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Faut-il regarder "The English Game" ?

Football et lutte des classes, voilà comment pourrait se résumer la nouvelle série de Netflix. The English Game nous fait voyager dans le temps pour vivre les balbutiements du football professionnel, où le terrain de sport devient aussi celui des luttes. Mais ce résumé serait un peu trop facile car la série offre bien plus. Voici cinq bonnes raisons de regarder cette bonne série, même si elle n’est pas exempte de tout reproche.

L’histoire


A Londres, les Old Etonians d’Arthur Kinnaird, dignes représentants de l’aristocratie britannique, remportent une nouvelle fois la Coupe d’Angleterre de football. A Darwen, l’équipe de l’usine de textile se voit renforcer par deux excellents joueurs écossais, dont le prodige Fergus Sutter, afin qu’elle puisse se mesurer aux équipes de l’aristocratie qui trustent les titres. Et voilà comment le décor est planté pour une triple lutte. Aux luttes sociales qui opposent l’aristocratie et la bourgeoisie aux ouvrières et ouvriers s’ajoutent la lutte entre football amateur et professionnel ainsi qu’entre un jeu rustre et brutal face au football de passes importé par Sutter d’Ecosse. Trois luttes intimement liées.


Si vous vous attendez à un docu-fiction retraçant fidèlement la réalité historique des débuts du football professionnel, vous serez profondément déçus. Certes, The English Game reprend des éléments historiques réels pour brosser un tableau de cette période décisive dans l’histoire du football mais elle prend aussi des libertés avec la réalité historique, à la fois pour condenser en peu de temps un processus de plusieurs années mais aussi pour narrer un récit de fiction dynamique avec ses rebondissements.


Les puristes crieront à l’infamie. Les habitués de la fiction de sport en comprendront les enjeux. C’est le lot de nombreux films sportifs que de prendre quelques libertés, parfois énormément, avec la véracité des faits historiques, pour conter une histoire, et non simplement l’Histoire. Ces libertés ne seront pas un problème si votre curiosité vous emmène à la découverte de la véritable histoire de Fergus Sutter et d’Arthur Kinnaird, des Old Etonians et du Darwen FC, pour mieux découvrir ou redécouvrir les origines du football professionnel (en lisant par exemple Une histoire populaire du football de Mickael Correia). C’est souvent là la qualité des films de sport, basés sur des histoires vraies, que d’éveiller notre curiosité.


L’esthétique


L’une des grandes forces de la série, et c’est là une marque de fabrique des séries Netflix, est son esthétique. Que ce soit les costumes, les décors, la photographie, la lumière, les couleurs, The English Game est un régal pour les yeux, permettant une immersion totale dans la série et son histoire. Simple, basique.


Les scènes de jeu


On regrettera qu’il n'y en ait pas assez. On regrettera encore une fois que la fiction n’arrive pas à retranscrire la magie de ce jeu comme nous la vivons au stade ou lors d’une retransmission TV. Pourtant, malgré tous ces défauts, les scènes de match sont l’une des qualités principales de la série pour la simple raison qu’elles nous montrent ce football des premiers temps, comment on y jouait, comment étaient faits les terrains, les poteaux, les uniformes, le ballon, l’ambiance des matchs à l’époque et des tactiques qui font, naturellement vu leur histoire commune, plus penser au rugby parfois qu’au football que nous connaissons. Une manière de mesurer le chemin accompli par ce sport.


Les intrigues


La force de The English Game est de multiplier les intrigues, principales ou secondaires, en les imbriquant au fur et à mesure de la série. Ceci permet de donner une vraie densité à cette mini-série de six épisodes, qui font de 43 à 55 minutes. Mais cette densité est également due à la qualité de ces intrigues qui explorent différentes facettes des personnages et de leurs univers, à la fois diamétralement opposés quand il s’agit de conditions de vie, et très proches en ce qui concerne les drames individuels (mort) et les relations humaines (amour). Elles ont aussi, comme qualité, de ne pas sombrer dans un manichéisme facile, tant sur l’aspect lutte des classes que sur l’opposition professionnalisme/amateurisme dans ce football de la fin des années 1870. Pour autant, elle n’édulcore pas la réalité vécue par les uns et les autres, ni l’hypocrisie de la situation défendue par les « gentlemen » reprochant aux équipes ouvrières d’être de plus en plus professionnelles alors qu’eux-mêmes jouissaient d’un certain professionnalisme grâce à leur aisance financière.


Au final, les petites histoires s’enrichissent entre elles, tout comme l’histoire des origines du football professionnel s’enrichit des intrigues individuelles et collectives des personnages, offrant une narration riche et dynamique à la série. Bien sûr, on pourra regretter que toutes ces intrigues rognent une part non négligeable de l’histoire consacrée au football, particulièrement les matchs. On pourra rétorquer que nombre des meilleures fictions sur le sport ne laissent que peu d’espace à la pratique sportive, dans leurs pages ou sur l’écran.



Les personnages


Le format d’une mini-série ne permet naturellement pas d’aller trop loin dans l’exploration des personnages, avec le risque d’en faire des caricatures pour asseoir rapidement les intrigues. C’est un écueil auquel échappe globalement la série. De manière générale, les personnages sont tout en nuance, évoluant par petites touches tout au long des épisodes. Les non-dits sont nombreux avant de déboucher sur une scène de révélation, ce qui permet aux actrices et acteurs d’explorer plusieurs registres d’émotion. Et le jeu des acteurs et actrices, tout en justesse, est certainement l’un des atouts de la série.


La série repose avant tout sur son duo de premier rôle, les deux stars du ballon rond, Fergus Suter (Kevin Guthrie) et Arthur Kinnaird (Edward Holcroft), véritables locomotives de l’intrigue principale autour du football, pleinement représentants de leur classe sociale tout en étant capables de la dépasser, grâce à leur passion et leur talent pour le football. En cela, ils représentent un football fantasmé qui serait au-dessus des réalités sociales du monde.


Au-delà des deux premiers rôles, la galerie de personnages donne tout son sel à la série, avec de nombreux rôles passerelle entre les univers ou les intrigues, condensant la grande Histoire et les petites histoires dans un univers où tous les personnages sont liés, que ce soit par des relations affectives, des ambitions communes ou des souffrances partagées. Cependant, la série n’échappe pas à quelques facilités caricaturales chez certains personnages et leur histoire, mais elles restent assez limitées pour ne pas affecter l’ensemble de la série.

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