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Entretien avec Julien Bernard : "Défendre la littérature sportive avec ses spécificités"

Après à peine plus de deux années d'existence, les éditions Salto comptent déjà dix titres à leur catalogue de "sport en toutes lettres" et ont déjà mené un de leurs auteurs dans la short-list du Goncourt de la nouvelle (Benoît Decock pour Fausses pelles). Ces premiers succès ne cachent toutefois pas la réalité d'une littérature méconnue (et donc pas toujours facile à vendre !), placée entre exigence poétique et magie sportive. Un échange s'imposait, donc, avec Julien Bernard, éditeur qui fait s'allier la prose et les schémas tactiques en tous genres.


Peux-tu nous présenter ton parcours et nous expliquer ce qui t'a orienté vers la création d'une maison d'édition tournée vers le sujet sportif ?

Au niveau des études, j'ai un parcours littéraire, avec une spécialisation dans les métiers du livre (à l'IUT de Saint-Cloud). J'ai ensuite travaillé plusieurs années dans le domaine des guides de voyage, comme rédacteur et comme éditeur. Parisien d'origine, j'ai déménagé il y a trois ans avec femme et enfant pour venir m'installer dans le Gard. C'est là que l'envie de créer une entreprise, qui me titillait depuis un bout de temps, s'est concrétisée.

L'idée de la maison d'édition autour de la littérature sportive m'est venue d'un coup. Après la lecture d'un roman : L'Art du jeu, de Chad Harbach, dont l'intrigue se passe dans le milieu du base-ball. Ce livre a été une révélation, et j'ai alors cherché d'autres romans « sportifs ». Je me suis alors aperçu qu'il n'y avait pas d'éditeur en France spécialisé dans ce domaine...



Peux-tu situer les éditions Salto dans le monde de la "littérature sportive", aux côtés d'autres éditeurs comme Hugo, Solar ou Talent ? Quel est le ton et l'orientation de ton catalogue ?

C'est difficile de comparer Salto à ces maisons d'édition. Sans faire partie de leur équipe éditoriale, j'ai l'impression qu'elles sont toutes les trois tournées vers un public de passionnés de sport. On lira la biographie de Djokovic ou une enquête sur l'OM parce qu'on est intéressé par le sujet. Le travail réalisé en amont de l'écriture est une véritable investigation journalistique.

C'est d'ailleurs ce qu'explique Bruno Colombari, qui a écrit et publié 12 juillet chez Salto : il a dû se défaire d'un certain nombre d'habitudes de journaliste pour écrire son roman.

Salto fait du sport un sujet littéraire. Peu importe qu'on colle, ou non, à la réalité. Les livres que nous éditons veulent être des œuvres littéraires : romans, nouvelles, récits, biographies romancées, contes. On se rapproche davantage de certains titres édités dans la collection bleue des Éditions Stock, par exemple : Scènes de boxe, de Elie Robert-Nicoud, À tombeau ouvert, de Bernard Chambaz ou Printemps 76, de Vincent Duluc.

Et, comme j'aime le répéter : on n'est pas obligés d'aimer ou de s'y connaître en sport pour apprécier nos livres ! C'est d'ailleurs le cas de mon épouse et associée, qui est loin d'être une grande amatrice de sport.


La littérature sportive est-elle particulière ? A-t-elle besoin d'une forme d'engagement pour s'imposer dans le panorama culturel ? En quoi cette singularité oriente ton travail ?

La littérature sportive est en effet assez particulière, comme toutes les niches éditoriales. Disons que la principale difficulté réside dans la dualité sport/littérature. On peut à la fois séduire des lecteurs « classiques » et des amateurs de sport. Ce qui est autant un avantage qu'un inconvénient.

Les libraires, par exemple, se demandent dans quel rayon placer les livres de Salto : le rayon sport ou le rayon littérature. Je préfère qu'ils soient placés en littérature, où ils peuvent côtoyer Courir de Jean Echenoz ou Dans la foule de Laurent Mauvignier... Si certains de nos de titres peuvent être « doublement » placés, d'autres n'ont absolument rien à faire au rayon sport ! Je pense notamment aux romans Le lob du destin de Thomas Roussot ou Premier danseur, simple sujet de Mathilde Denanot. Mais je comprends la difficulté des libraires à l'accepter comme tel, surtout que Salto est une jeune maison d'édition, pas encore installée dans le paysage éditorial français.

Nous avons beaucoup hésité à la manière de monter notre stand sur les salons du livre, par exemple. Dans un premier temps, nous avons tenté de « gommer » le côté sport dans les salons généralistes car il rebute un certain nombre de clients potentiels. Et puis finalement, les derniers salons nous ont montré qu'il fallait l'aborder de manière complètement décomplexée.

Je pense en tout cas qu'il faut défendre la littérature sportive avec ses spécificités : le sujet, l'univers. Mais aussi démontrer que la littérature sportive n'est au final qu'un champ littéraire parmi les autres. Au-delà du paysage sportif, on retrouvera toujours les mêmes « ingrédients » : passion (au sens classique, comme au sens moderne), lutte, dramaturgie, relations humaines, espoir...



As-tu un sujet sportif que tu aimerais particulièrement éditer : un sport, un événement, une figure ?

C'est difficile ça... Les sujets ne manquent pas. Globalement, je trouve que la littérature autour de l'équipe de France de football est un peu absente. Il y a eu quelques romans autour de Séville 82, de Pierre-Louis Basse notamment. 12 juillet, bien sûr, de Bruno Colombari. Et il y aussi eu, récemment, l'uchronie de Louis Dumoulin Des bleus dans les yeux. Mais éditer un roman qui arrive à parler de France-Israël et France-Bulgarie en 93, et à saisir le « vide » que cela a créé notamment pour toute notre génération, me plairait beaucoup...

La confrontation entre le PSG et Barcelone en Ligue des Champions cette année (victoire du PSG 4-0 à l'aller, et défaite 1-6 au retour) serait aussi un beau sujet : ou comment passer du tout au rien en l'espace de quelques semaines.

Un livre décrivant une des grandes rivalités du sport me tenterait bien aussi. Mais c'est un sujet difficile à traiter, sans tomber dans le discours « Ils se sont rendus meilleurs... ». Pourquoi pas celle entre Tyson et Holyfield (l'épisode de la morsure a d'ailleurs 20 ans tout juste !) ?


Enfin, peux-tu nous présenter en quelques mots les prochaines sorties et ce qui va t'occuper dans les prochaines semaines ?

Au mois d'août sortiront deux romans. Le premier est intitulé L'empreinte effacée. Il a été écrit par Jean-Louis Borde, qui va signer son premier livre. L'histoire se déroule entre 2017 et les JO de Paris 2024 et a pour « sport central » le marathon. Il mêle sport, technologie et quête d'identité... Mais surtout, c'est un roman résolument optimiste, qui fait beaucoup de bien au moral !

Le second livre s'appelle Mister George. Il s'agit d'une biographie romancée (contée à la manière d'une fable africaine, même), de George Weah, ancien joueur de football libérien, star du PSG des années 90 et seul Africain à avoir remporté le Ballon d'or. L'auteur, Antoine Grognet, est journaliste chez RFI et est un grand admirateur du football africain.

Donc voilà... il y aura donc la publication de ces deux romans, que nous sommes en train de finaliser, leur promotion et celle des autres titres de Salto, des salons...

Et puis, je vais aussi travailler à la recherche d'autres livres et d'autres sujets. Sans abandonner le créneau « littérature sportive », il faut arriver également à trouver des titres plus rapidement « rentables » que des romans ou des nouvelles. Je pense, par exemple, à des histoires de club, comme nous l'avions déjà fait avec le livre sur le HBC Nantes édité il y a quelques mois...

Si les Éditions Salto sont une affaire de passion, il s'agit aussi d'une entreprise avec ses besoins et ses nécessités !


Découvrez les éditions Salto sur : www.editions-salto.fr

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