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Du journalisme cash



« Il y a des peuples qui naissent pour créer des footballeurs et d’autres qui naissent pour les acheter », Manuel Vázquez Montalban, Ligue de trafiquants.



La citation de Manuel Vázquez Montalban donne le ton de l’enquête de Juan Pablo Meneses. Combien vaut un enfant ? Comment peut-on acheter un jeune footballeur pour mieux le revendre à un club professionnel ? La traque des footballeurs traite de la marchandisation des mineurs d’Amérique du Sud, terre promise des futurs talents tout autant que terrain de chasse des recruteurs.


« Dans le football sud-américain , on ne se bat plus pour gagner des titres mais pour vendre le plus de joueurs. »


Le journaliste chilien montre la perversité de ce business où tout le monde est complice. L’enfant rêve de jouer au Barça, la famille de sortir de la misère, l’agent ou l’éducateur de gagner de l’argent et les clubs pros de trouver le nouveau Neymar, Sanchez ou Messi. Le circuit est rodé : il faut repérer un joueur mineur, âgé d’environ 10 ans, acquérir ses droits économiques (tutelle), montrer une vidéo de ses exploits, mis sur Youtube, à un journaliste, le vendre rapidement en Espagne ou Italie, si possible avec un passeport européen. La recherche de jeunes talents est industrialisée, les grands clubs (PSG, Chelsea et surtout le FC Barcelone) ont implanté des écoles de football. Leur discours est toujours le même : faire découvrir le club au mineur, transmettre des valeurs, privilégier la dimension sociale à la dimension économique. Un système cynique et pervers qui déverse des milliers de jeunes footballeurs dans un « terrible entonnoir », sans assurer de leur réussite.


« Exploiter des enfants footballeurs est très mal mais voir votre équipe remplie de stars est merveilleux. Celui qui veut montrer ce que personne ne veut voir gagne là aussi. Au final, nous gagnons tous quelque chose. Certains beaucoup, d’autres moins mais tout le gagne au final. C’est ça, la vraie défaite ».


Le style brut de Meneses correspond au « journalisme cash » de son enquête. Le vocabulaire est violent et les comparaisons choquantes. Les enfants sont considérés comme des chevaux de course ou du bétail, un amusement pour divertir des bourgeois ou enrichir des agents. Le travail d’investigation de l’auteur a permis de mettre en lumière une pratique déjà répandue dans ce continent, mais surtout de renforcer la lutte contre l’exploitation des mineurs.


Juan Pablo Meneses, La traque des footballeurs, Talent Sport, 2016


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