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Poèmes pour Chantal Mauduit

Entre 1998 et 2001, le poète André Velter publie trois recueils évoquant la disparition de l’alpiniste Chantal Mauduit. Des textes d’une autre altitude qui fixent pour toujours leur « amour-miracle ».





Par Valentin Deudon


Comment oublier un Amour perdu ? On ne l’oublie pas. Mieux, on l’écrit. Pour éterniser en soi un sentiment inouï, une peau qui manque, un regard qui hante. Pour les chérir encore. Pour les fixer plus loin : dans le temps devenu irrespirable, dans l’espace aussi vaste que la nuit, dans les mémoires des autres défaits, celles et ceux qui cherchent un réconfort, corps et cœur asséchés par l’absence.

Plus qu’un Amour perdu, André Velter a écrit une Amour morte, une Amoureuse disparue, ensevelie sous la neige un mercredi de l’année 1998, quelque part dans l’immensité d’une haute montagne au Népal, son pays d’adoption.

«Chantal est morte». Trois mots reçus par téléphone, trois mots qui éteignent tout, «trois mots pourtant que je ne peux contrer qu’avec les mots qui nous ont réunis», écrit le poète dans Le septième sommet, paru chez Gallimard en 1998. Un livre phare parmi trois, chronologiquement le premier volet d’une trilogie dédiée à l’être aimée et dont les deux autres unités ont pour noms L’amour extrême (2000) et Une autre altitude (2001), tous sous-titrés Poèmes pour Chantal Mauduit.

Chantal Mauduit, héroïne en altitude, une nomade qui a fait de sa vie «une œuvre-vertige», elle qui dessinait des fleurs et écrivait des poèmes sur sa toile de tente à l’heure du bivouac. Si l’amour est bel et bien un miracle, l’écriture aussi. Car elle existe encore aujourd’hui, «à contre-mort», par la grâce des textes d’André Velter.

Il lui parle bien sûr, «à mi-chemin des murmures et des songes». «Je suis tendresse dépossédée», ajoute-t-il cette fois dans notre direction, observant d’en bas, du fond de l’ombre, des hauteurs désormais inaccessibles, sinon par un amour fou, sinon par l’alpiniste totale qu’elle était.

On est ici à la fois si proche et si loin du sport. Chantal Mauduit avec son sourire irradiant déplorait justement sans haine que «certains confondent l'alpinisme avec un sport. Pour moi, c'est une façon de rechercher des horizons, la plénitude, la sagesse». Un mantra qui n’empêche pas l’exploit. Elle a gravi sans apport d'oxygène 6 des plus hautes montagnes de la planète, dans l’Himalaya : le K2, le Shisha Pangma, le Cho Oyu, le Lhotse, le Manaslu et Gasherbrum II. Il en restait 8 à atteindre, pour compléter la collection des sommets culminant à plus de 8000 mètres. Alors la poésie d’André Velter se charge de l’inachevé : «Il m’appartient désormais, par la seule force de mon amour, et pour disputer à la mort les noces qu’elle nous a volées, d’escorter ta course vers les autres sommets».

«Tu vis à l’infini», disait hier encore l’homme-poèmes à la «la femme-soleil» qui chaque jour «danse sur l’horizon». Le deuil ? Certainement pas. «C’est une mort pire que la mort, une défaite à petit feu, un retour à la norme du commun des mortels». Encore une leçon consolatoire : non, les Amours mortes n’ont pas besoin d’être enterrées.


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