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Entretien avec Diego Calmard : « Gignac voulait changer sa vie, et le Mexique a changé sa vie ».

André-Pierre Gignac est un joueur à part du football français. Bon vivant, déconneur, travailleur, guerrier, "attachiant" pour certains coéquipiers ou membres du staff, il ne laisse personne indifférent. Son exil mexicain en 2015 avait beaucoup fait parler. Depuis il est devenu une idole. Et pour tous ces éléments, il était temps qu'un ouvrage soit publié sur ce joueur atypique et à "l'ancienne". Rencontre avec l'auteur de El Bomboro (Ed. Marabout), Diego Calmard.




Pourquoi un livre sur André-Pierre Gignac ?

Je vis au Mexique et tous les weekends je suis témoin du phénomène APG dans le championnat local, la Liga MX. Il est très vite devenu l’étoile de son club, les Tigres, dès son arrivée en 2015, très vite devenu le meilleur joueur du championnat et en à peine cinq ans il était déjà le plus grand joueur de l’histoire des Tigres. Mais si il y a quelque chose d’encore plus déterminant et qui m’a vraiment donné envie d’écrire cette histoire, c’est la dimension humaine et culturelle de cette relation entre Gignac et les Tigres et plus globalement la ville de Monterrey. Je savais que le nombre d’anecdotes valaient le temps de faire un livre. On est presque sur un modèle à la Ibra au PSG, avec peut-être un peu moins de trophée pour Gignac, mais un amour incroyable entre lui et les fans des Tigres, une connexion rarement vue entre un joueur et une ville. Et entre un Européen confirmé en Amérique latine, cette histoire est unique, c’est du jamais vu !


Que signifie « El Bomboro » ?

C’est tout simplement le surnom de Gignac au Mexique. El Bomboro est une chanson de La Sonora Santanera, un groupe de cumbia, une musique tropicale au style caribéen. Et il y a un passage où le chanteur prononce en rythme « Bomboro, quiña, quiña ». Il a toujours dit que ces paroles ne signifiaient rien, que c'était juste des syllabes pour coller au rythme de la chanson. Mais peut après l’arrivée de Gignac à Monterrey, un commentateur de ballon-rond qui réalisait une chronique sur Gignac, Don Rober, a lancé la chanson sur le plateau télé, s’est mis à danser, et a commencé à chanter « Bomboro Gignac, Gignac » au lieu de « Bomboro quiña, quiña ». Et le surnom est resté !


Vous dites qu’à ses débuts à Martigues, il n’avait pas forcément plus de talent que les autres pourtant c’est lui qui deviendra pro. Qu’est-ce qui a fait la différence ?

Pour ses formateurs et ses entraîneurs en jeunes, la différence a été sa hargne et sa soif de vouloir devenir pro. C’est d’ailleurs le titre du deuxième chapitre : “Vous allez voir, je vais devenir pro!”. Lui en était sûr, et cette auto-persuasion et cette force mentale ont beaucoup joué. Ceux qui ont suivi la Ligue 1 entre 2007 et 2015 se souviennent de lui comme un guerrier, un gars qui malgré des périodes de blessures et de disette, se relevait grâce à son mental. Et il y a toujours un petit brin de chance. Beaucoup de talents passent à la trappe, mais dans son cas, un bon match en jeunes, en l'occurrence en Coupe Gambardella, où de nombreux recruteurs arpentent les bords de terrain, et voilà comment il a été repéré.


El Bomboro sur les plages de Normandie ©JulienLegalle


Après Lorient, Toulouse, il arrive à l’OM. Ses débuts sont difficiles. Comment expliquez-vous cela ? Avait-il trop de pression en jouant pour son club de cœur ?

Je n’en suis pas sûr. Les réponses sont dans le livre, mais il y a un mélange de plusieurs éléments comme les blessures, le cap à franchir entre le TFC et l’OM, l'entraîneur, et dans le cas de Gignac l’environnement. Il le dit lui-même : après de longues années passées loin de sa région natale, il a voulu rattraper le temps perdu.


Êtes-vous d’accord si l’on dit qu’il atteint son meilleur niveau sous Bielsa ? Si oui, pourquoi ?

Sa saison sous Bielsa et les premières avec les Tigres. Il ne faut pas sous-estimer ce championnat. Il fait un match énorme en Copa Libertadores aussi, ça montre son niveau de fou en 2015. Mais oui, Bielsa a été un tournant dans sa carrière. Avant, Gignac était un bon attaquant de Ligue 1 mais ne passait plus les paliers en raison de sa façon de s’entraîner ou de se nourrir. Avec Bielsa et son staff, il est devenu le professionnel ultime. Le témoignage de son préparateur physique de l’époque, Jan van Winckel, est précieux et montre toute la différence entre l’avant et l’après Bielsa.


Son arrivée au Mexique avait surpris tout le monde en France. Connaissez-vous la raison de ce transfert ?

Oui, il y a plusieurs témoignages dans le livre qui racontent les coulisses de ce transfert surprenant. Mais après plusieurs années à l’OM, son club de coeur, il avait fait le tour et la pression mentale et émotionnelle était devenue trop grande. Il savait qu’il devait partir pour s’épanouir. Mais après l’OM, il ne pouvait plus jouer en France, encore moins à Lyon qui le voulait. Et le style de vie à aussi joué. Il aurait pu choisir un club de milieu de tableau de Premier League ou jouer l’Europa League avec des clubs espagnols ou turcs. Quand l’offre du Mexique est venue, il n’a quasiment pas hésité. Il voulait un autre défi, il voulait changer sa vie, et le Mexique a changé sa vie, sans qu’il ne le sache au moment de son choix de signer aux Tigres.


Tout le monde fait le constat que son aventure mexicaine est une réussite totale. Qu’est-ce qui fait que Gignac a réussi là ou Delort, Kolodziejczak, Ménez, Thauvin ne sont pas parvenus à s’imposer en Liga MX ?

Le niveau et le sérieux, pour certains d’entre-eux. Certains ont peut-être pensé qu’il suffisait de signer là-bas pour que les résultats tombent, et que les supporters t'adorent, mais non. A son arrivée, Gignac n’a pas triché, il a travaillé, il a gardé la même rigueur que sous Bielsa. Et il a créé une connexion incroyable avec les supporters. Il se sent désormais comme un Mexicain à part entière. C'est ça qui a aussi été décisif et qui fait que son histoire au Mexique est légendaire. Les autres n’avaient soit pas le niveau requis à l’instant T, certains ont peut-être subi les choix des coachs, et certains ont même défrayé la chronique pour leur comportement hors des terrains. Finalement, ces échecs mettent encore plus en valeur ce que réalise Dédé. Le Mexique, et encore plus un club exigeant comme les Tigres, ce n’est pas le Los Angeles Galaxy ou le Qatar !


Pour terminer, quelle image avez-vous de lui après ce livre ?

Les mecs comme Gignac sont en voie de disparition. C’est un gars franc, honnête, avec toutes les qualités et les défauts que celà génère aussi, car il a un côté tête de con, haha. Mais ça fait de lui quelqu’un d’entier, c’est pour ça que les hinchas des Tigres l'adorent. C’est son gros cœur aussi qui fait qu’il n’y arrive pas au début à l’OM, car il pense avant tout à retrouver sa famille, ses proches, les mettre bien, en oubliant qu’il a des responsabilités avec le club et sur le terrain. Sa franchise et le fait qu’il soit à fleur de peau fait aussi de lui une personne sensible au point de se sentir trahi par certaines personnes et la presse en particulier. Mais il sait que ça fait partie du jeu. Sans ce cœur gros comme ça, il ne devient pas pro, il ne signe pas à l’OM ( car il avait de meilleures offres d’autres clubs plus prestigieux en Europe) et il ne prend pas la décision invraisemblable de signer au Mexique, une décision qui finalement change sa carrière et sa vie.


Propos recueillis par Julien Legalle

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