top of page

Cinq bonnes raisons de regarder "Une Équipe Hors du Commun"

Les séries sur le baseball sont rares du côté américain. Si le National Pastime a eu droit à de nombreux -très- bons films de cinéma, à quelques téléfilms et à de nombreuses références dans les séries, il a été rarement au centre de toute une série. Néanmoins, il existe quelques exemples ces dernières années : Eastbound and Down, Brockmire, Pitch et, depuis le 12 août, A League of Their Own sur Prime Vidéo. En version française, la série se nomme Une Équipe Hors du Commun. Ces titres, en anglais ou en français, ne vous seront peut-être pas inconnus. En effet, la série est une adaptation du film du même nom, sorti en 1992 et réalisé par Penny Marshall, avec en tête d'affiche Geena Davis, Tom Hanks et Madonna. Ce film culte du sport permit, à l'époque, de mettre en lumière la ligue professionnelle féminine de baseball, la All-American Girls Professional Baseball League, une ligue qui fut fondée par le propriétaire des Chicago Cubs, Philip Wrigley, magnat du chewing-gum, pour contrecarrer une possible cessation d'activité de la MLB à cause de la Seconde Guerre Mondiale. La série reprend l'idée pour explorer plus avant la condition féminine de l'époque, notamment autour des questions LGBT et de discrimination raciale.



Voici cinq bonnes raisons de regarder la série Une Équipe Hors du Commun.


Un hommage au film mais pas une adaptation très libre


Si vous aviez peur de voir le film adapté en série, rassurez-vous, ce n'est pas le cas. La série prend un autre chemin tant sur les thématiques (homosexualité, homophobie, racisme) que sur l'histoire, avec de nouveaux personnages et de nouvelles intrigues. Exit Dottie Hinson et sa sœur Kit ou encore Jimmy Dugan. Certains personnages de la série vont bien partager quelques points communs avec ceux du film mais ils n'en restent pas moins différents, ce qui permet de retrouver le goût nostalgique de la série tout en proposant une œuvre fondamentalement différente. Néanmoins, la série ne manque pas de placer quelques références connues du film comme le fameux « There's no crying in baseball ».


Un récit queer, féministe et antiraciste puissant


Le film de 1992 était un film engagé et inspirant. Mais, comédie de sport hollywoodienne, le film ne pouvait aller trop loin dans son propos. Un propos essentiellement féministe qui ne faisait pas de place aux thématiques de l'homosexualité ou du racisme, hormis une scène particulière permettant une petite référence à la ségrégation. La série est de son époque. Black Lives Matter, Me Too et les luttes LGBT sont passées par là. Elle prend donc en compte des réalités de l'époque qui n'étaient pas traitées par le film. Tout ceci donne un puissant récit queer, féministe et antiraciste, permettant de mieux comprendre les enjeux de l'époque, les difficultés rencontrées par ces femmes qui voulaient jouer au baseball, et à travers le jeu, revendiquer leur citoyenneté, leurs désirs et, tout simplement, leur existence même. Une Équipe Hors du Commun, en plaçant des sujets toujours d'actualité, dans un contexte passé, accentue notre regard contemporain sur les dits sujets, le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir.


Parmi tous ces sujets, l'homosexualité féminine est centrale dans le récit. Véritable fil rouge de la série, elle renvoie à une réalité longtemps restée dans l'ombre, y compris par le choix de certaines joueuses. On pense immanquablement au documentaire Netflix A Secret Love où une ancienne joueuse de la AAGPBL, Terry Donahue, et son amie Pat Henschel révèlent, après 70 ans de secret, leur relation amoureuse. Elles s'étaient rencontrées alors que Terry Donahue avait déjà intégrée la ligue. Récemment, l'ancienne joueuse et porte-parole de la AAGPBL, Maybelle Blair, a fait son coming out à 95 ans. Une Équipe Hors du Commun, dans un parfait équilibre comédie/drame, replace enfin cette réalité au centre de la mémoire collective du baseball et de l'Amérique.




Une plongée dans le premier âge d'or du baseball au féminin


Les femmes ont très tôt joué au baseball malgré d'incessants obstacles posés par la société patriarcale. De nombreuses femmes, dès la fin du 19ème siècle, jouèrent en professionnelle, y compris avec des hommes. Mais cela ne signifiait pas que c'était la norme. Dans les années 1930, les femmes furent même conduites vers une porte de sortie, le softball, afin que le baseball reste un jeu masculin. La AAGPBL des années 1940 (elle cessera ses activités en 1954) est donc autant une bizarrerie historique qu'un véritable âge d'or du baseball au féminin. Durant 11 saisons, des femmes furent payées pour jouer au baseball devant un public nombreux (on estime à plus d'un million de spectateurs cumulés pour la saison 1948). Une Équipe Hors du Commun nous plonge dans le début de cette aventure. Les puristes pourront regrettés, comme avec le film, quelques libertés avec la vérité historique. Mais, comme avec le film, la série veut nous immerger dans l'état d'esprit du baseball et de la société d'alors plutôt que de narrer un récit historique purement factuel. Et, comme avec le film, ça fonctionne.


Qui plus est, le série ne cesse de nous montrer de plus en plus de baseball à mesure que les intrigues progressent, nous amenant aussi dans d'autres baseball que celui de la AAGPBL comme le baseball industriel, attaché aux usines participant à l'effort de guerre, ou le Black Baseball. L'occasion, à travers certains personnages, de voir se dessiner de véritables pionnières, comme les joueuses des Negro Leagues, une histoire absente du film de 1992, alors même que leur histoire est connectée à la AAGPBL qui en refusa certaines puisque la ligue était ségréguée.



Un pool d'actrices exceptionnel avec D'Arcy Carden en tête


A série féministe, casting féminin étoffé. Un casting plein de talent mené par une D'Arcy Carden qui rayonne le long des huit épisodes de cette première saison. Reprenant le rôle de la joueuse pleine de charme assumant ses envies, tenu par Madonna dans le film, D'Arcy Carden (Greta Gill) y ajoute une palette d'émotions plus large afin d'épouser l'intrigue et ses soubresauts. Les deux rôles principaux sont tenus par Abbi Jacobson (Carson Shaw) et Chanté Adams (Maxine « Max » Chapman). Abbi Jacobson, qui est aussi la co-créatrice de la série avec Will Graham, interprète une receveuse douée mais manquant de confiance en elle. La ligue va pouvoir lui permettre de s'affirmer et de se découvrir. Chanté Adams, quant à elle, joue le rôle d'une lanceuse africaine-américaine pleine d'énergie et d'envies qui va essayer d'accomplir son rêve de devenir professionnelle malgré les nombreux obstacles qui s'opposent à elle. Bien entendu, le casting ne s'arrête pas là. On citera la drôlissime Gbemisola Ikumelo, autre actrice illuminant la série, mais aussi Roberta Colindrez, Kelly McCormack, Mélanie Field, Kate Berlant, Lea Robinson, Saidah Arrika Ekulona ou encore la star Rosie O'Donnell en tenancière ou tenancier de bar gay, qui jouait déjà dans le film dans le duo de joueuses amies avec Madonna. Autant d'actrices qui vont interpréter à merveille des femmes de caractère qui doivent lutter pour trouver leur place dans un monde sexiste et raciste.


Une série haute en couleurs


La série présente des qualités artistiques indéniables. La bande sonore alterne entre musique d'époque et contemporaine. La photographie, les décors, les couleurs, les costumes, tout est chatoyant, coloré. Cette approche permet un rendu visuel et sonore agréable mais surtout nous ancre dans l'époque, effaçant la distanciation temporelle entre 1943 et 2022, permettant aux thèmes de la série de garder leur actualité et non quelque chose de passé, de déconnecté de notre présent.


De plus, la série manie humour, drame et questionnements politiques avec finesse afin de garder un équilibre. Les fans de baseball pourront regretter que le baseball en lui-même ne soit pas assez central mais il agit ici comme une toile de fond révélatrice des obstacles et des possibilités qui surgissent dans le parcours des femmes, notamment des femmes noires et/ou lesbiennes durant les années 1940. De plus, le baseball reste très présent et les scènes de match plus nombreuses quand approche la fin de saison. De quoi ravir les fans de la petite balle blanche aux coutures rouges.


Petit avertissement : la série est en mode diesel sur ses deux premiers épisodes. S'ils sont plaisants, ils ont surtout pour objectif d'installer les personnages et les intrigues. La série prend son envol définitif au 3ème épisode donc conseil vous est donné de persister au-delà des deux premiers.


Gaétan Alibert





Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
bottom of page