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Le Nageur D'Auschwitz

En ce printemps 2022, l’actualité culturelle autour de la figure d’Alfred Nakache est riche, et c’est tant mieux ! Dans la pièce Sélectionné mise en scène par Steve Suissa, à l’affiche du théâtre Edouard VII jusqu’au 26 juin, Amir Haddad incarne, seul en scène, le nageur originaire de Constantine (https://www.theatreedouard7.com/spectacles/amir-haddad-dans-selectionne ; https://youtu.be/2akyGDjUR6k).




Nakache occupe aussi une place de choix dans le roman de Bruno Giroux, Chlore, sorti début mai chez Talent Éditions (lire notre entretien avec l'auteur : urlz.fr/ihh).

Renaud Leblond apporte lui aussi, avec Le Nageur d’Auschwitz, « roman librement inspiré de l’histoire d’Alfred Nakache » (https://www.lisez.com/ebook/le-nageur-dauschwitz/9782809844696), sa pierre à un édifice de réactivation mémorielle qui s’est accéléré à partir de mai 2019, soit 36 ans après sa mort, par l’intronisation du nageur au sein de l’International Swimming Hall of Fame de Fort Lauderdale en Floride, véritable panthéon de la natation. Il ne faut certes pas oublier le documentaire signé Christian Meunier en 2001 (Alfred Nakache, le nageur d'Auschwitz, avec la voix de Pierre Arditi, d’une durée de 52 minutes, visible ici : https://youtu.be/CxwWa8XgbPo), ni le fait que des piscines ont été baptisées du nom du nageur, à Toulouse dès 1944, alors que Nakache était en déportation, d’où l’on craignait qu’il ne revienne pas, à Montpellier en 1976, à Nancy en 2006, dans le XXe arrondissement de Paris en 2009 et à Sauvian près de Béziers en 2020.


Piscine municipale Alfred-Nakache en 1964 (fonds André Cros, Archives municipales de Toulouse).




Mais ni la fiction ni la littérature ne s’étaient jusqu’alors saisie de cette figure incarnant la volonté, le courage et la résilience ou alors de manière indirecte comme lorsque Yves Pourcher s’était demandé en 2021, sur le mode de l’enquête, dans Brasse Papillon – Le Roman d’un collabo (Éditions Gaussen) si le champion de natation Jacques Cartonnet avait ou non dénoncé en 1943 son grand rival Alfred Nakache.




Renaud Leblond est éditeur et écrivain. Passionné de sport, il a notamment fondé en 2012 le Prix de littérature sportive Jules Rimet (https://www.prixjulesrimet.fr/). Dans ce roman-hommage à la couverture saisissante – des barbelés se substituent aux lignes d’eau – l’auteur fait revivre avec intensité le champion. Pour cela, il fait alterner dans de courts chapitres des scènes estivales de son adolescence à Constantine, où l’on découvre qu’il n’aime pas l’eau, puis les moments d’insouciance avec sa femme Paule, et, en total contrepoint, des scènes marquées du sceau des humiliations et de la souffrance vécues lors de sa déportation à Auschwitz en 1944. Au fil des pages, c’est l’élan vital et la dimension solaire de celui qu’on surnomme Artem, « le poisson » en hébreu, qui éblouissent, même au plus sombre de l’enfer concentrationnaire. Grâce à la présence de nombreux dialogues, le nageur reprend vie, on perçoit aussi avec émotion son sentiment de déracinement et de solitude à Paris, ainsi que son attachement à la culture de son enfance, comme lorsqu’il reçoit des disques envoyés par Cheikh Raymond. Nakache, un homme du sud, qui, quoi qu’il arrive, ne s’arrêtera pas de nager, tout comme on le lui avait intimé dès l’été 1942 : « Cette rafle est comme un coup de poing au foie. Au gymnase, Aaron affiche pourtant une détermination de taureau. – On va lutter, Alfred, comme toi dans les bassins. Tiens-toi à distance de nous, continue, surtout, à nager. » (p.156). Nager, Nakache le fera d’ailleurs littéralement jusqu’au bout, lui qui périra d’un arrêt cardiaque lors d’une traversée quotidienne en Méditerranée.

Renaud Leblond achève son roman sur une note dans laquelle appelle à la vigilance face au poison que constituent le racisme et l’antisémitisme, afin d’éviter toute répétition d’une Histoire funeste. L’auteur ajoute une bibliographie qui permettra à celles et ceux qui le souhaitent d’approfondir certains aspects, notamment sur le sport à l’époque du national-socialisme.


Renaud Leblond, Le Nageur D'Auschwitz, Éditions de l’Archipel, mai 2022, 239 p.

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