Entretien avec Grégoire Carle, dessinateur de la BD « Il était deux fois Arthur » : "La boxe a
Comment est né ce projet de BD autour de la boxe ?
Il s'agit d'un scénario amené par Nine, qui faisait-elle même de la boxe à l'époque où nous étions installés dans le même atelier à Paris. Sa rencontre avec Cravan s'est faite lors de la lecture du livre Viva de Patrick Deville pendant un voyage au Mexique.
De nombreux ouvrages ont déjà été consacré à ces deux boxeurs, que pensez-vous apporter de plus ?
Nous n'avons pas la prétention d'apporter un regard naturaliste sur l'univers de la boxe, même si nous avions tous les deux fais un peu de savate, Nine à Paris et moi à Strasbourg. Ce sont surtout les personnages de Johnson et Cravan qui nous ont intéressés par leur trajectoire hors norme, leur vie en dehors des clous. Mais la boxe joue un rôle central en tant que catalyseur, d'outil d'émancipation dans le combat que mènent Johnson et Cravan pour leur liberté.
Comment avez-vous travaillé pour articuler le scénario et le dessin ?
Au début du travail graphique, nous avions des échanges journaliers sur chaque nouvelle planche, j'avais besoin d'avoir l'avis et l'aval de Nine, pour accorder nos visions. Par la suite, une fois les premiers pas validés, ces échanges se sont raréfiés car j'avais besoin de m'approprier les personnages et l'univers, d'être dans ma bulle avec le texte pour le faire entrer en résonance avec mon univers propre, pour m'éloigner du story board de Nine si nécessaire.
Nous sommes tous les deux auteurs et c'est la première fois que nous avons travaillé de manière collaborative. C'était assez enrichissant de voir la façon dont Nine menait son scénario, et son story board qui m'indiquait les plans à rentrer dans chaque page. :Elle est très carrée, beaucoup plus que moi...
En dehors du match de Barcelone, existe-t-il des similitudes entre Cravan et Johnson ?
Tout le livre est organisé en miroir avec un personnage de chaque côté du diptyque. Les deux personnages ont mené un combat pour leur émancipation, mais bien-sûr l'enjeu n'était pas le même pour un afro-américain qui combat pour sa vie et un bourgeois qui cherche à bousculer l'establishment.
Comment considérez-vous le match à Barcelone ?
Du point de vue sportif il n' y a pas grand chose à en tirer, c'était une mascarade, organisée pour l'argent. Rétrospectivement cet évènement a été considéré comme le premier happening de l'histoire de l'art, c'est plutôt sous cet angle que nous l'avons abordé.
Pour vous, Cravan est-il un imposteur ou un génie ?
Les deux ! Sous le costume de charlatan, il y a une réelle posture d'écrivain, de poète, de critique d'art. La lecture de ses poèmes nous conforte dans l'intuition d'un personnage multiple, complexe. Son obsession de gloire était motivée par une certaine lucidité vis-à-vis de son talent.
La boxe est un sport extrêmement présent dans la culture, que ce soit au cinéma, en littérature, dans la BD, comment expliquez-vous cela ?
Je pense que c'est un sport qui a été souvent utilisé pour illustrer de grandes causes du 20ème siècle, combat contre le racisme, la ségrégation, lutte des classes... C'est aussi par cet angle que nous abordé ce sujet.
En ce qui concerne les arts visuels, cette lutte des corps est extrêmement graphique à représenter, avec des ressources énormes en terme de composition, même si au bout de 170 pages, je commençais un peu à fatiguer sur la mise en scène !
Quelles sont vos œuvres favorites sur la boxe ?
Difficile de ne pas citer Raging Bull, un grand classique. Comme toujours avec Scorsese on prend un immense plaisir à se replonger dans les ambiances de ses films.
La bio When we were King de Léon Gast m'avait fasciné à l'époque où je l'ai vu, il y a quelques années.
On retrouve des fois l'univers de la boxe dans les sublimes albums en noir et blanc de Munoz et Sampayo, notamment le bar à Joe si mes souvenirs sont bons. Munoz est pour moi un des plus grands dessinateurs, incontestablement le maître du noir et blanc, c'est une des influences dans mon dessin.
