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Comment tout a commencé, Pete Fromm

Fireballers. Voilà ce que sont Abilene et Austin. Des lanceurs de balles rapides perdus dans une petite ville désertique du Texas. Ils sont aussi sœur et frère. Abilene, l’ainée, entraîne, parfois jusqu’à l’épuisement, son jeune frère à devenir le futur Nolan Ryan, fireballer de légende, Hall of Famer du baseball et texan comme les deux protagonistes principaux du roman. Elle espère d’Austin qu’il réalise le rêve que sa condition de femme lui a interdit : devenir une icône de la Major League Baseball. Abilene et Austin sont inséparables, leur amour fraternel est fusionnel, excluant même leurs parents de cette relation, et le baseball est le théâtre de cet amour. Pourtant, derrière celui-ci, se dissimulait en fait une ombre, la maladie d’Abilene, qui va finir, petit à petit, par envahir la vie de cette famille texane.


Comment tout a commencé de Pete Fromm (publié en 2000 aux Etats-Unis et en 2013 en France par les éditions Gallmeister) appartient à la catégorie de ces romans où le baseball sert de scène aux joies et peines de la vie ainsi qu’aux enjeux de la société américaine. Mais il n’est pas un simple faire-valoir. Son omniprésence dans le roman en fait un révélateur. Ici, ce sont les troubles mentaux d’Abilene qui vont être révélés par le baseball, après que celui-ci les ait invisibilisé durant plusieurs années. Le baseball révèle également les failles familiales et les craintes de chacun. C’est pourquoi Comment tout a commencé, à l’instar de romans de baseball tels que Le Grand Roman Américain de Philip Roth et Le Meilleur de Bernard Malamud, se joue des valeurs traditionnelles du National Pastime, s’amusant à les déconstruire pour mieux se les approprier. Un jeu qui n’est pas spécialement un souhait de départ mais la conséquence logique du style Fromm.


Historiquement, le baseball fut utilisé comme symbole de l’identité américaine. Le terrain, la structure du jeu, les mythes fondateurs l’entourant, tout cela participe d’un idéal dans lequel le baseball représente à la fois l’idée d’exploration, de frontières à conquérir mais aussi d’un retour à un chez soi protecteur, un home sweet home verdoyant, bucolique, une sorte de jardin d’Eden exaltant l’idée d’une nostalgie bienfaitrice pour celui qui explore, pour celui qui part à la guerre ou qui devient un pionnier de la conquête de l’Ouest. Or, le roman de Pete Fromm se plaît à défaire les codes du baseball. Il se moque un temps de la nostalgie des parents d’Abilene et Austin. Le jardin d’Eden n’est qu’une maison isolée au milieu du désert, dans la poussière et la chaleur étouffante d’une région qui n’a pas vu de pluie depuis des années. Le baseball ne se joue pas sur un gazon verdoyant mais dans une ancienne base militaire en ruine. Le baseball n’est pas non plus un lieu de transmission père fils, symbole suprême du National Pastime américain. Ce symbole sera, au contraire, dévoyé par la maladie d’Abilène pour créer une relation fusionnelle avec son frère.


Pourtant, le baseball finira par redevenir ce qu’il est dans la mythologie états-unienne, un lieu d’échange entre un père et un fils, un lieu refuge pour Austin, une boussole pour affronter la tempête Abilene, un lieu de réconciliation et le moyen de partir explorer un ailleurs. Comment tout a commencé aborde de nombreux sujets qu’affectionne Pete Fromm, notamment du fait de son vécu. Il nous parle de la famille et de l’isolement, de l’enfance et de l’adolescence, des épreuves de la vie, de la passion et de la folie, de se dépasser et de ne pas être dépassé, du besoin d’ailleurs et de la nécessité d’un chez soi, autant de thèmes où le baseball se révèle une formidable métaphore de la vie, particulièrement grâce à l’écriture brillante de cet auteur américain, ancien Ranger dans les Rocheuses et joueur amateur de baseball, qui nous immerge totalement dans le récit, sans jamais nous perdre de la première à la dernière page, que l’on soit ou non adepte du baseball.


Ce très beau roman aborde avec subtilité la maladie et son impact sur une famille tout en distillant ici et là des thèmes centraux dans la société américaine comme les armes à feu, le sexisme, le climat et la désertification, tant environnementale que sociale, vécus par de nombreuses petites villes américaines. Non pas que Pete Fromm se définisse comme un auteur militant mais, adepte de l’écriture du réel, il ne peut concevoir que ses personnages évoluent dans un environnement factice.


Comment tout a commencé est un récit de l’intime tout autant qu’une fenêtre sur la société américaine, dans lequel le baseball remplit son rôle à merveille, celui de passeur d’idées et d’émotions.


Pete Fromm. Comment tout a commencé. Editions Gallmeister, 2020.


Ecoutez notre podcast #2 "Quand le baseball met en scène l'Amérique " :


Entretien de Gaétan avec Pete Fromm sur The Strike Out :



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