heures jusqu’au rivage.  Yusra demande et obtient l’asile politique en Allemagne, ainsi que sa sœur, puis d’autres membres de sa famille. Elle s’entraîne au club de natation Wasserfreunde Spandau 04 en vue des jeux olympiques de Rio, où elle prévoit de s’inscrire en tant qu’athlète réfugiée. Yusra y remporte sa série des 100 mètres papillon en août 2016 mais son temps ne lui permet pas d’accéder aux demi-finales. Elle est par ailleurs nommée ambassadrice de bonne volonté par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Yousra Mardini, ONU Brasil, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons


En 2019, Yusra Mardini publie un récit autobiographique qui relate son parcours, sous le titre Butterfly. En 2022, la réalisatrice Sally El Hosaini a adapté pour la plateforme Netflix l’histoire de Yusra Mardini dans un film intitulé The Swimmers (Les Nageuses). En 2022 également, un reportage germano-britannique réalisé par Charly W. Feldmann, diffusé sur la chaîne télévisée Arte et intiulé Sara Mardini - Nager pour l'humanité rend hommage à la sœur aînée de Yousra et à son engagement en faveur des réfugiés au sein d’une ONG, ce qui lui vaudra un procès et une détention de plus d'une centaine de jours.


-        Julie Gautier, apnée, danse et deuil périnatal

Le 8 mars, 2018, journée internationale du droit des femmes, l’apnéiste Julie Gautier, détentrice en 2007 du record de France d’apnée en poids constant avec une profondeur de 68 mètres, publie une vidéo intitulée Ama, où elle danse sur le sol de la fosse à plongée « The Deep Joy-Y-40 » sur une chorégraphie d’Ophélie Longuet. L’apnéiste déclare : “Ama est un film sans parole qui raconte une histoire que chacun peut interpréter à sa manière, selon son propre vécu, tout est suggéré, rien n’est imposé. J’ai voulu mettre dans ce film ma plus grande douleur en ce monde. Pour qu’elle ne soit pas trop crue je l’ai enrobée de grâce. Pour qu’elle ne soit pas trop lourde je l’ai plongée dans l’eau. Je dédie ce film à toutes les femmes du monde.” Si Julie Gautier reste très pudique, la chorégraphie ainsi que la dédicace finale « To my tiniest daughter… » nous font comprendre que la vidéo puise son origine dans l’expérience douloureuse du deuil périnatal :





-        Brian Blum et Steele Johnson, ou comment surmonter le traumatisme de la blessure

En 2015, Brian Blum, qui pratiquait lui-même le plongeon et envisageait une carrière sportive, met en scène dans le court-métrage Blood and Water, d’inspiration autobiographique, son compatriote Steele Johnson, médaillé d’argent pour les Etats-Unis en haut-vol à 10 mètres synchronisé lors des Jeux de 2016 à Rio avec David Boudia. Dans le film de Brian Blum, Garrett Delaney espère atteindre le niveau mondial en plongeon, lui qui est entraîné depuis son plus jeune âge par sa mère Tracy. Mais un très grave accident à l’entraînement ébranle sa confiance dans son rêve olympique. Il doit prendre une décision, abandonner ou poursuivre son idéal, quitte à en mourir. Ce film, d’une durée de 20’, qui aborde les conséquences à la fois physiques et psychiques d’une blessure, ainsi que la difficulté d’être entraîné par un membre de sa famille, est visible en anglais en ligne :






-        Théo Curin, faire du handicap une force

Théo Curin dut être amputé de ses quatre membres suite aux complications d’une méningite contractée durant son enfance. Sa rencontre avec Philippe Croizon, lui aussi quadruple amputé, le pousse à commencer la natation. À l’âge de treize ans, il intègre le pôle France handisport de natation à Vichy et participe à ses premiers championnats de France puis se qualifie pour les Jeux paralympiques à seulement 16 ans. Benjamin de l’équipe de France aux Jeux paralympiques de Rio, il terminera au pied du podium sur le 200m nage libre. En 2022, un épisode de l’émission Arte Regards lui est consacré, documentant le défi qu’il a décidé de relever suite au report des JO de Tokyo pour cause de pandémie: en novembre 2021, le Français a ainsi été le premier à traverser à la nage le lac le plus haut du monde, le lac Titicaca, entre le Pérou et la Bolivie, avec deux co-nageurs, la médaillée d’argent Malia Metella et l’aventurier Mathieu Wietvoet, parcourant pour cela à la nage 120 km, à 3 800 mètres d’altitude, dans une eau à 9°C. Ce reportage est disponible en ligne jusqu’au 20.02.2026 : https://www.arte.tv/fr/videos/100834-002-A/arte-regards/


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