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« Le baseball était le terreau idéal pour raconter une histoire sociale de l’Amérique » A. Bertin

Nathan Bergman, journaliste sportif qui n'est plus que l'ombre de lui-même, décide, avant sa retraite professionnelle, de se lancer dans une dernière enquête, reprenant un projet d'article qu'il avait abandonné il y a 30 ans. Cet article devait narrer l'ascension d'un prodige du baseball dans une petite bourgade de Pennsylvanie, un jeune lanceur qui devait éclabousser de son talent le sport national américain grâce à un lancer rare et surprenant. Mais une fin tragique stoppe la belle histoire. Mais était-ce vraiment une belle histoire ? Car, à travers cette nouvelle enquête journalistique, Nathan Bergman va découvrir que le rêve américain cache de sombres secrets.

Dans son roman Dixième Manche (Souffles Littéraires, 2022), Alexandre Bertin s'attaque au fameux american dream, un mythe plus qu'une réalité, une fable destinée à effacer les mensonges qui bâtissent certaines succes-stories. Et quoi de mieux, pour explorer et briser ce mythe que de placer l'histoire au sein du national pastime américain, le baseball. C'est le choix fait par l'auteur, joueur de baseball lui-même aux Panthères de Pessac et chroniqueur pour le site spécialisé The Strike Out.

Alexandre Bertin nous offre un premier roman maîtrisé, avec une écriture fluide qui nous immerge dans chaque scène et nous propose des dialogues ciselés. Tandis que l'intrigue monte crescendo, la narration explore plusieurs facettes de la nation états-unienne à travers les rencontres et les découvertes du journaliste, avec rythme et justesse. Une plume prometteuse qui permet au baseball de voir, en 2022, une deuxième œuvre le mettre en lumière en France après Une Histoire Populaire du Baseball de Gaétan Alibert (Blacklephant Editions).

Pour vous permettre d'en savoir plus sur Dixième Manche et son auteur, nous sommes allés à la rencontre d'Alexandre Bertin pour lui poser quelques questions sur le fond et la forme de son roman.



Alexandre, Dixième Manche est ton premier roman. Qu’est-ce qui t’a motivé à écrire ce roman et d’où te vient ce goût de l’écriture ?


L’écriture de ce roman m’est un peu tombé dessus. Comme beaucoup d’apprentis écrivains, j’ai profité du premier confinement en mars 2020 pour suivre une masterclass en ligne, celle d’Eric-Emmanuel Schmitt. Les exercices m’ont rapidement plu au point de persévérer. J’ai écrit une première nouvelle, puis une seconde. C’est alors que m’est venue l’envie d’aller plus loin. L’exercice de la nouvelle est intéressant d’un point de vue technique. Mais j’avais envie de raconter une véritable histoire, développer une intrigue, donner vie à des personnages. De les suivre sur le long court, pas seulement sur une petite fraction de leur existence. Le roman m’est alors apparu comme une évidence.


Ce goût de l’écriture, comme je le disais, est très récent. Bien entendu, lors de mon adolescence, je me suis essayé à la poésie et à l’écriture de chansons. Mais je ne suis pas allé plus loin que quelque vers jetés sur un bout de papier. Pendant plus de 15 ans, c’est par l’intermédiaire de la photographie que je me suis exprimé. Mais une certaine lassitude a fini par s’installer au point où j’ai fini par ranger définitivement mes appareils argentiques. La création me manquait et j’ai trouvé dans l’écriture un moyen nouveau de m’exprimer. Après l’image, c’est par les mots que j’ai eu envie de faire passer des émotions.


L’histoire prend place en Amérique et son passe-temps national, le baseball. Pourquoi ces choix ?


Depuis mon adolescence, je suis fasciné par les États-Unis. Sa géographie, son histoire, sa sociologie … tout m’attire et me repousse à la fois ! Je suis un énorme lecteur de littérature américaine : Kerouac, découvert à la l’adolescence, puis Selby Jr., Philip Roth, Saul Bellow, Russell Banks ou Richard Ford. Tous les romanciers et les romancières américaines apportent un éclairage différent sur cette société du grand-écart. Un livre de martyrs américains de Joyce Carol Oates, par exemple, incarne parfaitement les contradictions de la société américaine. C’est de ces contradictions-là dont je voulais parler dans mon roman Dixième Manche, une histoire américaine.


J’ai choisi d’installer l’intrigue dans l’univers du baseball pour plusieurs raisons. Premièrement, j’ai découvert ce sport il y a quatre ou cinq ans et c’est devenu une véritable passion. Je suis tombé amoureux du sport en lui-même mais aussi de toute la culture historique ou sociale qui lui est associé. Quand on regarde l’histoire de ce sport, on se rend compte à quel point, il est intimement lié à l’Histoire des États-Unis. Il s’agit-là d’un concentré, déplacé dans l’univers sportif, des transformations qu’ont connu les États-Unis depuis la fin du 19ème siècle. Quel autre sport peut se targuer d’être le National Pastime ? Quel autre sport peut se vanter d’être un membre de la famille américaine qu’on invite, le dimanche matin, à partager un moment avec les enfants dans le jardin derrière la maison ? Quel autre sport a autant exclu les joueurs afro-américains de ses équipes professionnelles pour ensuite mieux les réintégrer et leur rendre hommage ? Le baseball était le terreau idéal pour raconter une histoire sociale de l’Amérique. Il incarne à lui seul toutes les valeurs du sous-continent : l’ambition, le culte de l’argent, la déchéance ainsi que le rêve américain, le graal tant recherché dans cette Amérique de tous les possibles.


Le baseball est également une arène intéressante en matière de dramaturgie. L’affrontement direct entre le lanceur et le batteur est un moment d’une rare intensité. J’ai choisi de faire de Richard un lanceur car, à mes yeux, il incarne parfaitement ce qu’on attend du héros shakespearien. Le lancer est ce temps suspendu, qui dure quelques millièmes de secondes durant lesquelles le monde retient son souffle. Ce temps suspendu durant lequel le lanceur n’a plus aucune maîtrise du destin de la balle.


Bref, il n’était pas possible de raconter cette histoire dans un autre contexte que celui du baseball.



Comment as-tu vécu l’écriture de ce premier roman et l’expérience de l’édition ?


Beaucoup mieux que ce que je suis en train de vivre pour mon deuxième roman ! L’écriture du manuscrit s’est faite de manière insouciante. Je n’avais aucune autre idée en tête que de conduire mes personnages jusqu’au mot fin. Je n’avais rien de préconçu quant à l’écriture. Je me suis laissé guider par l’inspiration. J’aime beaucoup me comparer à un randonneur en montagne : je connais mon point de départ, je visualise mon point d’arriver mais entre les deux, j’aime l’idée qu’il est possible d’emprunter des chemins de traverse, de ne pas foncer en ligne droite du point A au point B. J’ai préparé mon voyage (par la documentation, par la construction de l’intrigue et des personnages) mais je me suis également laissé porter par l’improvisation. Des personnages sont apparus en cours de route, d’autres ont disparu entre le premier jet et la réécriture. Certaines scènes ont été raccourcies, d’autres musclées … Alors bien entendu, comme en montagne, la météo est importante : l’orage, la pluie, le brouillard … autant d’obstacles quotidiens qu’il faut anticiper pour mieux les gérer. Mais c’est aussi le charme de l’écriture : aucun jour ne ressemble au précédent et ne ressemblera au suivant. C’est tous les matins une nouvelle aventure !


L’édition est une autre aventure ! La première victoire est d’avoir obtenu la confiance d’une maison d’édition. Pour un primo-romancier, c’est incroyable. La fiction est un domaine où il y a beaucoup d’appelés (surtout depuis le confinement) et très peu d’élus. Alors je savoure la chance que j’ai d’avoir été repéré par Danielle Mazens et Jean-Philippe Vest mes deux éditeurs de la maison d’édition Souffles littéraires. Leur travail a été incroyable. Nous avons beaucoup discuté des points faibles et des points forts, des chapitres à densifier, des personnages à peaufiner. Le manuscrit final leur doit beaucoup, comme au correcteur Jonathan de Loeuw qui a fait également un travail exceptionnel.


Quels sont tes futurs projets en matière d’écriture ?


Je travaille actuellement sur mon deuxième roman. Je change d’univers, de lieu, d’époque et d’histoire mais le thème de la filiation et de ses secrets sera toujours au cœur de mes préoccupations. Je ne souhaite pas révéler trop vite l’intrigue mais nous serons dans les années 1970, en Italie, où une jeune fille part sur les traces de son géniteur après avoir appris qu’elle était le fruit du viol de sa mère.

Mais je garde dans un coin de ma tête Nathan Bergman, le personnage principal de Dixième manche. Peut-être reviendra-t-il un jour, dans un autre roman … Affaire à suivre !


Propos recueillis par Gaétan Alibert

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