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Des concours artistiques aux JO : rencontre avec Louis Chevaillier


On sait que l’art et la littérature demandent de la discipline, un entraînement, une rigueur et de la préparation mais saviez-vous que de 1912 à 1948, les Jeux olympiques comprenaient des concours artistiques répartis en cinq catégories ? Comme les athlètes, ils recevaient des médailles en architecture, littérature, musique, peinture et sculpture ! Il y a quelques mois, Louis Chevaillier, écrivain et  membre du comité de rédaction de l’hebdomadaire Le 1, a publié Les Jeux Olympiques de littérature : Paris 1924 chez Grasset. Rencontre.


Comment est venue cette idée d’écrire sur les concours artistiques des JO ?

Je suis tombé sur un article de L’Équipe qui signalait l’existence de concours artistiques aux JO, sans trop s’y appesantir. Raconter leur histoire m’a semblé une façon originale de questionner les relations entre sport, littérature et beaux arts.


Comment as-tu procédé pour tes recherches ?

Je me suis rendu au Centre d’Études Olympiques à Lausanne pour consulter les archives du comité olympique mais aussi au Centre des Archives Diplomatiques de la Courneuve pour mieux mesurer les enjeux politiques de ces concours. J’ai lu des dizaines de romans et de recueils de l’époque, dont les œuvres candidates que j’ai pu retrouver, parcouru la presse et les débats parlementaires, mais aussi nombre d’articles universitaires sur l’évolution du spectacle sportif.


1924 semble être l’acmé des concours artistiques même si les talents se trouvent plutôt dans les jurys que chez les concurrents.

A Paris en 1924, le comité organisateur des olympiades veut donner un rayonnement international à ces concours. Il recrute des célébrités pour constituer les jurys : Igor Stravinsky, Gabriel Fauré et Béla Bartók pour la musique, Antoine Bourdelle et Aristide Maillol pour la sculpture, Foujita pour la peinture. Mais c’est en littérature que la liste des jurés est la plus impressionnante : Jean Giraudoux, Edith Wharton, Paul Valéry, Paul Claudel, Anna de Noailles, les prix Nobel Maurice Maeterlinck et Selma Lagerlöf ou le poète italien Gabriele d’Annunzio… Un panorama des écrivains-notables de l’époque, hors avant-gardes.


Qui sont les concurrents ?

On remarque en peinture le nom de Jacques Henri Lartigue, pas encore célèbre pour ses photographies où il sut comme nul autre capter le mouvement. En littérature, Henry de Montherlant soumet au jury Le Paradis à l’ombre des épées (la première de ses Olympiques), qui sera le best-seller de la littérature sportive de l’époque. Le grand écrivain anglais Robert Graves envoie un poème. Mais la plupart des candidats sont aujourd’hui oubliés, qu’il s’agisse de Marcel Berger, du vainqueur Géo-Charles ou du rugbyman Charles-Anthoine Gonnet (meilleur au ballon ovale qu’à la plume).


Dans ton livre, on voit déjà que les JO 1924 ont été compliqué à organiser, on a vraiment l’impression de retrouver ce qui s’est passé en 2024 !

Oui, à l’époque, les heurts furent nombreux entre le comité organisateur et les autorités – le gouvernement, la Chambre des députés et le Conseil Municipal. La Ville de Paris refusa de céder le Parc des Princes. Les Jeux eurent lieu à Colombes, ce qui fit dire à Jean Giraudoux : « Il y a le stade de Colombes et le columbarium au Père Lachaise. Inutile de dire que tous les soins des édiles vont au second. » Une allusion aux très nombreuses cérémonies aux morts de l’époque, utilisées par Raymond Poincaré pour justifier sa politique agressive contre l’Allemagne, qui eut de terribles conséquences. 


En 1948 sera la dernière olympiade avec des concours artistiques. Pourquoi ces épreuves n’ont pas perduré ?

Si de nombreux artistes intéressants participèrent aux concours, les jurys ne surent que rarement les reconnaître. Ces olympiades artistiques étaient chères à Pierre de Coubertin qui souhaitait en faire un évènement sacré. En 1948, le baron disparu, on prend comme prétexte le professionnalisme des artistes pour les écarter d’épreuves que l’on souhaite encore réserver aux seuls amateurs… L’idéal antique de l’homme complet a vécu.


Propos recueillis par Julien Legalle

 

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