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L’Odeur du chlore d’Irma Pelatan

L’odeur du chlore c’est cette odeur qui nous a manqué pendant les longues semaines de confinement… et qu’on a eu le plaisir de retrouver ! C’est aussi cette odeur dans laquelle Irma Pelatan nous immerge pour notre plus grand bonheur.



Dans son inclassable ouvrage, entre récit et chronique, voire autobiographie –, l’autrice raconte une jeunesse passée aux bords des bassins, où le corps de l’enfant devient celui de l’adolescente et de la jeune femme, à force de battements et d’ondulations. Avec beaucoup d’originalité et de sensibilité, elle propose la chronique d’un corps qui fait ses longueurs dans la piscine de Firminy, construite selon le programme "Modulor".

Le Modulor ? Il s’agit d’un système de mesure créé par le Corbusier, sorte de norme architecturale où le corps – celui d’un homme idéal de 1 mètre 83 – devient l’échelle de référence. Sous la plume d’Irma Pelatan, le Modulor réalise la mise en perspective de ce corps idéal : « un étalonnage né du corps, du corps idéal comme lieu de la proportion, le corps qui tend au nombre d’or. Refus du mètre-étalon, refus de l’impersonnel-étalon, du rationnel-étalon. Le corps comme échelle du tout […]. Le nombril à 113 cm du sol. Le corps de l’homme comme base du standard, de la norme. Tout dans la piscine est calculé comme ça : le banc du collectif à 43,2 centimètres du sol, c'est-à-dire la section du tibia idéal, la hauteur de crochet adaptée au mètre quatre-vingt-trois, à la stature de l’homme du Modulor ».

L’analyse n’est pas celle d’une architecte, froide et mesurée, mais celle d’une nageuse qui offre une perception intime et une compréhension personnelle d’un lieu qui a accompagné la croissance de son corps. Après tout, Irma Pelatan l’a habité pendant près de 15 ans, entre 4 ans et 18 ans, enchainant les longueurs avec ses camarades de lignes d’eau. Elle y a réalisé ce grand voyage qui mène de l’enfance à l’âge adulte… même si ce voyage se jouait dans un bocal d’une longueur de 25 mètres : « C’est vrai, quand on y pense, on allait pas bien loin. On nageait des kilomètres mais on restait sur place, dans notre petit bassin. Vingt-cinq mètres de long. On travaillait l’art du virage. L’art de la limite ».



Irma Pelatan nous conduit aussi dans un collectif avec ses règles et ses valeurs dont les points cardinaux semblent être rigueur et effort. Elle nous introduit dans la vie d’un club de province, loin du haut niveau et où les voix qui entrainent se colorent de « l’accent pied noir et de l’accent stéphanois ».


Un éloge nostalgique au monde des bassins… qui donne sérieusement envie de piquer une tête !


Irma Pelatan. L’Odeur du chlore. La contre allée, 2019.

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